"Air cocaïne" : l'un des pilotes emprisonnés témoigne
Comment allez-vous ?
Pascal Fauret : Ça ne va pas du tout. Il y a constamment un vacarme infernal. On vit dans des conditions proprement impossibles, inacceptables, terribles. On ne vit pas, on essaie de survivre. On est six dans 10m2. Au début, nous étions enfermés là-dedans 23h30 par jour. Maintenant, on l'ouvre plus régulièrement. Notre prison est une espèce de cathédrale de 200m2 dans laquelle on est 120. Il y règne un bruit permanent absolument infernal.
Dans quel état êtes-vous ?
PF : Physiquement, nous sommes très diminués. Il est impossible de faire de l'exercice. Nous sommes mal nourris. Plat unique matin midi et soir, du riz et des haricots. Il n'y a que ça à manger. Nous manquons de lumière, on ne peut pas lire. Il n'y a pas de chaise. Ma vue a baissé, je le sens. Musculairement, je suis amoindri. Le moral va avec puisque notre affaire n'avance pas. Il y a eu une quinzaine de renvois devant la justice avec des moments hauts et surtout des moments très bas. Là, nous sommes en attente d'une énième date. Une audience très importante devrait avoir lieu le 25 avril. Notre dossier a été dépaysé à la capitale, Saint-Domingue, ce qui apparaît comme une bonne nouvelle. Mais c'est une bonne nouvelle qui intervient un an trop tard puisque nous sommes repartis dans la même procédure que l'été dernier.
A quoi vous accrochez-vous ? Quel est votre espoir ?
PF : Ma priorité numéro 1, c'est de sortir de cette prison, de cet enfer, au moins obtenir la liberté conditionnelle pour pouvoir recevoir de la visite, notamment nos familles, au moins de manière décente.
Vous continuez de clamer votre innocence, plus d'un an après votre arrestation ?
PF : Bien sûr. J'étais salarié d'une petite compagnie d'aviation d'affaires. Je suis parti pour 4 jours à la demande de mon employeur. J'ai pris une petite valise avec toute ma vie à l'intérieur : mes ordinateurs, mon téléphone, mes clés... On m'a tout volé. On m'a rasé la tête. Mes cartes bleues ont été distribuées, heureusement j'ai pu faire opposition, ce qui n'est pas le cas de Bruno Odos, mon compagnon d'infortune. On lui a volé beaucoup d'argent. On m'a piqué ma montre. On m'a jeté dans un cachot pendant 15 jours. J'étais ensuite dans une cellule minuscule pendant un mois.
Depuis, nous sommes soit disant à la disposition de la justice dominicaine mais il ne se passe absolument rien.
Croyez-vous en la justice dominicaine ? En l'intervention de la diplomatie française ?
PF : A la première question, la réponse est clairement non. La justice dominicaine a largement montré son incompétence. Cette histoire est montée de toutes pièces, absolument abracadabrantesque. Il n'y a rien de tangible. Ils font traîner l'affaire dans je ne sais trop quel but. Le deuxième point, c'est le soutien de la France, oui il est maintenant beaucoup plus sensible. Le problème, c'est que le temps de la diplomatie quand on est en prison, on le ressent comme du temps de vie perdu. Ou plutôt de non vie d'ailleurs.
Comment se passe une journée type pour vous actuellement ?
PF : Il faut savoir qu'il n'y a aucune règle. Tout change de mois en mois voire d'heure en heure. Tout évolue. C'est très difficile de comprendre parce que nous n'avons pas la culture locale. Nous ne parlons pas espagnol même si on commence à le comprendre, évidemment au bout d'un an. Tout est soumis à l'arbitraire des gardiens. S'il y a de l'eau, on peut se doucher. S'il n'y en a pas et bien tant pis. Il ne nous reste alors plus qu'à espérer que l'eau revienne mais rien n'est jamais garanti. On attend surtout d'avoir accès au téléphone, quand il marche... Des fois, l'après-midi, on arrive à mettre un pied dehors, sur un demi-terrain de basket, pour prendre l'air.
On est au fond du trou.
Avez-vous un message pour les autorités françaises ?
PF : Le premier message, c'est pour le président de la République : Sortez-nous de là ! Ensuite, faire en sorte que la justice suive son cours, que l'on puisse enfin se défendre, expliquer que l'on n'a rien à voir avec cette affaire-là. Nous sommes face à un escalier et nous n'avons même pas gravi la première marche. Heureusement, nos familles nous aident énormément. Nous avons également un formidable comité de soutien et beaucoup de pilotes d'Air France sont venus nous rendre visite. Certains nous ont apportés du courrier. Rien que ça, ça nous fait du bien.
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