On vous résume la passe d'armes entre Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro sur l'Amazonie
Tendues depuis des semaines, les relations entre les autorités françaises et brésiliennes se sont brutalement dégradées depuis que des incendies se sont déclarés en Amazonie, avec un échange d'insultes et de propos fort peu diplomatiques.
Coup de chaud sur les relations franco-brésiliennes. Réagissant aux incendies qui ravagent la forêt amazonienne, le président français Emmanuel Macron a lancé un cri d'alarme sur Twitter, jeudi 22 août. Une mise en garde qui n'a pas été du goût du président brésilien Jair Bolsonaro. Depuis, la pression monte entre les deux chefs d'Etat. Franceinfo revient sur cette escalade verbale franco-brésilienne, dont le dernier épisode a eu lieu lundi, en marge de la clôture du G7 à Biarritz.
Acte 1. "C'est une crise internationale", affirme Emmanuel Macron
Tout commence par un tweet publié par Emmanuel Macron, jeudi 22 août. "Notre maison brûle. Littéralement", écrit-il, en français et en anglais, s'inspirant d'une formule prononcée par Jacques Chirac lors du sommet de la Terre à Johannesbourg (Afrique du Sud) en 2002. Et d'ajouter : "C'est une crise internationale." A quelques heures du lancement du G7 à Biarritz, le chef de l'Etat français appelle ses homologues étrangers à "parler de cette urgence".
Notre maison brûle. Littéralement. L’Amazonie, le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène, est en feu. C’est une crise internationale. Membres du G7, rendez-vous dans deux jours pour parler de cette urgence. #ActForTheAmazon pic.twitter.com/Og2SHvpR1P
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 22, 2019
Peu avant cette déclaration, Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU, avait livré ses préoccupations sur la situation amazonienne. "En pleine crise climatique mondiale, nous ne pouvons accepter davantage de dégâts sur une source majeure d'oxygène et de biodiversité", a-t-il écrit. Une pétition pour "stopper l'incendie" a par ailleurs récolté près de 3 millions de signatures.
Acte 2. Jair Bolsonaro reproche à Emmanuel Macron une "mentalité colonialiste"
Il n'en faut pas plus pour faire réagir Jair Bolsonaro, qui n'apprécie pas le ton du tweet d'Emmanuel Macron. Selon le dirigeant brésilien, le président français fait preuve d'une "mentalité colonialiste dépassée au XXIe siècle" avec cette "interférence". Choisissant également la voix du réseau social Twitter, Jair Bolsonaro indique qu'Emmanuel Macron "instrumentalise une question intérieure au Brésil et aux autres pays amazoniens". "Le ton sensationnaliste avec lequel il se réfère à l'Amazonie (faisant même appel à de fausses photos) ne contribue en rien à régler le problème." Le président brésilien pointe effectivement une erreur dans le tweet d'Emmanuel Macron, qui était illustré par une photo d'incendie en Amazonie datant du début des années 2000 et non de 2019, comme le relate Libération.
- Lamento que o presidente Macron busque instrumentalizar uma questão interna do Brasil e de outros países amazônicos p/ ganhos políticos pessoais. O tom sensacionalista com que se refere à Amazônia (apelando até p/ fotos falsas) não contribui em nada para a solução do problema.
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) August 22, 2019
Dans un deuxième tweet adressé à Emmanuel Macron, le président d'extrême droite se veut plus diplomate : "Le gouvernement brésilien reste ouvert au dialogue, sur la base de faits objectifs et du respect mutuel." Selon Jair Bolsonaro, les incendies sont "criminels" et auraient été allumés par des ONG qui souhaitent "attirer l'attention" sur la suspension par Brasilia des subventions à la préservation de l'Amazonie.
Acte 3. Emmanuel Macron s'oppose à l'accord UE-Mercosur
Emmanuel Macron ne se satisfait pas de cette réponse. Le président français, estimant que Jair Bolsonaro a "menti" sur ses engagements pour l'environnement, annonce, vendredi 23 août, que la France s'oppose au traité de libre-échange UE-Mercosur. Cet accord commercial devait être signé par l'Union européenne et plusieurs pays d'Amérique du Sud (le Brésil, l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay), au terme de près de vingt ans de tractations. Il est très critiqué, notamment par le secteur agricole et les écologistes.
"Compte tenu de l'attitude du Brésil ces dernières semaines, le président de la République ne peut que constater que le président Bolsonaro lui a menti lors du Sommet (du G20) d'Osaka [les 28 et 29 juin], a ainsi déclaré l'Elysée. Les décisions et propos du Brésil ces dernières semaines montrent bien que le président Bolsonaro a décidé de ne pas respecter ses engagements climatiques ni de s’engager en matière de biodiversité", a ajouté la présidence. "Dans ces conditions, la France s'oppose à l'accord Mercosur en l’état." Après la France, l'Irlande a aussi menacé de bloquer l'accord. Et la question brésilienne pourrait s'inviter au sommet du G7, qui débute samedi à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).
Acte 4. Jair Bolsonaro accuse Emmanuel Macron de "fomenter la haine contre le Brésil"
"Le feu le plus ardent est celui de notre souveraineté sur l'Amazonie", a d'abord tweeté le président brésilien. Jair Bolsonaro, accuse Emmanuel Macron de vouloir "fomenter la haine contre le Brésil par simple vanité" et lui renvoie le qualificatif de "menteur", à cause d'un tweet dans lequel le chef de l'Etat a partagé une photo ancienne d'un incendie de la forêt amazonienne.
Lamento a posição de um chefe de Estado, como o da França, se dirigir ao PR brasileiro como "mentiroso". Não somos nós que divulgamos fotos do século passado para potencializar o ódio contra o Brasil por mera vaidade. Nosso país, verde e amarelo, mora no coração de todo o mundo.
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) August 23, 2019
"Les incendies de forêt existent dans le monde entier et cela ne peut pas servir de prétexte pour d'éventuelles sanctions internationales", a-t-il en outre déclaré dans une brève allocution à la télévision. Jair Bolsonaro assure par ailleurs que "des pays" défendront le Brésil au sommet du G7.
Le président brésilien a tout de même fini par prendre des mesures contre les incendies, causés majoritairement par les défrichements par brûlis. Il a autorisé à partir de samedi et pour une durée d'un mois les gouverneurs des Etats concernés à recourir à l'armée pour "l'identification et la lutte contre les foyers d'incendies", ainsi que pour "des actions préventives et répressives contre les délits environnementaux".
Acte 5. Un ministre brésilien insulte Emmanuel Macron, Jair Bolsonaro son épouse Brigitte
Le chef de l'Etat a été copieusement insulté sur Twitter par le ministre brésilien de l'Education. "Macron n'est pas à la hauteur de ce débat [sur l'Amazonie]. C'est juste un crétin opportuniste qui cherche le soutien du lobby agricole français", a écrit Abraham Weintraub, en référence à l'opposition du président français à l'accord de libre-échange UE-Mercosur. Le terme utilisé en portugais ("calhorda"), très loin des usages diplomatiques, n'a pas d'exact équivalent en français mais se trouve à la croisée de "tricheur", "crétin" et "connard".
Le même jour, le président brésilien a repris à son compte, sur Facebook, un commentaire offensant pour Brigitte Macron. Il a réagi à un post qui se moquait du physique de l'épouse du président français – apparaissant sur une photo désavantageuse – en le comparant à celui de Michelle Bolsonaro, rayonnante le jour de l'investiture de son mari. "Vous comprenez maintenant pourquoi Macron persécute Bolsonaro?" lit-on à côté de photos des deux couples présidentiels. "C'est la jalousie (...) de Macron, je parie", écrit un internaute. "N'humilie pas le type - MDR" [mort de rire], a répondu en commentaire le président Bolsonaro, en référence à son homologue français.
Acte 6. Emmanuel Macron déplore des "propos extraordinairement irrespectueux"
Emmanuel Macron a répliqué en marge du sommet du G7 à Biarritz. Jair Bolsonaro a tenu "des propos extraordinairement irrespectueux à l'égard de mon épouse", a-t-il déclaré. "Qu'est-ce que je peux vous dire ? (...) C'est triste, mais c'est triste d'abord pour lui et pour les Brésiliens", a-t-il déploré. Et d'ajouter qu'il espérait "très rapidement" que les Brésiliens "auront un président qui se comporte à la hauteur". "Je pense que les Brésiliens qui sont un grand peuple ont un peu honte de voir ces comportements", a encore dit Emmanuel Macron.
Acte 7. Jair Bolsonaro exige qu'Emmanuel Macron retire "ses insultes"
La réponse du président brésilien n'a pas tardé. Une fois de plus, il s'est exprimé sur les réseaux sociaux. "Nous ne pouvons accepter qu'un président, Macron, lance des attaques déplacées et gratuites contre l'Amazonie, ni qu'il déguise ses intentions derrière l'idée d'une 'alliance' de pays du G7 pour 'sauver' l'Amazonie, comme si c'était une colonie", a écrit Jair Bolsonaro sur son compte Twitter.
"D'autres chefs d'Etat se sont solidarisés avec le Brésil. Le respect de la souveraineté de quelque pays que ce soit est le minimum qu'on puisse attendre dans un monde civilisé", poursuit le président d'extrême droite dans un second tweet, également publié lundi après-midi.
- Outros chefes de estado se solidarizaram com o Brasil, afinal respeito à soberania de qualquer país é o mínimo que se pode esperar num mundo civilizado.
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) August 26, 2019
Le lendemain, après avoir refusé l'aide financière du G7 pour lutter contre les incendies en Amazonie, le président brésilien a déclaré qu'il était prêt à en discuter si Emmanuel Macron "retirait [ses] insultes". "D'abord monsieur Macron doit retirer les insultes qu'il a proférées contre ma personne", a-t-il précisément déclaré à quelques journalistes. Jair Bolsonaro évoque les accusations du président français, selon lesquelles il a "menti" sur ses engagements environnementaux.
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