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Argentine: le président Macri veut faire rentrer l'économie dans le rang

Arrivé au pouvoir en décembre 2015, le nouveau président argentin de centre droit, Mauricio Macri, tente de relancer l’économie en luttant contre une inflation galopante. Tout en faisant les yeux doux à ses exportateurs et aux milieux financiers internationaux. Une politique qui a un coût social élevé.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le président argentin, Mauricio Macri, le 1er mars 2016 à Buenos Aires (REUTERS - Marcos Brindicci)

Mauricio Macri s’inquiète de l’évolution de la situation sociale. Il a donc annoncé le 16 avril 2016 une série de mesures pour les revenus les plus modestes. Parmi ces mesures, l'extension des allocations familiales aux petits contribuables. Ainsi que le remboursement de la TVA, fixée en Argentine à 21% pour presque tous les produits, aux citoyens ayant de faibles revenus. «L'angoisse de chacun d'entre vous est la mienne et ma responsabilité (est) de la transformer en moyens concrets pour que nous allions mieux», a déclaré le chef de l’Etat dans une maison de retraite de Buenos Aires où il annonçait ces mesures.

Il faut dire que la situation a de quoi inquiéter. Selon un récent rapport de l'Université catholique argentine, la pauvreté touche désormais 13,8 millions d'Argentins, soit plus d’un tiers (34,5%) de la population. 1,4 million de personnes supplémentaires seraient passées sous le seuil de pauvreté depuis la prise de pouvoir du nouveau président.

L’électricité augmentée de 700%
Principale cause de cette situation : l’inflation qui s’élève à quelque 40% par an. Conséquence : les syndicats demandent des augmentations de 30 à 35% pour pallier la hausse des prix. Ce qui ne peut qu’aider à la nourrir.

Mais la politique du nouveau pouvoir a, elle aussi, contribué à l’alimenter. La devise nationale, le peso, a été dévaluée de 40%, notamment pour faciliter les exportations. Sans succès notable pour l’instant. Les grands exportateurs de produits agricoles préfèrent les stocker dans l’attente de jours meilleurs.

Champ de maïs transgénique à Santa Clara de la Buena Vista, à 500 km au nord-ouest de Buenos Aires, le 11 avril 2012 (AFP - Juan Mabromata)

Le gouvernement a coupé les subventions dans les services publics et augmenté leurs prix : transports, eau, énergie... Celui des bus et des trains à Buenos Aires a doublé. La hausse la plus spectaculaire concerne l’électricité dont les tarifs ont augmenté… de 700% au 1er janvier 2016. «Jusqu’ici, le prix du kilowattheure argentin était parmi les plus bas du continent. Mais le nouveau gouvernement a eu beau jeu de dénoncer l’absence de concurrence dans le secteur de l’électricité et les tarifs artificiellement bas imposés par l’ancien gouvernement Kirchner» grâce aux subventions, rapporte Le Monde. Selon The Economist, ces dernières ont représenté 4% du PIB en 2015.
 
Dans le même temps, le gouvernement de Mauricio Macri a procédé à quelque 25.000 licenciements de fonctionnaires alors que le secteur privé supprimait lui aussi de nombreux emplois.

Accord avec les fonds «vautours»
D’emblée, le nouveau pouvoir a voulu remettre le pays sur le chemin de l’orthodoxie économique, en rupture avec les politiques protectionnistes de ses prédécesseurs, Nestor Kirchner (2003-2007) et son épouse Cristina (2007-2015). Il a ainsi fait une priorité de parvenir à un règlement, même coûteux, avec les derniers créanciers en conflit avec l’Argentine. Objectif : donner confiance à d’éventuels investisseurs.

Fin mars, Buenos Aires et les fonds «vautours» ont conclu un accord pour mettre un terme à un vieux conflit et solder définitivement les comptes de la crise économique de 2001 et du défaut de paiement de la troisième économie d'Amérique latine. Le 23 décembre 2001, l’Argentine avait annoncé qu’elle était dans l’incapacité de rembourser 100 milliards de dollars. En arrivant à la présidence en 2003, Nestor Kirchner avait rompu avec les organismes financiers internationaux. Pour lui, Fonds monétaire international (FMI) et Banque mondiale avaient inspiré la politique ultra-libérale du président Carlos Menem, dans les années 1990 (1989-1999).

Par la suite, les gouvernements Kirchner s’étaient tenus à l'écart des marchés de capitaux. Ils avaient désendetté le pays grâce, notamment, aux revenus des exportations agricoles, en plein boom des matières premières.

Ils refusaient d'appliquer la décision de la justice américaine sommant l'Argentine de payer 100% de la valeur des titres de dettes. 93% des créanciers privés de l'Argentine ont finalement accepté de ne toucher que 30 à 40% des sommes exigibles pour permettre au pays de se relancer après la crise. De leur côté, les fonds spéculatifs ont engagé des procédures en justice pour finalement encaisser 75% de la valeur des bons. Parmi eux, des fonds «vautours» avaient racheté la dette à prix cassés. Le fonds NML du milliardaire Paul Singer, proche des républicains américains, devrait ainsi rafler plus d'un milliard de dollars. Pour un investissement initial inférieur à 100 millions.

Le président argentin, Mauricio Macri, et son homologue américain, Barack Obama, après une conférence de presse commune à Buenos Aires le 23 mars 2016 (REUTERS - Martin Zabala - Pool)

Retour sur le marché international de capitaux
Pour solder cette affaire, Buenos Aires a lancé le 18 avril une émission d’obligations pour au moins 12,5 milliards de dollars. Une émission qui marque son retour sur le marché international de capitaux après 15 années d’absence. Moody's a relevé, de «Caa1» à «B», la note souveraine de l’Argentine. Mais pour autant, celle-ci ne pourra pas bénéficier de taux d'intérêts avantageux, qui devraient se situer entre 7 et 9%. A comparer avec le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE), fixé en mars… à 0%. Aux dires des milieux économiques, l'émission des bons pourrait rencontrer un grand succès auprès des Argentins. Il faut dire que les sommes investies sont exemptées d'impôts…

Pour le ministre des Finances, Alfonso Prat-Gay, «l’Argentine est de retour». Pour autant, il admet que la croissance de son pays «sera proche de zéro» en 2016. Pour 2017, il prévoit une croissance «entre 3,5 et 4 points.»
 
«Nous avons encore du chemin à faire, mais on voit de la lumière au bout du tunnel», estime le politologue Sergio Berensztein, cité par l’AFP. Selon lui, les «transformations» opérées par le nouveau président ne porteront par leurs fruits du jour au lendemain. Pour l’instant, selon un sondage, 72% des personnes interrogées ont une opinion favorable de ce dernier. Et 69% pensent qu’il est à même de contrôler la hausse des prix. «L'inflation nous frappe encore aujourd'hui. Mais je suis très optimiste, nous sommes sur le bon chemin», a déclaré Mauricio Macri en annonçant les mesures sociales. Seul ombre au tableau le concernant: des accusations d'évasion fiscale dans le cadre des Panama Papers...

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