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Attentat d'Orlando : qui sont les jihadistes américains ?

Moins nombreux qu'en France, les terroristes islamistes qui frappent les Etats-Unis ont aussi un profil sensiblement différent de celui des Européens.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Omar Mateen, le tireur de la boîte gay d'Orlando (Floride, Etats-Unis), sur une photo non datée. (AP / SIPA)

En plein carnage, Omar Mateen, le tueur d'Orlando (Floride), a fait une pause, selon une survivante. Il s'est arrêté de tirer pour composer le 911 (numéro d'urgence aux Etats-Unis) sur son téléphone portable. Cachée dans les toilettes de la boîte gay, Patience Carter, 20 ans, a entendu le meurtrier proclamer son allégeance au groupe Etat islamique. Il a ajouté "que la raison pour laquelle il faisait cela était qu'il voulait que l'Amérique cesse de bombarder son pays", l'Afghanistan, selon la jeune femme. Omar Mateen était pourtant Américain, né à New York, même s'il est effectivement d'origine afghane.

Depuis le 11 Septembre 2001, Omar Mateen n'est pas le premier à tuer aux Etats-Unis au nom d'un groupe jihadiste. Comme en Europe, ces organisations terroristes attirent des partisans. Mais ils n'ont pas tout à fait le même profil. Qui sont ces terroristes made in USA ?

Ils sont relativement peu nombreux

A l'automne 2015, les autorités américaines estimaient que "250 Américains avaient voyagé ou tenté de voyager vers la Syrie et l'Irak pour rejoindre l'Etat islamique et 900 investigations ont été ouvertes contre des sympathisants de l'EI dans 50 Etats", relève le programme sur l'extrémisme de l'université George Washington. Par ailleurs, 88 personnes ont été poursuivies pour des faits liés à l'EI depuis mars 2014.

Des chiffres à mettre en perspective. En France, pays cinq fois moins peuplé, le Premier ministre estimait, fin 2015, que plus de 1 000 Français avaient rejoint les groupes jihadistes en Irak et en Syrie. Les chercheurs de l'université George Washington écrivent tout de même : "Bien que pas aussi importante que dans d'autres pays occidentaux, la mobilisation liée à l'EI est sans précédent."

Ils sont nés aux Etats-Unis ou naturalisés

Les terroristes du 11-Septembre étaient entrés aux Etats-Unis avec de simple visas de tourisme, d'affaires ou d'étudiant. Depuis, les choses ont bien changé. Parmi la vingtaine de terroristes islamistes ayant frappé les Etats-Unis sur leur sol depuis le 11 septembre 2001, la plupart y sont nés ou ont été naturalisés, souligne une infographie du New York Times (en anglais)

Ainsi, Omar Mateen est né à New York de parents immigrés afghans. De même, Syed Rizwan Farook, qui a tué 14 personnes en décembre 2015 à San Bernardino, en Californie, avec sa femme, est né dans l'Illinois et avait grandi en Californie. Ses parents étaient nés au Pakistan. Il avait rencontré son épouse, Tashfeen Malik, sur internet et elle avait obtenu une carte verte, ce qui lui a permis de quitter le Pakistan.

Ils sont moins organisés qu'en France

Contrairement aux terroristes de Paris ou de Bruxelles, il semble qu'Omar Mateen n'était pas intégré dans un réseau terroriste et il n'a reçu aucune formation militaire dans des zones de guerre, en Irak ou en Syrie. Il suit ainsi l'injonction de l'EI de frapper chez soi si on ne peut rejoindre le califat autoproclamé. A ce titre, il est représentatif de la plupart des terroristes jihadistes qui ont frappé les Etats-Unis sur leur sol depuis le 11-Septembre. Des individus qui n'étaient pas organisés dans des réseaux complexes comme ceux qui ont frappé Paris.

Difficile en effet pour les apprentis terroristes de rejoindre les groupes jihadistes. Eloignés, séparés du Proche-Orient par l'océan Atlantique et la Méditerranée, il leur faut prendre des avions et risquer de se faire intercepter à l'aller ou au retour. L'éloignement géographique participe à l'endiguement du phénomène aux Etats-Unis, selon plusieurs observateurs.

Ils se radicalisent via internet

Isolés, éloignés des organisations jihadistes, ces terroristes sont séduits par la propagande diffusée sur internet et les réseaux sociaux. Dans un entretien accordé à L'Express, Marc Sageman, psychiatre, chercheur sur le terrorisme et ancien agent de la CIA, observe que "les jihadistes qui ont agi aux Etats-Unis sont physiquement seuls, mais ils pensent qu'ils font partie d'une 'oumma', d'une communauté, en ligne. C'est comme une sorte de fan-club dont les membres communiquent entre eux par mails ou sur les réseaux sociaux. La plupart des gens imaginent un quartier général ou un plan de préparation. En réalité, les attaques sont organisées de manière plus spontanée, ce qui rend l'éradication du phénomène difficile."

Selon le président Barack Obama, "il semble" qu'Omar Mateen "ait été inspiré par diverses sources d’information extrémistes sur internet". On ignore si l'EI a commandité l'attaque où si le terroriste en a pris l'initiative. D'ailleurs, lors d'entretiens avec le FBI, Omar Mateen s'était dit lié à Al-Qaïda, rivale de l'EI, mais aussi curieusement au Hezbollah, ennemi chiite de l'Etat islamique sunnite.

Ils ont des profils divers

Il n'existe pas vraiment de profil type du jihadiste américain. En tout cas, ce n'est pas forcément un jeune homme exalté et en colère. Ainsi, Peter Bergen, spécialiste américain du terrorisme, observe que les 300 cas de terroristes jihadistes relevés depuis le 11-Septembre "ne sont pas les jeunes nerveux de l'imagination populaire. Les individus dans ces cas ont une moyenne d'âge de 28 ans, un tiers est marié et un tiers a des enfants. Mateen avait 29 ans quand il a mené son attaque, avait été marié deux fois et avait un enfant de 3 ans." Nidal Malik Hasan, psychiatre traitant les syndromes post-traumatiques des soldats américains, avait 39 ans quand il a tué treize personnes dans la base militaire de Fort Hood (Texas).

Par ailleurs, selon les chercheurs de l'université George Washington, 38% des personnes poursuivies pour leurs liens avec l'EI sont des convertis, alors que seul un musulman américain sur 23 est converti. Peter Bergen relève qu'il n'y a pas "un unique profil ethnique pour les combattants [qui tentent de rejoindre ou aident à rejoindre les groupes terroristes en Irak et en Syrie] : ils sont Blancs, Afro-américains, d'origine somalienne, vietnamienne, bosnienne, arabe (...)".

L'Etat islamique cherche à cibler des personnes désorientées. Mais les musulmans vivant aux Etats-Unis sont aisés, plutôt bien intégrés. Spécialiste du terrorisme, Evan Kholmann remarque dans USA Today (en anglais) que "la communauté musulmane américaine a beaucoup moins de problème de radicalisation que la communauté musulmane en France, sans doute en raison d'un degré plus fort de xénophobie et des relations tendues entre musulmans et non-musulmans là-bas [en France]." 

Marc Sageman relève "qu'aux Etats-Unis, l'influence de Daech a été moins importante [qu'en France], même après 2014 et la proclamation du califat. Ce qui peut notamment s'expliquer par le profil des musulmans, qui y est également différent : ce sont des enfants de médecins, d'ingénieurs, de professeurs... Ils ont des revenus plus élevés que la moyenne des Américains."

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