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L'écrivain Gabriel Garcia Marquez, un ami intime de Fidel Castro

L’écrivain colombien Gabriel Marcia Marquez est mort à l’âge de 87 ans le 17 avril 2014 à Mexico. Ancien journaliste, le prix Nobel de littérature 1982 cultivait des relations dans les milieux politiques. A commencer par une amitié plus que cinquantenaire avec le leader de la révolution cubaine, Fidel Castro. Une amitié qui lui avait valu de cinglantes critiques.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez (à droite) et le dirigeant cubain Fidel Castro en train de bavarder à La Havane le 4 mars 2000. (Reuters)
«Sa dévotion pour les mots. Son pouvoir de séduction», écrivait en 2009 Gabriel Marcia Marques à propos de Fidel Castro dans un texte publié par le site cubain cubadebate. L’écrivain avait aussi qualifié le Lider Maximo, son aîné de sept mois, d’«homme d’une bonté d’enfant et d’un talent cosmique». De son côté, «Fidel» n’était pas en reste dans la louange. Il qualifiait l’écrivain de son seul vrai ami, selon The Economist.

Les deux hommes s’étaient connus aux premiers jours de la Révolution, en janvier 1959, quand «Gabo» était venu à Cuba en journaliste couvrir l'arrivée au pouvoir des «barbudos» (barbus) du «Commandante Castro». Par la suite, Gabriel Garcia Marquez avait participé à la création de l'agence de presse Prensa Latina à l'été 1959. En 1986, il avait également contribué à la Fondation du nouveau cinéma latino-américain et de l'Ecole internationale de cinéma de San Antonio de los Baños, à 30 km au sud-ouest de La Havane, qui continue de former des générations de cinéastes. La dernière apparition publique du romancier à Cuba remonte d’ailleurs à décembre 2010, quand il avait participé au 32e festival de cinéma de la Havane.
 
«L’écrivain était un partisan précoce de la révolution cubaine. Mais son amitié pour Castro s’est nourrie de l’admiration de ce dernier pour ses romans», pense The Economist. A tel point quil se raconte que Marquez ne publiait pas un livre sans avoir au préalable montré son manuscrit au dirigeant cubain.

Gabriel Garcia Marquez (à gauche) et le leader cubain Fidel Castro (au centre) avec le réalisateur argentin Fernando Birri lors de l'inauguration de l'Ecole internationale de cinéma de San Antonio de los Baño, le 15 décembre 1986. (AFP - Adalberto Roque)

«Des centaines de conversations»
«Notre amitié est le fruit d'une relation cultivée durant des dizaines d'années, formée de centaines de conversations, toujours très agréables pour moi», racontait Fidel Castro en 2008. De son côté, Gabo expliquait en 1981 que cette amitié était «intellectuelle». «Quand nous étions jeunes, nous parlions de littérature», ajoutait-il. 
 
«Quand il est fatigué de parler, il se repose en parlant», se souvenait l'écrivain qui recevait souvent les visites nocturnes de Fidel. Au cours de l’une de ces nuits, se rappelait Gabo en 1988, il avait demandé au «Commandante», ce qu'il aimerait le plus faire dans ce monde. Réponse du tac au tac de Fidel Castro, écrasé de responsabilité et plus isolé que jamais au sommet de sa puissance : «rester dans mon coin».
 
Leur «amitié intellectuelle» n’empêchait pas les deux hommes d’apprécier les plaisirs très terrestres… Il se murmure qu’en 1982, pour la remise du Nobel, Fidel avait envoyé à Stockholm 1500 bouteilles de rhum cubain. Il lui avait aussi offert une belle résidence à La Havane dans lequel l’écrivain séjournait souvent.

Leurs relations très proches n’empêchaient pas des désaccords entre les deux hommes qui aimaient à se qualifier eux-mêmes de «démesurés» et d’«exagérés».

Critiques de ses pairs
Pourfendeur des dictatures et des régimes autoritaires de droite d'Amérique latine, Gabriel Garcia Marquez est toujours resté fidèle à cette amitié. Au risque de s'attirer des critiques cinglantes de ses pairs. L'écrivain cubain Reinaldo Arenas l'avait ainsi sévèrement épinglé dans ses mémoires (Avant la nuit) en dénonçant sa présence aux côtés de Fidel Castro lors de discours enflammés du Lider Maximo contre les anti-castristes. En 2012, Arenas lui avait méchamment demandé, jouant sur les mots, dans des propos rapportés par le journal espagnol El Mundo : «esbirro o es burro ?» («Tu es un sbire ou un âne ?»). 
 
Gabriel Garcia Marquez à Monterrey (Mexique) le 2 octobre 2007. (Reuters - Tomas Bravo )

Un ancien ami et également prix Nobel de littérature, le Péruvien Mario Vargas Llosa, l'avait traité d’un lapidaire «lacayo» («courtisan») pour son silence lors du «printemps noir» de 2003. Une période qui avait vu la condamnation à de lourdes peines de prison de 75 opposants du régime castriste.

Emissaire de Castro
Au final, «cette amitié a permis à M. Castro de gagner à sa cause un ambassadeur de renommée internationale. De son côté, (le romancier colombien), qui n’a jamais caché sa fascination pour le pouvoir (…), trouvait en M. Castro l’incarnation vivante d’un pouvoir presque absolu – et une occasion d’exercer son influence politique en coulisse», analyse (avec cruauté ?) The Economist. Eternel problème de l’amitié entre un artiste et un politique…

Toujours fidèle supporter de la Révolution cubaine, Gabriel Garcia Marquez avait été l'émissaire spécial du Lider Maximo auprès du président américain Bill Clinton. Il avait déjà participé en 1994 au règlement de la crise des «balseros», ces Cubains qui s'élançaient par milliers sur des embarcations de fortune pour gagner les Etats-Unis, en favorisant un accord d'émigration entre La Havane et Washington. En 1997, Gabo avait présenté à Bill Clinton, qui lui avait affirmé que Cent ans de Solitude était son roman favori, un message de Fidel Castro. Lequel proposait aux Etats-Unis de coopérer en matière de lutte contre le terrorisme.

La coopération américano-cubaine fut éphémère. Cela n’a pas empêché les Américains de se servir des informations transmises par les Cubains sur les plans des anti-castristes contre La Havane. Ils en ont ainsi profité pour arrêter en septembre 1998 le réseau d'agents cubains opérant clandestinement en Floride.

Le romancier Gabriel Garcia Marquez parle de Fidel Castro, l'un de ses lecteurs assidus
Cubadebatecu (telévision cubaine), mis en ligne le 6-3-2012 (en espagnol)

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