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Les escadrons de la mort, un lourd héritage au Pérou
Le 22 août 2016, le ministère de l'Intérieur péruvien a reconnu l'existence d'un escadron de la mort au sein de la police nationale, entre 2011 et 2016. Un groupe aux méthodes punitives qui n'est pas nouveau au Pérou, où les délits et la criminalité ont eu tendance à augmenter ces dernières années.
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A peine le Pérou a-t-il élu son nouveau président, qu'un scandale éclabousse le précédent. Au cours du mandat d'Ollanta Humala, chef de l'Etat de 2011 à 2016, des hommes de la police nationale péruvienne se sont rendus coupables d'exécutions sommaires, réalisées sous couvert de la lutte contre l'insécurité.
«Des indices solides» amènent les autoirités à conclure qu'un groupe d'officiers et de sous-officiers de la police a «inventé de toutes pièces des échauffourées» pour couvrir des exécutions «dans au moins six cas», a expliqué le vice-ministre de l'Intérieur Ruben Vargas en citant un rapport de son ministère. Il indique qu'au moins 20 délinquants présumés ont été tués sans jugement officiel durant ces cinq ans. L'escadron, composé d'au minimum huit hommes, a pu bénéficier d'avantages matériels et financiers en échange de leur macabre besogne.
Les escadrons, héritage d'une période sombre
La présence d'escadrons de la mort dans la police péruvienne n'est pas un fait nouveau. Alberto Fujimori, président de 1990 et 2000, purge actuellement une peine de prison de 25 ans, notamment pour avoir employé les policiers-bourreaux du Grupo Collina lors du conflit armé qui opposa l'Etat péruvien au groupe terroriste du Sentier lumineux. Les bavures de cet escadron de la mort sont malheureusement nombreuses. La plus médiatique reste le massacre de Barrios Altos à Lima en novembre 1991, au cours duquel périrent quinze Péruviens, identifiés par erreur comme des sympatisants du Sentier lumineux.
Les enquêtes concernant cette période sombre de l'histoire moderne du Pérou estiment que 13.000 civils ont disparu au cours du conflit, qui a entraîné la mort de 70.000 Péruviens. 1200 soldats et policiers ont été mis en cause pour violation des droits de l'Homme durant la guerre, mais, comme le soulignait Médiapart en 2014, une partie infime des jugements a mené à des peines de prison.
Il faut savoir que l'Etat péruvien veille à couvrir ses hommes de main: en 2005, lors de la découverte d'un four crématoire et de centaines de restes humains près d'une des principales casernes gouvernementales, le président Alan Garcia (en poste de 1985 à 1990, puis de 2000 à 2006) a fait pression sur la procureure de la région d'Ayacucho, en charge des investigations. A son tour, le président Ollanta Humala a lui aussi été impliqué pour son rôle pendant la guérilla. Alors capitaine en 1992, il a commandé des troupes responsables de massacres dans des villages suspectés d'être favorables au Sentier lumineux.
Le recyclage des bourreaux après la guerre
Aujourd'hui, l'ex-président est de nouveau mis en cause par les récentes révélations du ministère de l'Intérieur. Les escadrons de la mort ont de nouveau servi, mais cette fois pour lutter contre «le crime organisé». Au cours des années Humala (2001-2016), le taux d'homicides a relativement baissé, selon les chiffres de la Banque mondiale.
Son successeur, Pedro Pablo Kuczynski, à la tête du pays depuis fin juillet 2016, devra s'attaquer à une criminalité et à une délinquance croissante au Pérou. Le taux d'homicides, qui s'élevait en 2013 à 6,6 meurtres pour 100.000 habitants, a atteint 7,2 fin 2015. Néanmoins, selon la Banque mondiale, le Pérou semble rester l'un des pays les moins violents du continent américain, avec les Etats-Unis et le Canada. Loin derrière le Honduras, la Jamaïque et le Salvador.
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