Argentine : la victoire de Javier Milei résulte de "l'alliance de trois électorats" contre le péronisme au pouvoir, analyse un chercheur
"Cette victoire, c'est l'alliance entre trois électorats qui ont convergé pour mettre fin au péronisme au pouvoir" en Argentine, analyse lundi 20 novembre sur franceinfo Christophe Ventura, directeur de recherche à l'IRIS, en charge du programme Amérique latine/Caraïbes. Après l'élection du candidat ultralibéral Javier Milei en Argentine avec plus de 11 points d'avance sur son adversaire, le chercheur voit l'alliance entre l'électorat "très dégagiste et anti-politique" de Javier Milei, et "l'électorat de la droite, les conservateurs traditionnels et le centre droit argentin" qui ont voté pour "empêcher que les péronistes ne se maintiennent au pouvoir".
Pour gouverner, Javier Milei aura besoin "d'une alliance avec la droite traditionnelle" de l'ancien président Mauricio Macri, "pour faire passer ses lois". Au programme : une "politique de la tronçonneuse, avec des coupes claires dans les politiques publiques et le budget de l'État", difficilement conciliable avec les promesses de Milei de stopper la pauvreté en Argentine, selon Christophe Ventura.
franceinfo : Selon vous, à quoi est due cette victoire de Javier Milei en Argentine ?
Christophe Ventura : Cette victoire de Javier Milei, elle doit surtout à l'alliance entre trois électorats qui ont convergé sur un seul objectif : mettre un terme au péronisme au pouvoir. Ces trois électorats sont celui de Milei du premier tour, un électorat très dégagiste et anti-politique, assez jeune d'un point de vue sociologique, et l'électorat de la droite, c'est-à-dire les conservateurs traditionnels et le centre droit argentin. Ils ont voté pour lui pour empêcher à tout prix que les péronistes, incarnés par Sergio Massa, ne se maintiennent au pouvoir. On a dans ces électorats des composantes qu'on retrouve dans le bolsonarisme, mais je crois que c'est surtout une victoire de l'Argentine anti-péroniste qui s'est exprimée.
Javier Milei prend la tête d'une Argentine engluée dans une crise économique, l'an dernier, un accord a été passé avec le FMI pour tenter de sortir la tête de l'eau. Aussi antisystème soit-il, il va devoir s'y tenir ?
Oui, car il doit essentiellement cette victoire à l'apport du parti, des électeurs, des militants des cadres du parti de l'ancien président Mauricio Macri qui a dirigé entre 2015 et 2019, et qui est précisément l'homme qui a contracté le prêt auprès du FMI.
Javier Milei est donc très dépendant de la droite ?
Javier Milei, c'est la droite argentine qui gagne et qui a trouvé une façon de revenir au pouvoir. Milei va dépendre de cette alliance avec la droite traditionnelle argentine, elle est la seule capable de lui apporter une majorité au congrès. Il n'a aucune possibilité, seul, de faire passer ses lois au congrès. Il représente le groupe le moins bien garni au sein des députés, il a besoin de Macri et du centre droit pour faire passer ses lois. C'est ça qui va déterminer sa marge de manœuvre. Il y a eu le candidat Milei et ses propositions radicales, et maintenant il va y avoir Milei président qui va dépendre de tout un jeu d'alliances politiques internes, qui va déterminer ce qu'il fera ou pas.
Comment concilier son programme de coupes budgétaires et sa promesse d'en finir avec la pauvreté ?
Ça va être compliqué à combiner. Il est clair que sa politique dite "de la tronçonneuse" signifie des coupes claires dans le budget de l'État, dans les politiques publiques argentines, la fermeture de certains ministères, dont certains régaliens. Elle ne va pas empêcher les problèmes de santé et de pauvreté de rester sur la table. Il y a quelques contradictions dans les termes car on ne voit pas bien comment l'Argentine pourrait se passer de politiques publiques ou d'intervention de l'État pour faire face à tous ces problèmes-là. Et c'est ça que va devoir démontrer le nouveau président argentin.
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