Kiribati, l’archipel du Pacifique Sud qui se prépare à être submergé
La plupart de la trentaine d’îles que comptent les Kiribati dépassent à peine le niveau de l’eau (par endroit, la hausse annuelle du niveau de la mer atteint 1,2 cm, quatre fois plus qu’ailleurs sur la planète). Conséquence : elles ont déjà été envahies par l’océan. «Nous avons (…) des communautés qui ont dû être déplacées car leurs villages étaient submergés», expliquait en 2012 à l’AFP le président de l’archipel, Anote Tong.
Les rivages sont rongés par l’érosion. La surface des terres diminuent. Et celles-ci s’appauvrissent en raison de l’infiltration d’eau salée dans les réserves d’eau douce, entraînant une diminution de l’activité agricole. «Nous voyons bien que nos cocotiers sont moins productifs. Le climat est en train de changer. Les arbres sur lesquels nous comptons sont plus secs», explique le maire adjoint de l’île d’Abaiang, Anata Maroieta, cité par la BBC. Avec comme conséquence des problèmes de ressources alimentaires.
Certains scientifiques contestent que le phénomène soit lié au réchauffement climatique. Notamment une étude rédigée par le professeur Paul Kench (université d'Auckland en Nouvelle-Zélande). Selon des chercheurs de l'université de Wollongong, cités par Le Figaro, l'érosion constatée serait en fait due «aux activités humaines locales». Des propos qui ne plaisent pas forcément à d'autres scientifiques...
Quelles solutions?
Quoiqu'il en soit, des solutions d’urgence ont été prises. Comme sur l’île de Tarawa du Sud où des murs (notamment constitués de sacs de sable) ont été construits le long du littoral, avec l’aide de la Banque mondiale. Une solution critiquée par certains ingénieurs pour qui elle ne fait que déplacer le phénomène de l’érosion vers des zones non protégées. Est également envisagée la plantation de mangroves. La construction d’îles artificielles est une autre option. Problème : elle est très coûteuse...
Dans ce contexte, les autorités réfléchissent à des solutions pérennes à apporter face à un phénomène climatique qui risque de transformer leur pays en nation «sans terre», selon la Commission des droits de l’Homme de l’ONU. Elles songent ainsi à déplacer une partie de leur population vers des contrées moins menacées par le réchauffement comme les îles Fidji ou le Timor Oriental, qui ne sont pas trop éloignés. Et qui ont des terres à vendre.
Résultat : l’archipel a acheté à l’Eglise anglicane une portion de 20 km2 de l’île de Vanua Levu aux Fidji, couverte de forêts. Montant de la transaction, selon Le Monde : 9,3 millions de dollars australiens, soit 6,4 millions d’euros. Dans un premier temps, cette nouvelle portion de territoire servira à produire des aliments. Mais dans l’avenir, elle pourra servir de terre d’accueil pour les citoyens de l’archipel chassés par la montée des eaux.
Pour le prédécesseur d'Anote Tong, Teburoro Tito, cité par Le Figaro, l'actuel président veut réaliser, avec cette acquisition, «une opération strictement publicitaire». Une opération destinée à lui obtenir, à la fin de son mandat fin 2015, «un poste élevé dans une organisation internationale ayant un lien avec le réchauffement», voire «un prix Nobel de la paix»...
«Migrations dans la dignité»
Au-delà de cette polémique, «parmi les petites îles, Kiribati est le pays qui cherche le plus à anticiper l'avenir de sa population», souligne François Gemenne, professeur à l'université de Versailles-Saint-Quentin, spécialiste des migrations cité par Le Monde. Le gouvernement a ainsi mis en place un programme baptisé «Migrations dans la dignité». «Le déplacement («relocation» en anglais, NDLR) de notre population est peut-être inévitable. Il serait irresponsable de nier cette réalité et de ne pas préparer notre communauté à une migration éventuelle dans des circonstances lui permettant de partir dignement. Mais cela dit, le déplacement doit être vu comme une option de dernier recours», explique le site du gouvernement.
Conséquence : «Il convient de créer des opportunités permettant la migration de ceux qui souhaitent partir» à court ou moyen terme. Par exemple en améliorant les qualifications des citoyens qui partiraient pour l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, avec l’objectif de les aider à s’intégrer plus facilement sur le marché du travail de ces pays.
En attendant, le problème environnemental des Kiribati est susceptible de créer des imbroglios juridiques. En novembre 2013, la Haute cour de justice de Nouvelle-Zélande a refusé qu’un habitant de l’archipel, Ioane Teitiota, 37 ans, devienne le premier «réfugié du climat» au monde. Un juge a estimé que son cas n’était «pas convaincant». Auparavant, les autorités néo-zélandaises avaient déjà refusé à M. Teitiota le statut de réfugié, arguant que personne ne menaçait sa vie s'il rentrait chez lui. Son avocat avait alors répliqué que la vie de son client et de sa famille était de fait menacée par l'environnement. Une décision positive de la Cour aurait pu créer un redoutable précédent au niveau mondial.
Le dilemme du président de Kiribati, Anote Tong
Mise en ligne le 24 mai 2011
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