Le Laos sort de sa léthargie
Ca commence à bouger au Laos... Pour la première fois depuis 57 ans, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton a effectué (pendant) une visite de quelques heures à Vientiane, signe que le pays intéresse (un peu) les Etats-Unis. Au menu de la visite : la recherche des dépouilles de soldats américains disparus au combat pendant la guerre du Vietnam. Le pays détient le triste record d’être le pays au monde à avoir reçu le plus grand nombre de bombes par habitant lorsque le conflit s’est étendu sur son territoire entre 1964 et 1973.
Polémique autour d’un barrage
Outre la candidature du Laos dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Hillary Clinton et le premier ministre laotien Thongsing Thammavong ont également abordé la polémique autour de la construction du barrage de Xayaburi (nord-ouest). Ce projet, d’un montant de 3,8 milliards de dollars et d’une capacité de 1260 MW, est le premier d’une série de onze sur la partie inférieure du grand fleuve asiatique. Il est mené par des investisseurs thaïlandais, autour du groupe CH Karnchang.
Il est devenu un symbole des risques pesant sur le fleuve. Selon les écologistes et la Mekong River Commission (MRC), commission internationale chargée de coordonner l’exploitation du Mekong, la construction d’un tel ouvrage serait dévastatrice, comme le montre un rapport indépendant réalisé pour la MRC. Dévastatrice pour les 60 millions d’habitants qui dépendent de lui pour le transport, l’alimentation et l’économie. Le Vietnam et le Cambodge sont opposés au projet, craignant notamment pour l’avenir de la pêche. Mais il est soutenu par la Thaïlande, qui recevrait 95% de l’énergie produite.
Les autorités de Vientiane affirment que le barrage ne présente aucun risque sérieux. Mais pour calmer la polémique, elles ont décidé de suspendre sa construction. Tout en continuant à vouloir faire de leur pays la «Batterie de l’Asie du Sud-Est». Pour autant, les travaux se poursuivraient.
Rares secteurs économiques porteurs
Il faut dire qu’avec les mines, or et cuivre notamment, l’hydroélectricité est l’un des quelques secteurs porteurs et potentiellement exportateurs de l’économie laotienne. Et ce alors que seulement 2 % des zones rurales (qui regroupent 80 % de la population) sont alimentés.
Lors de l’ouverture d’une bourse à Vientiane en janvier 2009, l’intérêt des investisseurs s’est limité à ces deux ressources naturelles. Le Laos a «des niveaux de revenus très en-deçà du Vietnam voisin, et les opportunités d’investissement resteront limitées pour encore quelques années», expliquait alors un observateur occidental.
Le Laos «a cessé d’être un pays marxiste-léniniste»
Très pauvre, le pays, qui se remet difficilement de la guerre américaine au Vietnam, est donc un peu livré à lui-même. Un pays resté enfermé par un régime communiste stalinien, mené depuis 1975 par le Parti populaire révolutionnaire laotien (PPRL), qui ne s’est résolu à s’ouvrir que dans les années 90. Cet Etat rural et sans industrie, avec une population de 6,4 millions d’habitants (dont 44 % a moins de 15 ans), a fini par suivre lentement l’exemple de ses voisins chinois et vietnamiens.
Le régime a commencé à se libéraliser. Aujourd'hui, on voit rouler dans les rues de Vientiane des Mercedes et autres voitures de luxe, «marques d’une consommation peu discrète». Depuis 2009, les citoyens sont autorisés à fonder des organisations à but non lucratif, ce qui érode la main mise du Parti sur la vie politique. Les Etats-Unis ne s’y sont pas trompés: en 2009, l’administration de Barack Obama a ainsi déclaré que le Laos «avait cessé d’être un pays marxiste-léniniste».
Hillary Clinton rencontre la victime d'une bombe américaine
AssociatedPress, 11-7-2012
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