Cet article date de plus d'onze ans.

Les tensions politiques au Pakistan, pays assis sur un volcan

Dans un pays habitué aux coups d'Etat depuis 1947, la clôture du mandat législatif en 2013 serait une première. Pourtant, les crises auxquelles le Pakistan est confronté sont nombreuses. La récente percée d'un religieux modéré opposé aux talibans, qui prône la démocratie au sein de son mouvement, n'est peut-être qu'un avatar de plus...
Article rédigé par Jean-Claude Rongeras
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Tahir ul-Qadri, le cheikh soufi, au coeur de la contestation, le 19 janvier à Lahore.  (AFP/ARIF ALI)

Un sit-in déstabilisateur
Nouveau venu sur la scène politique, Tahir ul-Qadri, soufi canado-pakistanais à l’origine d’un important sit-in contre la corruption des élites politiques, a signé avec le gouvernement un accord à minima pour des promesses de réformes.
 
Il faut dire que les affaires du gouvernement se sont brusquement assombries le 15 janvier 2013. A cette date, la Cour suprême a demandé l’arrestation du Premier ministre Raja Pervez Asrhaf et de seize autres personnes. Elles sont impliquées dans une affaire de corruption concernant des contrats illégaux d’électricité. Cette décision marque le point d’orgue de la montée des tensions du pouvoir judiciaire face au pouvoir exécutif.
 
Une scène déjà jouée en 2012 par l’instance suprême pakistanaise, qui avait abouti à la démission du Premier ministre de l’époque, Youssouf Raza Gilani

La Cour suprême agrandit son périmètre
Le rôle grandissant de la Cour suprême a commencé après 2008 et le départ des militaires du pouvoir. Sous le gouvernement du Parti du peuple pakistanais (PPP), le mouvement de la dynastie Bhutto, la Cour a pris des décisions économiques comme la fixation du prix du gaz ou du sucre. Pourtant, cet activisme a des détracteurs. Pour Mohammad Waseem, professeur de sciences politiques à l’Université de Lahore, il porte «atteinte à la souveraineté du Parlement».

 
L’irruption de Tahir ul-Qadri et de son mouvement Minhaj ul-Quran (la voie du Coran), qui souhaitent des réformes institutionnelles d’importance avant les élections législatives prévues au printemps, a aggravé l’instabilité de la situation. En rassemblant 50.000 personnes autour de ses idées plusieurs jours dès le 14 janvier dans le centre d’Islamabad, le religieux a dénonçé l’incompétence du gouvernement. Il réclamait notamment des mesures garantissant le bon déroulement des élections générales prévues à la mi-mai 2013.
 
Mais des voix se sont élevées, s’interrogeant sur le rôle exact du leader de Minhaj ul-Quran, également à la tête d’une fondation caritative agissant dans de nombreux pays. Certains l’accusant de rouler pour les militaires ou de vouloir promouvoir le chaos pour empêcher les élections. Ce qui a gêné les responsables politiques d'opposition qui n’ont pas répondu à son appel à manifester.
 
Accord à minima
La volonté d'islamabad de régler en douceur le mouvement de contestation avant qu’il ne prenne de l’ampleur a toutefois abouti à la signature d’un accord permettant à chaque camp de sauver la face. Tahir ul-Qadri a obtenu que son avis soit pris en compte pour le gouvernement intérimaire, qui sera mis en place entre les deux législatures, et un contrôle anti-corruption des candidats.  
 
La concomitance des deux évènements a fait peser un poids particulier sur les politiques, dont le président Asif Ali Zardari, à la tête de la coalition dirigeant le pays. Si l’aboutissement favorable, pour l’heure, aux instances en place est un soulagement pour le PPP, les dernières joutes, ont d’autres conséquences. Elles prouvent que la population ne souhaite plus que l’armée soit une alternative à la démocratie, même si une telle éventualité apparaît très faible aux yeux des observateurs.
 
La socièté civile en première ligne
Elles ont aussi permis à la classe moyenne, très présente dans le sit-in, de montrer qu’elle est unie face aux maux de la société pakistanaise : la corruption des élites politiques, la crise économique (notamment l’insuffisance de l’approvisionnement énergétique) et l’insécurité.

Mais ces problèmes sont autant de défis au gouvernement qui semble incapable d’y apporter un début de solution. Les attentats commis par les islamistes radicaux sont en augmentation dans le pays, ce qui pèse sur le peuple. Au plan économique, la situation s’est beaucoup dégradée. Conséquence, la pauvreté est en pleine recrudescence.

Les élections restent enveloppées de pas mal de mystère. Tahir ul-Qadri agit en dehors des partis. Outre les leaders du parti au pouvoir, il trouvera également sur sa route le chef du principal parti d'opposition, Nawaz Sharif.
 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.