Sheikh Hasina vs Khaleda Zia : la rivalité politique qui ébranle le Bangladesh
Un mandat d’arrêt a été lancé le 25 février 2015 contre le leader de l’opposition au Bangladesh, Khaleda Zia, alors qu'elle croise de nouveau le fer avec la Première ministre Sheikh Hasina, à la tête de l’Awami League (AL). «Tout mouvement pour arrêter Khaleda Zia accélérera la chute du gouvernement», a prévenu par communiqué le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) quelques heures après, tout en soulignant que le régime avait «transformé le pouvoir judiciaire en arme pour réprimer l'opposition».
La présidente du BNP ne s’est pas présentée au tribunal où elle devait être entendue dans des affaires de corruption. Elle est accusée d'avoir détourné quelque 580.000 euros entre 2001 et 2006 alors qu’elle était à la primature.
Selon son avocat, la figure de proue de l’opposition n’aurait pu se rendre à l’audience pour des «raisons de sécurité», rapporte India Today. L'ancienne Première ministre aurait également des soucis de santé. Mais ses adversaires estiment que c'est une parade pour ne pas faire face à la justice. C'est la 4e fois que dame Zia fait défaut.
La décision du tribunal d'exception, chargé des affaires de corruption de Dacca (la capitale du pays), intervient au moment où l’opposante fait l'objet d'un «confinement». Samedi 3 janvier 2015, la police l’avait empêchée de quitter ses bureaux après qu'elle eut annoncé pour le lundi suivant des manifestations pour commémorer le premier anniversaire des élections législatives contestées de janvier 2014.
Forcer le régime à organiser un nouveau scrutin législatif
En réponse, la chef du BNP avait alors appellé ses partisans à une grève générale et à organiser un blocus dans les transports sur l'ensemble du territoire. Mouvement largement suivi et émaillé d'affrontements. Bilan : au moins 101 morts et plusieurs centaines de blessés. Cette vague de violences aura aussi coûté près de 15,5 milliards de dollars américains, selon le gouvernement.
Khaleda Zia dirige une coalition de 20 partis d’opposition, dont le parti islamiste pakistanais Jamaat-e-Islami (JEI) qui est considéré comme un mouvement terroriste par l’Union européenne. En se mobilisant, l’opposition bangladeshie souhaite obliger le pouvoir à organiser un nouveau scrutin législatif qui rendrait caduque celui de 2014. Une demande également faite par la communauté internationale.
A l'époque, le BNP avait boycotté le rendez-vous électoral, entaché d’irrégularités et remporté par le parti au pouvoir, afin de protester contre le non-respect par le régime du dispositif constitutionnel qui prévaut à la tenue d’élections. Depuis 1996, Il prévoit trois mois avant le rendez-vous électoral l'installation d’un gouvernement intérimaire neutre qui en garantit la transparence. Ce que Sheikh Hasina n'a pas fait.
La rivalité pour héritage
Sheikh Hasina est la fille du premier président du Bangladesh, Sheikh Mujibur Rahman, considéré comme le père de l'indépendance. Arrivé au pouvoir en 1971, il sera renversé quatre ans plus tard. Khaleda Zia est, quant à elle, l’épouse du général Ziaur Rahman qui s’emparera du pouvoir en 1977, dans la foulée du putsch militaire de 1975. Il sera à son tour assassiné en 1981.
Leurs formations politiques – l’Awami League et le BNP fondé par Ziaur Rahman – polarisent la vie politique depuis plusieurs décennies. Khaleda Zia sera la première femme à accéder à la fonction de Premier ministre au Bangladesh et dominera la scène politique pendant une dizaine d'années (elle occupa la primature de 1991 à 1996, puis de 2001 à 2006). Quant à Sheikh Hasina, elle est a été chef du gouvernement de 1996 à 2001. Elle l'est de nouveau depuis 2009.
Khaleda Zia et Sheikh Hasina, qui étaient parvenues pendant le mandat du président Hossain Mohammad Ershad (entre 1982 et 1990) à faire taire leur divergences, se livrent ainsi depuis plus de vingt ans une lutte sans merci pour rester au pouvoir... quand il n'est pas aux mains des militaires. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon, leur a récemment adressé des courriers pour les inviter à trouver la voie du dialogue. Mais pour l'heure, le gouvernement Hasina refuse de discuter avec des meurtriers». «Il devrait y avoir une punition rapide (pour) ceux sont pris la main dans le sac... ceux qui povoquent ces incidents, ceux qui les financent, ceux qui font les bombes et les fournissent», a-t-elle également déclaré.
Khaleda Zia n’est pas la seule figure de l’opposition qui se retrouve dans la ligne de mire du pouvoir. Plus de 10.000 opposants et plusieurs responsables du BNP ont été interpellés, rapporte l'AFP. De même, Mahmudur Rahman Manna, une autre figure de l’opposition aurait été enlevée le 23 février 2015 par la police, selon sa famille. Il venait, explique l'agence, de demander une intervention militaire pour mettre fin aux violences de ces derniers jours.
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