Soupçons de viols en Centrafrique par des militaires français : l'affaire en quatre dates
Entre les faits présumés, qui se seraient déroulés à partir de décembre 2013, et la réaction de François Hollande, jeudi 30 avril, il s'est écoulé seize mois.
Un rapport confidentiel de l'ONU fait état de viols commis entre décembre 2013 et juin 2014 sur des enfants par des militaires français de l'opération Sangaris en Centrafrique. L'affaire a été rendue publique mercredi 29 avril par le quotidien britannique The Guardian (en anglais). Le lendemain, François Hollande a martelé devant la presse : "Si certains militaires se sont mal comportés, je serai implacable." Pourquoi tant de temps entre la révélation des faits et leur médiatisation ? Francetv info revient en détail sur la chronologie des faits.
Décembre 2013-juin 2014 : des viols présumés sur des enfants de Bangui
Les faits se seraient déroulés de décembre 2013 à juin 2014. Une dizaine d'enfants affamés et sans-abri, dont certains âgés de 9 ans, auraient subi, selon The Guardian, "viols" et "sodomies" commis par des militaires français.
Ces mineurs, parfois orphelins, étaient placés sous la protection des soldats dans le camp de M'Poko, qui accueille des déplacés ayant fui des zones ravagées par le conflit. Ces enfants auraient été "exploités" contre "de la nourriture et de l'argent", selon le journal. Se fondant sur un rapport interne de l'ONU (photo ci-dessous), The Guardian précise que des enfants ont pu fournir "de bonnes descriptions des soldats impliqués".
Juin 2014 : des enquêteurs de l'ONU rédigent un rapport
A la suite de rumeurs d'abus dans le camp de M'Poko, l'ONU enquête, comme le rapporte Le Monde, sur des "accusations graves d'exploitation sexuelle et d'abus commis sur des enfants par des militaires français" avant le déploiement de sa mission dans ce pays (la Minusca). Trois enquêteurs de l'ONU travaillent sur ce dossier, rencontrent une dizaine d'enfants victimes, tous des garçons, et rédigent un rapport.
En juillet 2014, le directeur des opérations de terrain au Haut-Commissariat de l'ONU pour les droits humains, à Genève, le Suédois Anders Kompass, transmet, semble-t-il, les résultats de cette enquête aux autorités françaises, ce qui lui vaut d'être aujourd'hui suspendu par les Nations unies pour non respect des procédures. D'après The Guardian, ce cadre a décidé d'alerter Paris "à cause de l'incapacité des Nations unies à faire cesser ces abus". Un argument jugé non recevable par l'ONU puisqu'Anders Kompass a fait fuiter le rapport seulement une semaine après qu'il eut été achevé.
Juillet 2014 : le parquet de Paris ouvre une enquête
Selon les informations du Monde, le ministère de la Défense reçoit ce "document de travail" de l'ONU le 29 juillet. Il en informe aussitôt le parquet de Paris, qui ouvre une enquête préliminaire pour viols sur mineurs de 15 ans le 31 juillet.
Dans la foulée, la France envoie une équipe à Bangui le 1er août 2014 pour mener une enquête en coopération avec l'ONU. "L'enquête est en cours avec des demandes d'entraide à l'international", a indiqué le ministère de la Justice mercredi, sans plus de précisions.
Parallèlement, "au vu du caractère circonstancié des témoignages et de l'extrême gravité des faits allégués (...), une enquête de commandement a été immédiatement conduite", affirme le ministère de la Défense. Cette enquête au sein de l'armée, destinée à mettre au jour un éventuel dysfonctionnement de la chaîne de commandement, est terminée et n'a duré que quelques jours. L'armée n'a pas détaillé le contenu du rapport de commandement, qui est "classifié", mais peut être transmis à la justice sur demande.
29 avril 2015 : l'affaire est rendue publique par "The Guardian"
Paula Donovan, cofondatrice d'AIDS-Free World, un lobby qui dénonce notamment les abus sexuels commis lors des opérations de maintien de la paix, transmet au Guardian le rapport confidentiel de l'ONU.
Dans la vidéo ci-dessous, elle explique au téléphone, à France 2, le contenu du rapport et les accusations contre les Français.
Jeudi 30 avril, le ministère de la Défense fait savoir lors d'un point de presse que l'armée française ne veut pas "cacher quoi que ce soit". "Si ces faits sont avérés, ils vont à l'encontre de nos valeurs. Le ministère de la Défense aura une indulgence zéro", précise son porte-parole, Pierre Bayle, ajoutant qu'"il est prématuré de désigner tel ou tel militaire, car on ne sait pas si les faits sont avérés".
Peu après, le président de la République réagit à son tour et affirme qu'il sera "implacable" si certains militaires se sont "mal comportés".
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