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Hong Kong : "Cette grève contre Pékin est absolument inédite"

François Godement, conseiller pour l'Asie à l'Institut Montaigne, réagit sur franceinfo à la journée de grève générale à Hong Kong. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Des manifestants lors de la grève générale à Hong Kong, le 5 août 2019. (ISAAC LAWRENCE / AFP)

Depuis deux mois, la population de l'archipel se mobilise contre un projet de loi sur les extraditions vers la Chine et dénonce l'ingérence politique du pays de Xi Jinping dans les affaires de Hong Kong. Conseiller pour l'Asie à l'Institut Montaigne, François Godement analyse pour franceinfo ce mouvement social et la grève générale inédite qui ont plongé lundi Hong Kong dans le chaos.

franceinfo : La population de Hong Kong se mobilise depuis deux mois contre un projet de loi sur les extraditions vers la Chine. Le texte a été suspendu mais le mouvement, lui, prend de l'ampleur. Comment expliquer cela ? 

François Godement : Il s'est élargi mais la cause initiale demeure parce que l'idée de l'extradition, pour nous, elle est criminelle. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a eu des enlèvements à Hong Kong. Des libraires, un homme d'affaires de Chine populaire kidnappé dans l'une des résidences les plus luxueuses d'Hong Kong et ramené en Chine de force, donc ce qui inquiète la population c'est la fin de l'autonomie juridique, la fin de ce qui a fait de Hong Kong un havre depuis 150 ans.

Les libertés reculent à Hong Kong depuis que ce n'est plus une colonie britannique ?

Elles reculent très concrètement, parce qu'une partie de la presse a été mise sous contrôle. Il y a un très grand progrès souterrain des organisations du Parti communiste et de la Chine populaire. Elles reculent parce qu'on a vu tout récemment que des mafieux sont mobilisés pour aller cogner et blesser gravement des manifestants dans une rame de métro pour intimider la population. Et puis, elles reculent car derrière cette histoire d'extradition, il y a l'histoire qu'on n'attendra peut-être même pas 2047 pour que Hong Kong soit soumise en pratique au pouvoir politique chinois.

Cette journée de blocage lundi qui vient après deux mois de contestation, c'est inédit ?

Oui, c'est inédit. Il y a déjà eu des grèves générales dans les années 1920-1930 et une grève générale très violente durant la Révolution culturelle mais c'était à l'instigation des militants maoïstes de Chine populaire. Cette grève-là est contre Pékin et absolument inédite. Il faut souligner que le mouvement de protestation à Hong Kong est resté extraordinairement pacifique. Les signes de violence qu'on a sont très limités, ils sont en-dessous par exemple de ce qu'on a connu en France depuis l'automne dernier avec les "gilets jaunes".

Il y a eu quelques intrusions dans l'assemblée législative, des slogans à la peinture mais très peu de violence réelle du côté des manifestants. Très peu également du côté de la police, il faut le souligner. On est pour l'instant dans une guerre de mots et si la cheffe de l'exécutif met en garde contre l'irresponsabilité et la violence, c'est qu'elle a en tête la réaction possible de la Chine populaire.

La dirigeante hongkongaise, Carrie Lam, a dit ce matin que les manifestants voulaient détruire Hong-Kong et redouter une escalade. Jusqu'où cela peut-il aller ?

Bien sûr, la massue c'est la présence de l'Armée populaire de libération dans des casernes à Hong Kong et c'est le moment où la Chine décidera qu'elle ne pourra pas accepter cette perte de face quotidienne. Ça peut aller très loin. Tout le monde aurait voulu que Carrie Lam renonce définitivement au texte sur les extraditions. Si elle ne l'a pas fait c'est qu'elle ne veut pas, ne peut pas le faire. La Chine populaire peut être d'accord pour marquer une pause mais elle ne reculera pas sur ses objectifs ultimes qui sont l'intégration complète d'Hong Kong sous la loi de la Chine populaire. La population le sait et je considère ce qui se passe aujourd'hui comme une sorte de spasme vital et émouvant mais dont on a énormément de mal à voir l'issue.

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