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JO 2022 : retour sur les trois boycotts les plus marquants des Jeux olympiques

Les JO d’hiver à Pékin débutent vendredi 4 février. Ils seront marqués par le boycott diplomatique de plusieurs pays, notamment les États-Unis. Par le passé, déjà, des pays n'ont pas voulu participer aux Jeux olympiques, jusqu'à retirer leurs athlètes des compétitions. Retour sur trois éditions marquantes.

Article rédigé par Thomas Destelle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La foule tient des drapeaux de nombreux pays lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été de 1984 à Los Angeles, le 28 juillet 1984. (GEORGES BENDRIHEM / AFP)

Certaines épreuves ont déjà commencé mais les Jeux olympiques d’hiver de Pékin débutent officiellement vendredi 4 février avec la cérémonie d’ouverture. Un événement qui sera boudé par la diplomatie américaine et ses alliés anglo-saxons notamment le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie. Ces pays ont décidé d’un boycott diplomatique afin de protester contre les violations des droits de l'homme en Chine et la répression envers la minorité musulmane des Ouïghours dans la région du Xinjiang. Ce boycott implique l’absence de tout représentant politique officiel mais les athlètes seront bien présents pour les épreuves. Contrairement aux autres boycotts qu’ont pu connaître certaines éditions olympiques dans le passé et que franceinfo vous invite à (re)découvrir.

Montréal 1976 : un continent proteste contre l'apartheid

Deux jeunes athlètes canadiens se tiennent devant la flamme olympique avant le début des JO de Montréal, le 20 juillet 1976. (KEYSTONE PICTURES USA / KEYSTONE / MAXPPP)

C’est l’un des épisodes des JO les plus méconnus de l’histoire olympique malgré son importance. En 1976, de nombreux pays d’Afrique boycottent les Jeux olympiques organisés à Montréal. Ce boycott n’est pas le premier du genre, l’olympisme est coutumier des scandales sportifs ou politiques. À Melbourne en 1956, six pays boycottent les JO. L’Égypte, l’Irak et le Liban protestent contre l’occupation franco-anglaise du canal de Suez, tandis que l’Espagne, les Pays-Bas et la Suisse manifestent leur désaccord avec l’intervention soviétique en Hongrie.

Cette fois à Montréal, le boycott est massif et sans précédent, soulignent les chercheurs Catherine et Éric Monnin, auteurs du Boycott politique des Jeux olympiques de Montréal, aux Presses Universitaires de France. C’est presque tout un continent qui refuse de participer aux épreuves olympiques. Les pays africains dénoncent la présence de la Nouvelle-Zélande. Ils reprochent à l’équipe de rugby de ce pays de l’hémisphère sud, les All Blacks, d’avoir effectué une tournée en Afrique du Sud où l’apartheid est mis en place. Le Comité international olympique refuse d’exclure la Nouvelle-Zélande car "le rugby est un sport qui échappe entièrement à l’emprise du Comité international olympique". Le 16 juillet, la veille de la cérémonie d’ouverture, certains pays comme le Nigeria rapatrient leur délégation et sportifs nationaux. D’autres pays participeront à la cérémonie d’ouverture mais pas aux épreuves sportives.

En tout, ce sont 22 délégations olympiques, en grande partie de pays africains, qui boycotteront ces JO en raison du "refus obstiné du président du CIO à reconnaître le bien-fondé de la requête africaine" : Algérie, Cameroun, Éthiopie, Égypte, Ghana, Guyane, Haute-Volta, Irak, Kenya, Libye, Mali, Maroc, Niger, Nigeria, Ouganda, République populaire du Congo, Soudan, Swaziland, Tchad, Togo, Tunisie et Zambie. C'est la désillusion pour certains athlètes qui étaient les favoris pour remporter la médaille d’or. "Toute une génération d’athlètes africains est compromise face à une décision purement politique", écrivent les chercheurs Catherine et Éric Monnin. Parmi eux, le Tanzanien Filbert Bayi sur 1 500 m et l’Ougandais John Akii-Bua, détenteur du titre olympique sur 400 m haies, obtenu à Munich en 1972.

Moscou 1980 : la Guerre froide s'impose aux JO

La mascotte des Jeux olympiques, Misha-bear, au stade Lénine de Moscou, souhaitant bonne chance à tous lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 1980, organisés par l'URSS, le 19 juillet 1980. (EPU / IOPP / AFP)

Le boycott des JO de Moscou est une histoire plus connue, en tout cas pour sa version officielle. Les États-Unis refusent de participer à ces olympiades prévues en Union soviétique. En cause, l’invasion de l’Afghanistan par les soviétiques. D’autres épisodes de la Guerre froide ont été plus tendus entre les deux puissances comme la crise des missiles de Cuba en 1962, mais le président des États-Unis de l’époque, Jimmy Carter, veut profiter des Jeux olympiques pour poser un ultimatum à l’URSS pour qu’elle retire ses troupes. La réponse sera bien sûr négative, et en février 1980, les États-Unis se retirent des JO de Moscou, six mois avant le début des Jeux.

Les Américains arrivent à attirer dans leur sillage une cinquantaine de pays. En Europe, seule l’Allemagne de l’Ouest et la Norvège boycotteront ces Jeux. La France, l’Italie et la Grande-Bretagne maintiennent leur participation mais à des condition différentes. Certains pays participeront mais sous bannière olympique. D’autres, comme la France notamment, refuseront de participer à la cérémonie d’ouverture. Plus de 60 nations ne participeront pas aux JO de Moscou que le magazine l’Express surnommera "Les jeux de la honte".

Mais cette décision de ne pas se rendre en Russie à l’été 1980 semble être prise bien avant l’invasion de l’Afghanistan. En réalité, la décision du boycott est prise depuis longtemps et influencée par Zbigniew Brzezinski, le conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter. "Il a identifié, dès l’été 1978, les Jeux de Moscou comme un outil diplomatique de premier ordre pour prendre au piège l’URSS", explique Patrick Clastres, professeur à l’université de Lausanne et spécialiste de l’histoire des Jeux Olympiques. Le but est de dénoncer la situation des droits de l’homme dans l’Union soviétique. L’invasion de l’Afghanistan n’est qu’un prétexte qui permet de "rendre compréhensible, par l’opinion publique américaine et mondiale, cette décision de boycotter cette édition à Moscou", poursuit le spécialiste de l’histoire des JO.

Los Angeles 1984 : la revanche soviétique

Une vue aérienne du Los Angeles Memorial Coliseum pendant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'été de 1984 à Los Angeles, Californie, le 28 juillet 1984. (GEORGES BENDRIHEM / AFP)

Quatre ans plus tard, c'est au tour de l’URSS de boycotter les Jeux olympiques organisés chez l’ennemi américain. Pour justifier cette absence, les Soviétiques invoquent les conditions de sécurité des athlètes. Elles ne seraient pas réunies dans une ville comme Los Angeles. Autre raison invoquée par l’URSS, la politique étrangère des États-Unis est jugée trop colonialiste et violerait donc la Charte olympique.

Mais pour beaucoup, cette absence s'explique par une volonté de revanche de la part des Soviétiques. D’autres pays issus du bloc soviétique boycottent ces Jeux de Los Angeles, notamment l'Allemagne de l'Est, l'Angola, la Bulgarie, Cuba, l'Éthiopie, la Hongrie, la Pologne, la Tchécoslovaquie ou le Vietnam. L’ensemble de ces pays représentait pour 58% des médailles d’or des Jeux olympiques de 1976.

Mais malgré ce boycott, ces JO de Los Angeles sont considérés comme une réussite avec nombre record de 140 pays participants, les exploits sportifs des athlètes et notamment de Carl Lewis. La star américaine de l’athlétisme remporte la médaille d’or du 100 m, du 200 m, du relais 4×100 m et du saut en longueur. Un exploit qui n’avait été réalisé que 48 ans avant, lors des Jeux de Berlin. En 1936, les États-Unis avaient d’ailleurs envisagé de boycotter ces JO pour protester contre le régime nazi, avant d’y participer et de laisser Jesse Owens marquer à jamais l’histoire.

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