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Manœuvres chinoises : "Si les Taïwanais n'étaient pas flegmatiques, ils ne pourraient pas vivre sous une telle menace", souligne la sinologue Marie Holzman

"Cela fait quand même 70 ans que ça dure", ajoute la présidente de l’association Solidarité Chine, lundi sur franceinfo, après les manœuvres militaires menées par la Chine autour de Taïwan pendant trois jours.
Article rédigé par franceinfo
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Un avion de combat de l'armée chinoise durant les manœuvres autour de Taïwan, le 10 avril 2023. (AN NI / AFP)

"Si les Taïwanais n'étaient pas flegmatiques, ils ne pourraient pas vivre sous une telle menace", a souligné lundi 10 avril sur franceinfo la sinologue Marie Holzman, spécialiste de la Chine contemporaine, présidente de l’association Solidarité Chine, qui a pour mission de promouvoir l’ouverture démocratique en Chine, après les manœuvres militaires menées par la Chine autour de Taïwan, encerclant l'île pendant trois jours. "Cela fait quand même 70 ans que ça dure", souligne Marie Holzman. Elle estime que "les Chinois sont très irrités de voir que le profil de Taïwan ne cesse de monter" dans ses relations internationales. Mais si l'île a "le soutien des Américains", il faut prendre "les paroles" de la Chine "très au sérieux".

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franceinfo : Est-ce que les habitants de Taïwan ont raison de ne pas s'inquiéter des manœuvres chinoises ?

Marie Holzman : C'est vrai que le caractère des Taïwanais est assez surprenant. Mais cela fait quand même 70 ans que ça dure. Depuis 1949, le gouvernement chinois a toujours dit à Taïwan, nous voulons récupérer Taïwan. Et du temps de Tchang Kaï-chek, Tchang Kaï-chek disait la même chose de l'autre côté. Il était réfugié à Taïwan, mais il ne cessait de dire, nous allons aller reprendre la Chine. Donc, c'est vrai, les Taïwanais ont toujours vécu avec cette menace au-dessus de leur tête. À partir des années 2000, on apprenait tous les ans que 100 missiles étaient orientés vers la Chine à partir des côtes du Fujian. Il faut savoir que les premières îles chinoises se trouvent à quelques kilomètres des côtes. C'est tout près. Et le détroit ne fait que 180 kilomètres, ce qui n'est pas très loin non plus. Et puis l'année d'après, c'était 200 missiles, puis 500. Et quand ils sont arrivés à 1 000, ils ont cessé de donner des chiffres. Donc maintenant, on ne sait pas combien de missiles sont orientés en permanence vers Taïwan. Mais si les Taïwanais n'étaient pas flegmatiques, ils ne pourraient pas vivre sous une telle menace.

Qu'a voulu faire la Chine après ces opérations militaires ? Est-ce que ce sont des représailles à la rencontre qui a eu lieu entre les États-Unis et la présidente taïwanaise ou alors est-ce que cela préfigure à terme une attaque réelle ?

Ce sont les deux. L'été dernier, lors du passage de Nancy Pelosi, la prédécesseure de Kevin MCarty (président de la Chambre des représentants des Etats-Unis), que la présidente Tsai Ing-wen a rencontré en Californie il y a quelques semaines, c'était la même chose. C'était même pire l'été dernier. Les encerclements, les faux tirs de missiles, ont été terribles pendant trois jours. Et là, cette fois-ci, ça a été annoncé : trois jours d'encerclement de l'île. Ils ont fait les trois jours et ils sont repartis. Je pense que les Chinois sont très irrités de voir que le profil de Taïwan ne cesse de monter. A Paris par exemple, on n'aurait jamais dit 'monsieur l'ambassadeur' à monsieur Wu, qui est l'actuel ambassadeur de Taïwan à Paris, parce qu'on craignait la colère de la Chine. Or, maintenant, MCarty, en Californie, a reçu la présidente de Taiwan. Ça non plus, on ne l'aurait pas dit. C'est-à-dire que maintenant, enfin, après 70 ans, le monde reconnaît que Taïwan est un pays comme un autre, pratiquement. En tout cas, il a un président, un drapeau, une monnaie. Ça fait de lui un pays. Et ça, les Chinois ne le supportent pas.

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Est-ce que Taïwan a les moyens de se défendre ?

Taïwan a des moyens très sophistiqués dans la défense anti-aérienne, des systèmes de sous-marins qui peuvent aussi détecter l'approche de sous-marins chinois. Et ils ont le soutien des Américains. Les Américains ont créé autour de Taïwan un rassemblement de grande puissance, la Corée du Sud, le Japon et l'Australie. Tous se disent de plain-pied avec Taïwan. Si jamais la Chine attaque, ce sont tous ces pays-là qui viendront à la rescousse. Et d'ailleurs, les Américains ont envoyé un destroyer qui sillonnait non loin de Taïwan. C'était l'occasion pour les Américains de voir comment les Chinois se comportaient. Ils ont eu une démonstration in vivo des techniques chinoises d'attaque. Mais c'était aussi une façon de dire, 'attention, ne touchez pas à Taïwan, sinon nous allons intervenir'. Mais le gouvernement chinois a dit, 'nous serons en capacité de récupérer Taïwan par la force si nécessaire, vers 2026 ou 2027'. Donc il faut prendre ces paroles très au sérieux.

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