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Qui va payer le recul de la croissance chinoise?

Volkswagen a vu ses ventes reculer de 3,9% sur le marché chinois au premier semestre. Un marché qui pèse tout de même 1,7 million de voitures. La bourse de Shanghaï plonge et les places financières du monde entier toussent. Pourtant, ce que craignent les marchés, ce n’est pas tant la crise financière chinoise que les conséquences d’un ralentissement de la deuxième économie du monde.
Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
 Importation de fer dans le port chinois de Rizhao . Les matières premières sont particulièrement touchées par le recul de la croissance chinoise. (Stringer / Imaginechina)

La tempête sur la bourse de Shanghaï s'est provisoirement calmée après avoir provoqué des remous sur les marchés du monde entier. Mais ce n'est pas particulièrement la peur d'une contagion de la tempête financière qui a fait chuter les bourses que la prise de conscience du ralentissement de la croissance chinoise, avec ces conséquences pour les économies du monde entier. 

«Les étrangers n'ont pas eu beaucoup accès aux marchés chinois, et ceux-ci ne figurent pas dans les indices majeurs. L'impact sur les portefeuilles des investisseurs étrangers est proche de zéro». explique, en effet, Paul Jackson, directeur de la recherche économique chez Source.

C’est donc dans l’économie réelle qu’il faut chercher les causes de la grande inquiétude qui a saisi les marchés. Moteur de la croissance mondiale pendant la crise, la Chine semble connaître un atterrissage plus brutal que prévu de son économie. Après nous avoir habitué à une croissance à deux chiffres, Pékin pourrait ne connaître qu’une croissance autour de 7% en 2015 (selon certains ce chiffre est même très optimiste). De quoi inquiéter les pays qui profitent de la demande chinoise.

Selon le département de recherche de Bank of America Merrill Lynch, si la croissance chinoise ralentit à 3,5%, les importations chuteront de 17,5%. Une vraie menace pour les gros exportateurs vers la Chine. Or, Pékin est le premier marché d'exportation pour 44 pays (contre dix en 2004), selon le centre de recherche TCA Economics. 

Parmi les principaux exportateurs vers la Chine, on trouve le Japon, les Etats-Unis, l'Allemagne et la France ou l'Australie.

Prix des matières premières selon l'indice Bloomberg spécialisé. (Bloomberg)

Conséquences sur les matières premières
Les cours des matières premières ne peuvent que baisser dans ce contexte. Une mauvaise nouvelle pour les pays producteurs. On a souvent déjà évoqué l’effondrement des prix du pétrole qui n’est pas seulement dû au ralentissement de l’économie chinoise. Entre la politique de l’Arabie saoudite et la faiblesse de la demande chinoise, le pétrole est retombé à ses niveaux de l’après crise financière de 2008.

Mais dans ce contexte, toutes les matières premières sont touchées. L’un des indices globaux les plus regardés, le Bloomberg Commodity Index, qui cumule les cours de 22 matières premières, a plongé à un niveau sans précédent depuis août 1999.  La Chine achète 50% du zinc mondial et 40% du cuivre et du plomb. Et le prix du cuivre a baissé de 30% depuis le printemps.

Résultat, les pays exportateurs de matières premières et les groupes spécialisés souffrent. Ainsi, le géant anglo-australien BHP Billiton a annoncé une baisse de 86,2% de son bénéfice net annuel, victime comme d'autres grands groupes miniers de la baisse de la demande chinoise. Toujours dans le même secteur,des groupes comme Glencore ou Rio Tinto connaissent une période difficile. Ils annoncent déjà des réductions d'emplois et des baisses d'investissements. 


Exportations industrielles
Les pays asiatiques sont les premiers touchés. Le Japon et la Corée du Sud envoient respectivement 20% et 25% de leurs exportations vers la Chine.

La baisse de la croissance n'est pas le seul obstacle rencontré par les exportateurs de produits vers la Chine. Pékin a aussi décidé de jouer sur sa monnaie pour relancer sa compétitivité. La monnaie chinoise a en effet été dévaluée d'environ 4% par rapport au dollar.

Même si les importations chinoises de produits industriels ne représentent qu’une faible part des PIB des grandes nations industrielles, ces pays peuvent être touchés. La Chine a, par exemple, importé 1.422.992 véhicules étrangers en 2014, rappelle l'économiste Nicolas Tarnaud.  On a vu que déjà le groupe Volkswagen avait annoncé un recul de ses ventes vers la Chine. Même chose pour un secteur très pointu comme l'horlogerie suisse (touché aussi par la hausse de la devise helvétique) dont les exportations ont reculé de 9,3% en un an, notamment vers l’Asie.

Le ministre de l’économie allemand, Sigmar Gabriel, a d'ailleurs tenu a rassurer: «La part de la Chine dans les exportations de l'Allemagne est de 8%, la part de l'Europe dépasse les 40%". (...) Une grande part des exportations allemandes est à destination de la zone euro», a –t-il rappelé. Il reste cependant que la croissance allemande au second trimestre a été principalement tiré par le commerce extérieur.  Vers l'Asie et vers l'Europe, des marchés qui peuvent être aussi touchés par la crise chinoise...

Même chose pour la France où les exportations vers l'Empire du milieu pèsent 3,5 à 3,7% du total de nos exportations. «Ce n'est pas neutre, loin de là, un ralentissement disons de 20% des exportations chinoises ça ferait 0,7 point d'export en moins, soit 0,2% point (de croissance) en moins», selon l'économiste Denis Ferrand, intérrogé par l'AFP. Ce qui n'est pas rien, vu le niveau de croissance dans le pays.

Ces soubresauts s'inscrivent dans un marché mondial déjà en partie déflationniste, notamment pour l'énergie, ce qui n'est jamais bon pour l'investissement.

L'économiste Jacques Attali, toujours optimiste, avait écrit dès la mi août sur son blog : «La récession chinoise, si elle se confirme, entraînera celle du Brésil, qui provoquera celle des Etats-Unis puis la nôtre. Cette menace, aujourd’hui négligée, sera bientôt d’actualité». Et l'ancien conseiller de François Mitterrand, qui un des premiers avait bien mesuré l'ampleur de la crise de 2008 d'ajouter: «Au plus tard lors du G7 d’Istanbul, en septembre, les dirigeants occidentaux devront débattre d’un éventuel plan de relance. Seulement voilà : nos Etats ne disposent plus, comme en 2008, de marges de manœuvre budgétaires, et nos banques centrales n’ont plus la possibilité, comme en 2010, de diminuer leurs taux d’intérêt».

Reste donc à espérer que les mesures de relance annoncées par Pékin, qui ont temporairement calmé les places financières, soit efficace. Ce dont beaucoup doutent.

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