Comment la communauté internationale essaye de faire plier la Corée du Nord
Les grandes puissances mondiales ne sont pas toutes d'accord sur les moyens de faire entendre raison à Kim Jong-un. Donald Trump menace d'intervenir militairement, la Chine penche pour de nouvelles sanctions et la Russie plaide pour le dialogue. Mais quelles sont les options de la communauté internationale ?
Près d'une semaine après l'essai nucléaire mené par la Corée du Nord, les Nations unies vont se réunir, lundi 11 septembre, pour voter ou non un nouveau volet de sanctions contre le régime de Kim Jong-un. Problème : la Chine, proche du régime de Pyongyang, continue de plaider "le dialogue et la négociation", tout comme Vladimir Poutine, qui assure que "le règlement de la situation (...) n'est possible que par des moyens diplomatiques".
Côté américain, le ton est plus belliqueux. "La guerre n'est jamais l'option privilégiée par les Etats-Unis. Nous ne la voulons pas maintenant. Mais notre patience a des limites", a plaidé l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley lors d'une réunion du Conseil de sécurité. De son côté, la France prône des sanctions économiques fortes pour empêcher la Corée du Nord de développer son arsenal militaire. Franceinfo s'est penché sur les trois scénarios envisagés par la communauté internationale pour faire face aux provocations de Kim Jong-un.
Une intervention militaire ?
Les menaces fusent depuis cet été entre Donald Trump et Kim Jong-un. Le président américain a promis, début août, "le feu et la fureur comme le monde n’en a encore jamais vu" si de nouvelles provocations de la Corée du Nord venaient à se reproduire. Mais que se passerait-il si Donald Trump, qui dispose de 90 000 soldats dans la région, mettait ses menaces à exécution ?
I will be meeting General Kelly, General Mattis and other military leaders at the White House to discuss North Korea. Thank you.
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 3 septembre 2017
"En terme d’intervention militaire américaine, on a une gradation : de la démonstration de force, avec un passage d’avions militaires sans tirs au-dessus de certaines zones de Corée du Nord, jusqu’à diriger 400 armes nucléaires vers le pays. Tout est possible", explique Jean-Vincent Brisset, directeur de recherches à l’Iris.
L'attaque ciblée du matériel nucléaire et balistique de la Corée du Nord est le type d’opération souvent évoquée par les spécialistes. "Mais il s’agirait forcément d’une action individuelle des Etats-Unis et non pas d’une décision de l’ONU", précise Valérie Niquet, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.
Le scénario d’une attaque directe de la Corée du Nord par les Etats-Unis poserait cependant de sérieux problèmes de sécurité.
Le risque d’une attaque des Etats-Unis serait que les Nord-Coréens se vengent en frappant Séoul ou les territoires du Japon où des bases américaines sont installées.
la chercheuse Valérie Niquetà franceinfo
Dans l'autre sens, la Corée du Nord n'aurait pas intérêt à initier une action contre les Etats-Unis. "La réponse militaire de l’alliance aurait des conséquences dramatique pour l’avenir du régime", assure Antoine Bondaz de la Fondation pour la recherche stratégique.
Un embargo économique total ?
Depuis 2006, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté sept résolutions contre le régime nord-coréen. La dernière en date, en août, prive le pays d’un milliard de dollars de recettes en provenance de ses exportations de ressources naturelles (fer et charbon) et de sa pêche.
After urgent consultations #UN Security Council strongly condemns 'outrageous' ballistic missile launch by #DPRKorea https://t.co/axfHHiAVj6 pic.twitter.com/QyOhzJY7hi
— UN News (@UN_News_Centre) 30 août 2017
Armes, avoirs, exportations… Les sanctions sont nombreuses mais n’ont pas fait preuve d’une grande efficacité. "Jusqu’à maintenant, cela n’a jamais fonctionné parce que la Chine ne contrôlait pas et n’a jamais complètement appliqué les sanctions de l’ONU", pointe Valérie Niquet. Une stratégie qui reste toutefois privilégiée par la communauté internationale, "car moins dangereuse que des frappes militaires".
Pourtant, un acteur international semble freiner des pieds lorsqu'est évoqué l'embargo total. "La Chine n'est pas prête à l’embargo qui concernerait aussi les ressources énergétique même si cela serait très efficace pour étrangler le régime. Elle vise plutôt une reprise des négociations", constate Valérie Niquet.
La Corée du Nord est une épine dans le pied de la Chine. Son discours a beaucoup évolué sur cette question. Elle a longtemps bricolé s’agissant des sanctions mais depuis le mois de février, elle a appliqué des mesures plus lourdes.
Jean-Vincent Brissetà franceinfo
Si le ministre chinois des Affaires étrangères a prévenu que "les sanctions et les pressions" sur le régime de Kim Jong-un ne pouvaient constituer que "la moitié de la clef pour résoudre" cette crise, la Chine a approuvé le principe de "mesures nécessaires". Et pour la première fois, le pétrole est concerné.
"La Corée du Nord essaye de se rapprocher de la Russie et celle-ci joue le jeu mais pèse un poids très limité par rapport à la Chine, remarque Valérie Niquet. Pour le moment, la communauté internationale essaie d’imposer un embargo total mais on n'en est loin : d'abord parce que les Russes s’y opposent et ensuite parce qu'il faudrait se doter de moyens de pressions très forts."
Car jusqu'à présent, la Corée du Nord a réussi a déjouer les différentes mesures prises par l'ONU à son encontre. Sans oublier que "dans les pays autoritaires, les sanctions frappent plutôt les populations", précise l'historien Pierre Grosser, cité par Le Figaro. Dans le même temps, les sanctions peuvent aussi exacerber le nationalisme et ainsi renforcer le pouvoir ou favoriser des réseaux économiques clandestins.
Des négociations diplomatiques ?
"Le problème, c’est qu’il n’y a pas de moyens de négocier avec la Corée du Nord", tranche Valérie Niquet. Pour la chercheuse, les conditions préalables à la mise en place d'un dialogue apaisé entre la communauté internationale et le régime de Pyongyang sont loin d'être atteintes. "Il faudrait accepter que ce pays soit devenu une puissance nucléaire, qu’il y ait un accord entre les Etats-Unis et la Corée du Nord, que les Américains stoppent leurs exercices militaires communs avec la Corée du Sud..."
Et il ne faut pas compter non plus sur un apaisement de la situation sur le long terme : après les nombreuses déclarations fortes de Donald Trump, si les Etats-Unis finissaient par montrer des signes de faiblesse dans les négociations, cela pourrait entraîner une remise en question de leur leadership de la part du Japon et de la Corée du Sud. "Et d’un autre côté, cela encouragerait la Chine et la Corée du Nord à aller plus loin." Ce serait d’ailleurs pour cette raison que la communauté internationale, à l’exception de la Chine, miserait davantage sur les sanctions économiques. Jean-Vincent Brisset, quant à lui, envisage une "porte de sortie par le haut pour l’ONU".
On est dans un timing où Kim Jong-un pourrait dire : 'J'ai atteint mon but et maintenant j’arrête les essais nucléaires.' On serait alors dans la même situation que l’Inde et le Pakistan, qui sont devenus des puissances nucléaires malgré les interdictions.
Jean-Vincent Brissetà franceinfo
"Le Conseil de sécurité fixerait un cadre autour de la puissance nucléaire de la Corée du Nord et si jamais il devait y avoir des violations, il interviendrait, précise le chercheur. La communauté internationale fermerait les yeux sur le fait que Pyongyang dispose d'une arme nucléaire tant qu’il ne s'en sert pas."
Une solution qui ne convainc pas Valérie Niquet, qui estime que tant que l'imprévisible Kim Jong-un sera à la tête de la Corée du Nord, la communauté internationale ne tolérera pas que le pays devienne une puissance nucléaire.
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