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Pourquoi la Corée du Nord s'acharne-t-elle à développer l'arme nucléaire ?

Pyongyang a annoncé avoir réussi son premier essai de bombe H ce mercredi 6 janvier. Objectif : impressionner les pays voisins et réaffirmer le pouvoir du "chef suprême" Kim Jong-un. 

Article rédigé par Marthe Ronteix
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Kim Jong-un inspecte un concours de feux d'artifices, en Corée du Nord, sur cette photo publiée le 5 janvier 2016 par l'agence nationale de presse nord-coréenne. (KNS / KCNA)

La Corée du Nord a fait une nouvelle entrée tonitruante sur la scène de l’armement nucléaire. Ce mercredi 6 janvier, dans un communiqué officiel diffusé à la télévision, Pyongyang a annoncé la réussite de son premier essai de bombe à hydrogène (bombe H), effectué sur les ordres de son dictateur, Kim Jong-un. "Avec le succès parfait de notre bombe H historique, nous rejoignons les rangs des Etats nucléaires avancés", a déclaré le présentateur, en précisant que l'engin testé était "miniaturisé"

La communauté internationale a immédiatement réagi à cette annonce. La Corée du Sud, le Japon, le Royaume-Uni, l’Australie mais aussi la Chine, l'allié historique du régime stalinien, ont fermement condamné cet essai nucléaire. Pékin a même évoqué l’engagement de "dénucléarisation" pris par la Corée du Nord. Face à cette nouvelle menace potentielle, le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit ce mercredi 6 janvier pour décider de l'attitude à adopter.

Pour tenter de devenir une grande puissance

Si elle ne fait pas partie des neuf pays qui sont officiellement des puissances nucléaires, la Corée du Nord n’en est pas à son premier essai nucléaire, mais au quatrième. Les trois premiers (en 2006, 2009 et 2013) étaient consacrés à tester la bombe A, qui utilise la fission nucléaire. La Corée du Nord s'était alors proclamée puissance nucléaire. Mais elle avait reçu des sanctions de la part de l'ONU. 

Cette fois-ci, il s'agit d'une arme bien plus puissante, comme l’explique RTL. Néanmoins, les experts doutent que la Corée du Nord possède réellement une telle bombe. D'abord parce que le séisme de magnitude 5,1 ressenti près du principal site d'essais nucléaires du pays n'était pas assez fort pour évoquer une bombe H, même miniaturisée.

Ensuite parce que "la Corée du Nord a déjà, par le passé, fait des affirmations au sujet de son programme nucléaire et de son programme de missiles qui n’ont tout simplement pas tenu la route après enquête", a déclaré Melissa Hanham, spécialiste des études de non-prolifération au centre James Martin (Etats-Unis). 

Pour défier les Etats-Unis

La déclaration de Pyongyang permet néanmoins à la Corée du Nord de revenir sur le devant de la scène internationale et de défier les Etats-Unis. Pour justifier l’acquisition de cette nouvelle arme nucléaire, l’exécutif nord-coréen a évoqué son droit de se défendre contre "les forces hostiles réunies par les Etats-Unis". Pyongyang estime "qu’il est juste de disposer de la bombe H contre les nombreuses et gigantesques armes nucléaires dont disposent les Etats-Unis"

En août dernier, les troupes américaines et sud-coréennes ont simulé une invasion de la Corée du Sud par son voisin du Nord. Un exercice conjoint annuel, qualifié de "déclaration de guerre" par la Corée du Nord, qui avait tendu les relations entre les deux Corées et les Etats-Unis. Les provocations s’étaient ensuite multipliées. En septembre 2015, la Corée du Nord avait annoncé qu’elle était prête à utiliser l’arme nucléaire contre les Etats-Unis grâce à son complexe de Yongbyon. D'après les experts, ce site, fermé depuis 2007, peut produire assez de plutonium pour créer une bombe nucléaire par an.

Et pour compléter son arsenal, la dictature communiste serait prête à reprendre son programme de lancements de fusées dès le premier trimestre 2016. Le pays a suffisamment modernisé son principal site de lancement. Or ces fusées sont perçues par la communauté internationale comme des tests déguisés de missiles balistiques à usage militaire. Le succès d'un essai de bombe H viendrait donc compléter cette démonstration de puissance militaire.

Pour réaffirmer le pouvoir de Kim Jong-un dans le pays

Deux jours avant son 33e anniversaire, le leader du pays, Kim Jong-un, chercherait également à imposer son autorité au sein de son propre pays. Le dictateur nord-coréen éprouverait quelques difficultés dans son propre camp. En 2014, Kim Jong-un avait disparu de la vie publique pendant plus d'un mois. Des rumeurs avaient alors couru, supposant qu'il aurait été victime d'un coup d'Etat fomenté par des cadres du parti. Une rumeur qui s'était avérée fausse, puisque le dirigeant était réapparu. Néanmoins, cet épisode avait laissé entendre que Kim Jong-un ne faisait pas l'unanimité.

L'Obs évoque également une autre organisation qui tiendrait les ficelles du régime. Le Département de l’organisation et de la direction, un organisme de fonctionnaires auparavant dirigé par le père et prédécesseur de Kim Jong-un, aurait pris son indépendance pour gouverner les affaires du pays.

Mais avec cette nouvelle arme nucléaire, dont l'essai aurait été ordonné personnellement par le "chef suprême", Kim Jong-un frappe un grand coup et montre à son état-major qu'il détient toujours les clés du pouvoir. "Cet essai est fait pour préparer un congrès du parti en mai [le congrès du Parti des travailleurs de Corée du Nord, le parti unique du pays], explique Toshimitsu Shigemura, professeur de l'université de Waseda (Japon) et expert de la Corée du Nord. Jusqu'à maintenant, Kim Jong-un n'avait pas de grande réussite à afficher, mais maintenant, il peut se targuer de ce succès que n'ont pu revendiquer ses grand-père et père Kim Il-sung et Kim Jong-il." Un coup de force qui risque d'isoler encore davantage son "royaume ermite", analyse Le Figaro.

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