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Interdiction des grenades offensives : qu'en est-il des autres armes des forces de l'ordre?

Après l'interdiction de ce type de grenades qui a coûté la vie à Rémi Fraisse, francetv info fait le point sur les autres matériels potentiellement dangereux dont disposent les gendarmes.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Un policier pointe un Flash-Ball, lors d'un exercice, à Nîmes (Gard), le 5 novembre 2014. (PASCAL GUYOT / AFP)

"Parce que cette munition a tué un jeune garçon de 21 ans et que cela ne doit plus jamais se produire, j'ai décidé d'interdire l'utilisation de ces grenades." Le ministre de l'Intérieur a annoncé, jeudi 13 novembre, le retrait de l'arsenal des forces de l'ordre du modèle de grenades offensives qui a coûté la vie à Rémi Fraisse.

Quelques heures plus tôt, le syndicat Union nationale du personnel en retraite de la gendarmerie lançait une pétition pour "le maintien" de ces grenades. "Ne désarmez pas les gendarmes !" demandait l'UNRPG (45 000 adhérents), craignant une mise en danger des escadrons si leur arsenal est limité. Le Taser (pistolet à impulsion électrique) a déjà été interdit en septembre, indique l'Inspection générale de la police dans son rapport, peu après la mort d'un homme pendant son interpellation. 

Les CRS et les gendarmes disposent encore – outre les armes à feu – d'autres équipements pour assurer leur mission de maintien de l'ordre : plusieurs gammes de grenades (lacrymogènes, assourdissantes et de désencerclement) ; des Flash-Balls ; des canons à eau ; des bombes à poivre. L'usage, abusif selon certains, d'une partie de ces armes est régulièrement dénoncé. Certaines sont-elles dangereuses ? Francetv info revient sur les plus contestées.

Les grenades lacrymogènes : sous surveillance depuis Sivens

Dans les dernières manifestations en hommage à Rémi Fraisse, les forces de l'ordre ont utilisé des grenades assourdissantes et lacrymogènes. Elles appartiennent toutes à la catégorie des "armes non-létales", mais peuvent causer des blessures importantes. Plus que l'agent lacrymogène utilisé, les risques proviennent des débris des engins projetés par l'explosion.

"J'insiste sur la gravité de ces blessures par explosions, écrivait le Dr Stéphanie Lévêque, volontaire pour soigner les manifestants dans les affrontements de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), près de Nantes, dans une lettre ouverte au préfet, en 2012. Les débris pénètrent profondément dans les chairs, risquant de léser des artères, des nerfs ou des organes vitaux. Nous avons retiré des débris de 0,5 à 1 cm de diamètre." 

Bernard Cazeneuve a exclu leur interdiction, jeudi, estimant qu'elles étaient "nécessaires pour le maintien à distance" des manifestants agressifs. Il a toutefois décidé de "durcir les modalités d'emploi des grenades lacrymogènes à effet de souffle, dites 'GLI' pour 'grenade lacrymogène instantanée'". Désormais, "l'utilisation de ces munitions devra se faire en binôme, un binôme composé du lanceur lui-même et d'un superviseur ayant le recul nécessaire pour évaluer la situation et guider l'opération".

L'annonce a pour but d'éviter toute utilisation abusive de ces équipements par les forces de l'ordre. "Elle semble cependant extrêmement difficile à mettre en place, explique à francetv info Mathieu Zagrodzki, chercheur en sciences politiques spécialisé dans les questions de sécurité. Il faut comprendre que les situations de maintien de l'ordre sont par définition des situations d'urgence. En cas d'encerclement, il y a rarement un supérieur avec le gendarme."

Les grenades de désencerclement : dangereuses si elles sont mal utilisées

En plus des gendarmes et des CRS, la police est, elle aussi, équipée de cette munition depuis 2004, sur décision du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy. Equipée d'une charge d'explosifs et de projectiles en caoutchouc, la grenade produit un bruit et un souffle très important pour disperser les foules.

"Ce matériel est un moyen de défense qui permet aux forces de l'ordre, en situation de violences urbaines ou de maintien de l'ordre public, de déstabiliser un groupe d'agresseurs et de se dégager en dispersant le groupe hostile auquel elles sont confrontées", indique une note du directeur central de la Sécurité publique en date du 24 décembre 2004, citée par la Commission nationale de déontologie de sécurité. Pour ne pas blesser les manifestants, son utilisation est extrêmement réglementée par la fiche. La grenade doit être utilisée "dans un cadre d'autodéfense rapprochée". Le fonctionnaire doit la faire rouler au sol et "ne jamais la lancer en l'air".

Si elle a lieu en hauteur, son explosion peut être dangereuse. En 2008, une lycéenne de 15 ans a été sérieusement blessée à la jambe par une grenade de désencerclement en marge d'une manifestation à Grenoble (Isère). Sous les ordres de son commandant, le fonctionnaire de police lui a jeté la munition depuis sa voiture, indique le rapport de la Commission nationale de déontologie de sécurité, qui souligne que la dangerosité de l'arme est sous-estimée.

Le Flash-Ball : "une machine à bavure" maintes fois critiquée

Autre arme à disposition des forces de maintien de l'ordre : le lanceur de balles (LDB), communément appelé Flash-Ball. Officiellement entrée en service dans les forces de police en 2002 puis généralisée par Nicolas Sarkozy lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, le LDB tire des boules de caoutchouc de 95 grammes, à une distance allant jusqu'à 50 mètres.

Le LDB est censé être inoffensif si on tire dans les jambes. Il peut cependant entraîner des blessures graves et définitives lorsque les projectiles touchent le visage ou le thorax. En 2010, un homme avait succombé à un œdème pulmonaire causé par un tir de Flash-Ball, à Marseille. De nombreux autres cas de blessures ont été répertoriés depuis.

Mais pourquoi cette arme, conçue pour ne pas tuer, fait-elle autant de dégâts lors des échauffourées avec les forces de l'ordre ? "Les policiers ne sont pas assez bien formés pour viser systématiquement les jambes", explique Mathieu Zagrodzki. Pour permettre davantage de précisions, les anciens Flash-Balls ont été remplacés par un nouveau modèle de lanceur de balles, équipé d'un viseur. Plus puissant, il est aussi censé permettre aux policiers de ne pas se faire encercler, et donc d'éviter les tirs rapprochés.

Mais "le problème subsiste lorsqu'il est utilisé à bout portant", rappelle le spécialiste des questions de sécurité. En avril, un tir "à courte distance" avait provoqué cinq fractures au visage d'un manifestant à Toulouse, indique France 3 Midi-Pyrénées. "Sur le papier, le Flash-Ball est un moindre mal. Dans la réalité, c'est une machine à bavure", résume le spécialiste.

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