COP16 biodiversité : à quoi va servir le sommet qui s'ouvre à Cali, en Colombie ?

Après avoir adopté en 2022 une feuille de route destinée à "stopper et inverser" d'ici à 2030 la destruction des terres, des océans et des espèces vivantes, les 196 pays de la Convention pour la diversité biologique doivent entretenir la dynamique.
Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Un homme passe devant le logo de la COP16 biodiversité, à Cali, en Colombie, le 10 octobre 2024. (JOAQUIN SARMIENTO / AFP)

Pour la première fois, une poignée de chefs d'Etat feront le déplacement, dont le Brésilien Lula. A l'occasion de la 16e conférence de l'ONU sur la Biodiversité, la COP16, les représentants de quelque 200 pays ont rendez-vous lundi 21 octobre à Cali, en Colombie, pour organiser la réponse internationale à la destruction des écosystèmes à la crise de la biodiversité.

Organisatrice, la Colombie entend se servir de ce vaste forum diplomatique et économique pour prendre la tête de la mobilisation mondiale pour la nature, deux ans après la signature à la COP15 de l'ambitieux accord de Kunming-Montréal.

Protéger 30% des terres et mers, restaurer 30% des écosystèmes dégradés d'ici 2030, réduire de moitié les pesticides et le taux d'introduction d'espèces exotiques envahissantes, mobiliser 200 milliards de dollars par an pour la nature… Deux ans après ces importants engagements, à quoi va servir cette COP16 ?

A passer de l'ambition à l'action

A la fin de la COP15 de 2022, l'accord de Kunming-Montréal a fixé 23 objectifs de sauvegarde de la nature à atteindre à l'horizon 2030. Deux ans plus tard, la présidence colombienne doit poser aux 196 pays membres de la Convention sur la diversité biologique (CDB) la question fatidique : "Alors ? Ça avance ?" Pour l'instant, la réponse est : "Pas trop". Au 16 octobre, seules 29 parties avaient soumis leur stratégie et plan d'action national pour la biodiversité et 91 autres avaient soumis des "cibles", soit des engagements sur tout ou partie des objectifs, selon la secrétaire exécutive de la CDB, Astrid Schomaker.

"Cette COP est à la fois un moment de vérité et un tremplin", résume Juliette Landry, de l'Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). L'analyse des premières stratégies déposées doit permettre de juger de la crédibilité des promesses formulées en 2022 par les Etats. Mais la COP doit aussi anticiper et préparer un cadre qui, d'ici 2026 (pour la COP17, donc), permettra de savoir si les discours se sont traduits par des actions et des politiques concrètes de la part des pays. C'est ce qu'on appelle "le processus de revue", explique Juliette Landry.

Quels critères retenir pour évaluer l'efficacité d'une mesure ? A qui faire confiance pour vérifier sur le terrain que les choses avancent ? A Cali, les 196 parties doivent adopter des règles communes à tous, appelées à être opérationnelles en 2025, à l'heure du premier bilan d'étape de l'accord de Kunming-Montréal. 

Il sera aussi question, à Cali, de discuter des règles qui s'appliqueront au secteur privé, pour éviter que les engagements des entreprises ne se limitent à du "greenwashing" ("écoblanchiment" en français). Agnès Hallosserie, directrice du programme biodiversité de l'Iddri, constate d'ailleurs que certains secteurs, de l'agriculture à l'industrie du luxe ou encore de la mode, "ont pu commencer à se positionner", réfléchissant aux transformations qu'ils peuvent opérer.

A décider de qui donne combien (et à qui)

Depuis l'annonce à la COP15 de la création d'un nouveau fonds dédié à la biodiversité, donateurs et bénéficiaires se déchirent.

Les pays bénéficiaires réclament que cet organisme, pour l'heure adossé au Fonds pour l'environnement mondial (GEF), prenne son indépendance et soit doté d'une gouvernance propre. Les donateurs plaident de leur côté pour que le GEF, bras financier de la Convention, administre cette instance.

Cela peut sembler être un détail, mais ces discussions, tendues, "ont déjà mobilisé beaucoup de temps et d'énergie", remarque Juliette Landry, pointant l'urgence à trancher la question une bonne fois pour toutes.

D'autant que les donateurs doivent se dépêcher d'alimenter ce fonds. A ce jour, il ne compte que 400 millions de dollars (environ 369,2 millions d'euros), quand l'accord de Kunming-Montréal prévoit qu'il soit crédité de 25 milliards de dollars par an (23 milliards d'euros) d'ici 2025.

A mieux répartir les bénéfices tirés de la biodiversité…

Quand un laboratoire allemand veut développer un médicament à partir d'une molécule issue d'une éponge marine endémique des Seychelles, comment faire pour que le pays d'origine bénéficie, d'une manière ou d'une autre, de la richesse créée à partir de cette matière première vivante ? L'exemple est grossier, mais la question est fondamentale au moment d'imaginer de nouvelles sources de financement pour la biodiversité. Ce débat, dit de "l'information de séquençage numérique", sera l'un des sujets clés de cette COP16.

"Les pays en développement demandent un nouveau mécanisme pour redistribuer les bénéfices de ces éléments génétiques numérisés", explique Agnès Hallosserie, de l'Iddri. Mais la création de ce mécanisme multilatéral pose une foule de questions : "Faut-il faire payer les entreprises ? Toutes les entreprises, ou plutôt celles qui appartiennent à des secteurs clés ? Faut-il des contributions obligatoires ou volontaires ? Imposer une taxe serait-il légal ? Faut-il concentrer les données sur un portail commun ? Si oui, qui pourrait gérer cette plateforme pour redistribuer équitablement les bénéfices, et à qui ?", liste-t-elle. 

… et à récompenser ceux qui en prennent soin

L'accord de Kunming-Montréal encourage les Etats à "promouvoir (…) le paiement des services écosystémiques, les obligations vertes, les crédits et compensations en matière de biodiversité". Objectif : récompenser ceux qui prennent soin des écosystèmes, comme les agriculteurs qui s'engagent dans une gestion durable, à travers un système de "crédit biodiversité" (ou "crédits nature"), inspiré des "crédits carbone"

En vue de créer des bourses nationales dans des pays pionniers en la matière, le Comité consultatif international sur les crédits de biodiversité, porté par la France et le Royaume-Uni, doit présenter une "feuille de route mondiale", à Cali. De son côté, l'Alliance pour les crédits de biodiversité, soutenue par l'ONU, et le Forum économique mondial doit également faire des annonces.

Enfin, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, soutient depuis un an la création d'un Fonds international de préservation des forêts tropicales, qui consisterait à rémunérer 80 Etats pour chaque hectare de forêt préservé ou restauré. Des projets complexes, qui n'aboutiront pas nécessairement lors de cette COP, mais qui suscitent déjà beaucoup d'intérêt et autant de débats.

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