Crise climatique : trois ONG assignent BNP Paribas en justice pour son soutien financier aux énergies fossiles
La banque est priée de rendre des comptes. Les Amis de la Terre France, Oxfam France et Notre Affaire à Tous assignent en justice BNP Paribas, jeudi 23 février, dénonçant le soutien financier du groupe bancaire français à de nouveaux projets de développement des énergies fossiles. Il s'agit du "premier contentieux climatique au monde visant une banque commerciale", pointent les trois ONG de défense de l'environnement dans un communiqué commun. Ensemble, elles avaient déjà assigné l'établissement bancaire en justice, le 26 octobre, et notent que, depuis, "BNP Paribas n'a pas pris la mesure la plus urgente au regard de la science : cesser ses soutiens financiers à l'expansion des énergies fossiles", soulignent-elles.
Pour justifier cette action en justice, les ONG font valoir le non-respect de la loi sur le devoir de vigilance des multinationales. Ce texte, promulgué en 2017, oblige certaines multinationales à "prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement" en lien avec leurs activités.
Or, pour la responsable de campagnes pour Notre Affaire à Tous, Justine Ripoll, citée dans le communiqué, "le secteur financier a une responsabilité énorme dans notre capacité collective à respecter ou non l'accord de Paris", le texte visant à limiter la hausse des températures globales sous un seuil au-delà duquel catastrophes et pénuries deviendraient monnaie courante.
Le financement de nouveaux projets pétrogaziers, incompatible avec l'accord de Paris
Pointant "sa contribution au réchauffement global par ses financements et ses investissements à l'industrie des charbon, pétrole et gaz", les ONG accusent BNP Paribas d'être "le premier financeur européen et cinquième mondial du développement des énergies fossiles entre 2016 et 2021". Le site Change de banque, élaboré par l'ONG Reclaim Finance, estime ainsi que BNP Paribas est "de loin la banque française dont les activités ont le plus gros impact sur le climat", avec "plus de 142 milliards de dollars alloués au secteur des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) depuis l'accord de Paris."
Or, selon un rapport publié en 2021 (PDF, en anglais) par l'Agence internationale de l'énergie (AIE), atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et respecter l'accord de Paris n'est possible qu'à condition de ne lancer aucun nouveau projet d'exploitation d'énergies fossiles. "Nous exigeons que la banque cesse tout soutien à l'expansion des énergies fossiles et aligne véritablement ses activités pour limiter le réchauffement global à 1,5°C, en conformité avec les objectifs de l'accord de Paris", font donc savoir les trois associations plaignantes, "déterminées à obtenir une décision contraignante du juge", selon Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer chez Oxfam France.
"BNP Paribas continue de faire des nouveaux chèques en blanc aux plus grandes entreprises d'énergies fossiles, sans condition de transition hors des pétrole et gaz. Plutôt que prendre des engagements concrets afin de respecter les demandes scientifiques élémentaires, BNP Paribas communique et contribue à alimenter la fabrique du doute sur le consensus scientifique."
Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer chez Oxfam Francecommuniqué d'Oxfam France, les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous
En avril 2021, BNP Paribas a rejoint la Net Zero Banking Alliance (NZBA), un programme initié par l'ONU dans le cadre de la COP26 de Glasgow pour inciter les banques à prendre part à la sortie des énergies fossiles. Contactée par le média NOWU, en octobre, la banque défendait à nouveau ses ambitions en la matière, se présentant "aujourd'hui" comme "l'une des grandes banques mondiales ayant les objectifs les plus ambitieux de réduction des financements du pétrole." Sur son site, BNP Paribas s'engage à "réduire de 25% (comparé à 2020) son exposition à la production de pétrole d'ici à 2025".
Mais pour les associations, ces annonces, ainsi que la réponse officielle faite aux avocats des ONG, "sont encore largement insuffisantes et ne répondent en rien aux demandes formulées dans la mise en demeure". "La banque n'exige pas de ses clients qu'ils aient un plan de sortie physique et sans nouveaux projets de pétrole et de gaz, quand elle s'est engagée en 2020 à le faire pour le secteur du charbon. Elle souligne même dans ses annonces son intention de miser sur les nouvelles infrastructures et centrales à gaz", pointe encore le communiqué.
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