Pollution : entre fatalisme et "montants colossaux", le casse-tête des cimenteries pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre
Réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays, c'est plus facile à dire qu’à faire. Depuis l’automne dernier, le gouvernement a mis en place un dispositif spécial pour diminuer les émissions de carbone des cinquante sites industriels les plus polluants. Si certaines entreprises jouent le jeu, les résultats restent incertains.
>> Voici les 50 sites industriels qui concentrent à eux seuls 10% des émissions de CO2 en France
Le groupe Vicat possède 16 cimenteries en France, trois figurent dans la liste, les 17 autres cimenteries concernées appartenant à Lafarge et Calcia. Depuis les années 1990, Vicat travaille à réduire son empreinte d'après son directeur général Guy Sidos : "Pour donner de grands chiffres, les émissions de CO2 de Vicat en France étaient de quatre millions de tonnes en 1990, elles sont d'environ deux millions de tonnes en 2022. Globalement, en 30 ans, les émissions de Vicat ont été divisées par deux en France". Le responsable poursuit : "A l'échelle de Vicat, j'investis à peu près 80 millions d'euros par an dans l'application de notre plan de décarbonation pour 2030".
Des aides publiques bien utilisées ?
L'entreprise cherche d’abord à réduire les émissions dues à la chauffe des matières premières : au lieu de brûler des combustibles fossiles, achetés à l’étranger, le groupe cherche à alimenter ses chaudières avec des déchets collectés localement. Malgré tout, les deux tiers des émissions du ciment viennent de la réaction chimique elle-même. "C'est ce qu'on appelle le CO2 fatal, précise Bruno Pilon, président de France Ciment, association professionnelle du secteur. Il n'y a aucune option technologique sur la table, aucune. On est condamné à les émettre..."
"Il n'y a pas d'autre industrie avec autant de 'carbone fatal' que l'industrie cimentière, c'est plus des deux tiers du carbone."
Bruno Pilonà franceinfo
"Ce carbone fatal, vous le séquestrez dans les puits... sauf que pour la séquestration, il faut qu'il y ait des tuyaux, des endroits, il y a plein de complexités", poursuit Bruno Pilon.
Des "montants colossaux"
Pour diviser ses émissions par deux, le secteur doit enfouir 2,4 millions de tonnes de CO2 d’ici 2030. Le dispositif des 50 sites les plus polluants donne aux industriels l'accès à de nouvelles aides publiques. Encore faut-il qu’elles soient utilisées pour décarboner. "On se rend compte que les montants sont colossaux", déplore Aurélie Brunstein du Réseau action climat, qui vient de publier un rapport sur la question.
Pour elle, "quand, en parallèle, on regarde les niveaux d'émission de ces 50 sites, la majorité d'entre eux n'a pas encore démarré sa décarbonation. Donc on pousse à ce que l'État demande à ces entreprises des conditions, que les entreprises s'engagent concrètement et que chaque année, elles rendent des comptes sur la tenue de leurs engagements". Pour réduire son empreinte carbone, le secteur compte aussi sur une diminution de la consommation, avec moins de béton dans les bâtiments, notamment grâce à de nouveaux types de ciments.
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