Nucléaire : les cinq risques pointés par un rapport parlementaire sur la sécurité des centrales françaises
Des députés, menés par l'élue LREM et ex-écologiste Barbara Pompili, ont remis jeudi ce rapport, qui préconise 33 mesures.
"Quand on cherche des failles, on en trouve. Certaines sont plus préoccupantes que d'autres." Le rapport parlementaire sur la sécurité des centrales nucléaires françaises, remis jeudi 5 juillet au président de l'Assemblée nationale François de Rugy, n'est pas complètement rassurant, de l'aveu même de sa rapporteuse, la députée LREM et ex-écologiste Barbara Pompili. Synthèse des travaux d'une commission parlementaire créée en février, le texte fait 33 propositions pour améliorer la sécurité du nucléaire. Alors que celui-ci a été contesté au sein même de la commission, six députés ayant voté contre sa publication et le trouvant trop anti-nucléaire, Franceinfo résume les risques pointés par le travail des députés.
Des sites vieillissants
La plupart des installations nucléaires françaises approchent les quarante ans de service, ce que les députés voient comme une "menace pour la sûreté". Pour étayer leurs critiques, ils citent des responsables d'organisations opposées au nucléaire, comme Greenpeace, qui affirme qu'"on a découvert récemment que des tuyaux d’alimentation en eau de refroidissement étaient rouillés".
Outre ce problème, le rapport pointe plusieurs exemples de pièces utilisées dans la conception de centrales alors qu'elle n'étaient pas conformes aux normes fixées en amont.
Un important recours à la sous-traitance
Dans la gestion des dix-neuf centrales nucléaires françaises, le recours à la sous-traitance est "devenu omniprésent", écrivent les députés : "80% de la maintenance sur le gros matériel" est notamment confiée à des entreprises tierces par EDF, explique Jean-Christophe Niel, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, un organisme public.
Le rapport craint notamment que cette politique entraîne une "perte de compétences des exploitants", qui se déchargent de certaines tâches, et que ces employés soient moins impliqués en cas d'accident. Il rappelle que lors de l'accident de Fukushima, les sous-traitants avaient quitté les lieux. Le fait qu'en France nombre de ces sous-traitants soient de nationalité étrangère complique aussi le contrôle de leurs antécédents, nécessaire dans la lutte contre la menace terroriste.
EDF s'est défendu, jeudi, en assurant ne pas avoir augmenté depuis quinze ans son recours à la sous-traitance pour la maintenance des équipements. Le groupe estime que le rapport comprend "un certain nombre d'erreurs factuelles" sur lesquelles il promet d'apporter des précisions d'ici fin juillet.
Une gestion des déchets débattue
Le rapport remis jeudi questionne un principe de base du traitement des déchets nucléaires en France : le fait de les stocker dans des piscines, ce qui permet d'en retraiter une partie pour l'utiliser à nouveau. Problème : si l'alimentation en eau froide de ces déchets est défaillante, c'est l'accident. Les parois des piscines sont également jugées vulnérables. "L’entreposage à sec semble plus sûr et moins cher", estiment les députés. Cette solution est largement utilisée à l'étranger. Le retraitement deviendrait impossible, mais celui-ci "présente une pertinence économique contestable", jugent-ils.
Le texte s'attaque aussi à une question plus politique, celle de la pertinence du projet de stockage à long terme de déchets sous terre, sur le site de Bure (Meuse). Contesté par les écologistes, il présente, selon le rapport, des "risques en termes de sûreté" et "de sécurité". Les députés encouragent à "poursuivre l'étude d'une autre solution", le stockage en "subsurface", c'est-à-dire à une profondeur moindre. Le projet de Bure est pourtant soutenu par le gouvernement : en novembre, Nicolas Hulot, ancien opposant, estimait que l'enfouissement des déchets nucléaires n'était "pas une solution entièrement satisfaisante" mais que c'était la "moins mauvaise".
Une protection contre le terrorisme parfois nébuleuse
De la chute d'un avion au sabotage en passant par la cyberattaque, le rapport liste de nombreux "risques nouveaux", souvent liés au terrorisme, et déjà bien connus. Greenpeace l'a rappelé, mardi, en faisant s'écraser un drone contre la centrale du Bugey (Ain). Les centrales "n’ont pas été conçues pour résister à une agression de type terroriste (...) une faille originelle à laquelle il sera difficile de remédier", estiment les députés. Ils saluent des mesures prises dans ce sens, mais préconisent des améliorations : ainsi, les pelotons de gendarmes spécialisés dans la sécurisation des sites, créés en 2009, n'empêchent pas "que les gendarmes réellement présents sont parfois en nombre très restreint à certaines heures de la journée ou de la nuit." Ils recommandent de fixer un nombre minimum de quatre gendarmes présents en permanence par réacteur.
Le texte questionne aussi la sécurité des convois transportant des matières radioactives, qu'il s'agisse de déchets ou de matières premières nécessaires au fonctionnement des réacteurs. Se basant sur un documentaire de la chaîne Arte, les députés estiment que les trajets de ces convois sont prévisibles, et que leurs horaires varient peu, ce qui faciliterait l'organisation d'une action malveillante contre l'un d'eux. Ils préconisent des horaires, des dates et des itinéraires "plus aléatoires", et un renforcement des escortes policières, pourtant jugées "à la hauteur" par les pouvoirs publics.
Mais la commission d'enquête déplore surtout de ne pas avoir obtenu toutes les réponses à ses questions. Sur la résistance des piscines de refroidissement à la chute d'un avion ou à une explosion, "le 'secret-défense' a été presque systématiquement opposé" par l'Etat et EDF aux députés, qui sont donc dans l'incapacité d'évaluer ce risque. De même, les opérateurs et les pouvoirs publics ont assuré que les tests de résistance menés sur les murs de ces piscines étaient "rassurants", mais que leurs résultats ne pouvaient pas être communiqués.
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