Déodorants, dentifrices, jouets… Pourquoi le triclosan inquiète tant
Les autorités sanitaires américaines ont sommé les fabricants de savons antibactériens de prouver leur efficacité et leur innocuité. Ces produits, comme les dentifrices ou les déodorants, contiennent du triclosan. Francetv info vous dit tout sur cette substance qui préocuppe les toxicologues.
Haro sur le triclosan. Les autorités sanitaires américaines (en anglais) ont demandé, lundi 16 décembre, aux fabricants de savons contenant des antibactériens chimiques comme le triclosan de démontrer l'efficacité et l'innocuité de leurs produits, largement utilisés aux Etats-Unis – et ailleurs.
A l'instar de nombreux conservateurs, comme le paraben, le triclosan, dont l'usage est répandu depuis plus quarante ans notamment dans les produits d'hygiène, préoccupe de plus en plus les toxicologues. Francetv info vous dit tout sur cet antibactérien omniprésent ou presque.
Qu'est-ce que le triclosan ?
Le triclosan, ou 5-chloro-2-(2,4-dichlorophénoxy)phénol, est un biocide (une substance qui tue les micro-organismes) utilisé depuis les années 70 dans le lavage chirurgical des mains. Ce produit chimique, qui présente des propriétés antifongiques, antibactériennes et antitartre, n'est largement répandu que depuis les années 80-90.
Où en trouve-t-on ?
Produits ménagers, jouets, vêtements ou linges de maison traités anti-odeur ou antibactérien, mais aussi fils de suture, cathéters, sacs poubelle… Difficile d'échapper au triclosan. Au sein de l'Union européenne, c'est dans les cosmétiques qu'on en trouve le plus, où il peut être utilisé en tant que conservateur à une concentration maximale de 0,3%. Ce biocide est aussi présent dans de nombreux savons, gels douche, gels hydro-alcooliques, déodorants ou dentifrices.
Par exemple, sur cinquante-huit dentifrices proposés par le supermarché en ligne Simply Market, douze contiennent du triclosan, du premier prix aux marques les plus connues. Sur Auchan Direct, une simple recherche "triclosan" met en avant les produits en contenant, déodorants pour homme, bains de bouche, savons antibactériens et… talc pour bébé.
Depuis mars 2010, l'Union européenne interdit l'utilisation de cette substance dans les denrées alimentaires, les matériaux en contact avec elles et les aliments pour animaux. Mais il peut être utilisé dans les produits biocides pour l'hygiène vétérinaire, rappelle le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) de la Commission européenne dans un rapport rendu en 2010.
Que lui reproche-t-on ?
D'être un perturbateur endocrinien. Comprendre : une substance chimique qui, comme le bisphénol A, les phtalates, les parabènes ou certains polluants organiques présents dans l'alimentation, interfère avec le fonctionnement du système hormonal. Ils sont notamment suspectés de favoriser le développement de certains cancers, les malformations congénitales, d'altérer la fertilité, d'induire la puberté précoce…
Une étude publiée par l'UFC-Que choisir en avril attire l'attention sur "l'effet cocktail" de différentes molécules présentes dans les produits d'hygiène et soupçonnées d'être des perturbateurs endocriniens. Car nous utilisons, chaque matin, savon, shampooing, dentifrice, déodorant, crème pour le visage et parfois aussi pour le corps, et, pour certaines femmes, du maquillage. L'association de consommateurs dénonce ainsi une "overdose quotidienne" : "Nous avons trouvé des teneurs acceptables sur les dentifrices et les déodorants pris isolément, mais qui atteignent un niveau de risque significatif pour une utilisation combinant les deux produits." Et le CSSC (en anglais) de renchérir : "L'utilisation de produits qui ne sont pas destinés à être rincés, comme les laits corporels ou les bains de bouche, n'est pas sûre".
D'altérer la fonction musculaire, notamment celle du cœur. En 2012, des toxicologues californiens ont publié le résultat d'une étude (en anglais) menée sur des souris et des poissons exposés à des doses de triclosan similaires à celles rencontrées par l'homme dans sa vie quotidienne. Conclusion : la capacité des poissons à nager est sensiblement réduite après sept jours d'exposition, et les muscles des souris se contractent plus difficilement. Les chercheurs ont en outre observé, pour ces dernières, une réduction de leur fonction cardiaque de 25% et une réduction de 18% de la force de préhension. Des effets inquiétants pour les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque, signalent les toxicologues.
De rendre résistantes certaines bactéries. Comme pour tous les biocides, certaines bactéries exposées au triclosan (même à faibles doses) auraient, selon plusieurs études, développé des mécanismes de défense. C'est le même principe qu'avec les antibiotiques que l'on prend pour se soigner – d'où le fameux slogan "les antibiotiques, c'est pas automatique". Par ailleurs, abuser des savons antibactériens quand cela n'est pas nécessaire, c'est aussi affaiblir son système immunitaire.
Même si "la capacité du triclosan à provoquer une résistance aux antibiotiques n'a été observée qu'en laboratoire", nuance le CSSC dans son avis, son utilisation et son rejet dans l'environnement pourraient constituer un risque, car il "contribue à la sélection de bactéries plus résistantes". D'autant que cette résistance pourrait "en principe être transféré[e] à d'autres bactéries" et que "donner lieu à une résistance à d'autres biocides ou antibiotiques". Mais, conclut le Comité, "à ce jour, rien ne prouve que l'utilisation du triclosan entraîne une augmentation de la résistance aux antibiotiques".
D'augmenter les risques d'allergies. En 2012, des chercheurs norvégiens (en anglais) ont constaté que la sensibilité aux allergènes respiratoires et le risque de développer un rhume des foins augmentait de manière significative avec le niveau de triclosan mesuré chez des enfants. Même conclusion dans une autre étude (en anglais), qui révèle par ailleurs une association entre triclosan et allergies alimentaires, présentées davantage par les sujets mâles. Car en modifiant la flore bactérienne de la peau, de la bouche et des intestins, le triclosan supprime les "bonnes" bactéries et altère le bon fonctionnement du système immunitaire, indiquent les scientifiques norvégiens.
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