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Des affaissements de terrain dans le plus ancien centre de stockage de déchets nucléaires de France créent l'inquiétude

Bien qu'étant en réparation, le site de Digulleville fait face à des affaissements "de 30 cm en 1999 puis de 20 cm en 10 ans sur une surface équivalente à une cage de football, à comparer à la surface du centre, soit 12 terrains de foot", selon son directeur, M.Vervialle.Le site fermé depuis 15 ans contient du plutonium hautement radioactif.
Article rédigé par France2.fr
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Centre de stockage de déchets nucléaires de la Manche en travaux. (AFP/MYCHELE DANIAU)

Bien qu'étant en réparation, le site de Digulleville fait face à des affaissements "de 30 cm en 1999 puis de 20 cm en 10 ans sur une surface équivalente à une cage de football, à comparer à la surface du centre, soit 12 terrains de foot", selon son directeur, M.Vervialle.

Le site fermé depuis 15 ans contient du plutonium hautement radioactif.

Il a fallu attendre que le sol "se stabilise" avant d'entamer début octobre des travaux au Centre de stockage de la Manche (CSM), situé en bordure de l'usine de retraitement d'Areva à La Hague. Travaux qui ont consisté à combler avec des gravillons les cavités
souterraines à l'origine du tassement, a résumé Jean-Pierre Vervialle à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Les travaux doivent se terminer la semaine prochaine sur ce site qui a reçu pendant 25 ans des déchets nucléaires de toute nature et reste surveillé depuis sa fermeture en 1994.

Le chantier doit aussi permettre de vérifier l'état de la couverture bitumineuse qui isole les déchets de la pluie pour empêcher toute contamination de la nappe phréatique.

L'affaissement a été provoqué par les premiers fûts partiellement remplis avec du matériel contaminé comme des vêtements, sans être complètement comblés avec du béton comme c'est la règle aujourd'hui, explique encore M.Vervialle.

L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs s'attend à d'autres "tassements" du même type et prévoit d'y remédier par des travaux similaires.

Plusieurs sonnettes d'alarme
Une stratégie qui fait réagir Christian Kernaonet, l'ancien ingénieur sécurité arrivé dans les années 70 au CSM. Pour ce retraité, ancien du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), qui évoque un "emplâtre sur une jambe de bois", il y aura d'autres effondrements "de 1 à 2 mètres de haut sur 80 à 100 mètres de long".

Selon lui, la couverture ne tiendra pas dans ces conditions et la nappe phréatique sera contaminée pour des millénaires à la première pluie. Selon lui, "il faudrait alors interdire au public une zone de 500 à 1.000 hectares". La solution, dit-il, est de ressortir tous les déchets de la tranche 1 et de les reconditionner. Ce qui, pour l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, n'est pas envisageable en raison du mauvais état des fûts.

"Les déchets de la tranche 1 ont été stockés à même la terre, c'est comme une poubelle avec un couvercle en or mais sans fond, contrairement aux tranches 2 et 3, où les déchets sont posés sur des dalles en béton", explique encore l'ingénieur retraité.

L'Association pour le contrôle de la radioactivité de l'Ouest (ACRO), qui siège au Haut comité pour la transparence sur la sécurité nucléaire (HCTISC), va plus loin: selon elle, le centre fuit déjà. David Boilley, le président de l'ACRO, a relevé dans une rivière proche des quantités de tritium (hydrogène actif) qu'il juge "anormales" - contrairement à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs - même si l'eau reste potable.

Pour ce professeur de physique nucléaire à l'université de Caen, la présence de cette matière très mobile annonce l'arrivée d'éléments plus lents mais plus dangereux, comme il le dit dans une étude commandée par Greenpeace. "La gestion du centre du Centre de stockage de la Manche est catastrophique", en déduit l'organisation écologiste qui demande aussi un reconditionnement de toutes les tranches, surtout à cause de la présence de plutonium, hautement radioactif.

Monique Sené, chercheuse au CNRS, membre du HCTISC, préconise quant-à-elle "d'investir dans un robot qui récupère les fûts en cas de problème"... "Ce serait un énorme chantier mais ce serait utile pour les centres de stockage à venir".

Premier centre de stockage construit en France
Le Centre de stockage de la Manche, le premier construit en France, compte 930.000 tonnes de déchets, dont 100 kilos de plutonium hautement radioactif et 24.000 tonnes de plomb, un lourd polluant chimique, selon l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

Situé à Digulleville, dans la Manche, près de l'usine de retraitement d'Areva, ce centre de stockage de déchets nucléaires a été conçu pour accueillir les matières de faible et moyenne activité à vie courte dont la radioactivité est très fortement atténuée au bout de 300 ans. Mais ses 15 hectares de talus recouverts de pelouse contiennent aussi du plutonium (militaire et civil), dont "l'activité est très faible après 200.000 ans" et des polluants chimiques, reçu à une époque où le stockage était moins réglementé.

Près de 530.000 m3 de déchets se sont ainsi accumulés entre 1969 et 1994, date de la fermeture du CSM. Le centre de Solennes, dans l'Aube, a pris le relais pour les seules matières de faible et moyenne activité à vie courte, dans des conditions plus strictes.

A Digulleville, les déchets sont stockés à 6 à 8 mètres sous terre et sur une épaisseur de 15 mètres. Le site baptisé Haut marais ne serait vraisemblablement plus choisi aujourd'hui, au vu de l'expérience acquise, selon la direction.

Entreposés à l'air libre pendant 20 ans, les déchets ont ensuite été abrités sous une couverture bitumeuse construite entre 1991 et 1997. Mais la pluie a laissé des corrosions et l'état dégradé de certains fûts fait craindre qu'on ne puisse les récupérer.

Il existe au total en France deux centres de stockage en exploitation, celui de Solennes et celui de Morvilliers, dans l'Aube, pour les déchets de très faible activité ouvert en 2004. Pour les déchets à vie longue, qui doivent être stockés à 500 mètres de profondeur, un site est expérimenté à Bure, dans la Meuse. Le choix d'un site
définitif doit intervenir en 2015.

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