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On vous explique la plainte pour inaction climatique déposée par Greta Thunberg et 15 autres jeunes contre cinq Etats, dont la France

La militante suédoise Greta Thunberg et 15 autres jeunes de 12 pays ont annoncé lundi lancer un recours en justice contre la France, l'Allemagne, l'Argentine, le Brésil et la Turquie.

Article rédigé par franceinfo
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Seize jeunes militants, dont Greta Thunberg (au premier plan) ont déposé, le 23 septembre 2019, un recours juridique auprès de l'ONU dénonçant l'inaction des Etats face au changement climatique. (KENA BETANCUR / AFP)

Un discours qui fait polémique, des applaudissements qui sonnent creux, et une action en justice. Greta Thunberg et 15 autres jeunes, âgés de 8 à 17 ans et venus de 12 pays, ont annoncé, lundi 23 septembre, en marge du sommet sur le climat à l'ONU, intenter une action en justice contre cinq Etats. Les activistes visent les pays pollueurs suivants : la France, l'Allemagne, l'Argentine, le Brésil et la Turquie. Quel est le protocole utilisé ? Comment des enfants peuvent-ils porter une action en justice ? Pourquoi ces pays plutôt que d'autres ? Franceinfo fait le point sur cette plainte inédite. 

Sur quelle base juridique repose cette plainte ? 

Les 16 activistes dénoncent l'inaction des dirigeants comme "atteinte à la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant". Par cette Convention internationale, signée il y a trente ans à l'ONU, les Etats s'engagent à protéger la santé et les droits des enfants. D'après les jeunes qui ont déposé ce recours, avec l'aide du cabinet international d'avocats Hausfeld et le soutien de l'Unicef, les pays n'ont pas tenu leurs engagements. 

La Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, souvent appelée Convention internationale des droits de l'enfant (Cide), est un traité de droit international adopté à l'unanimité – excepté les Etats-Unis – par l'Assemblée générale de l'ONU le 20 novembre 1989. Elle vise à reconnaître et assurer les droits humains applicables à tous les enfants, en prenant en compte leurs spécificités.

Ce traité comprend tous les types de droits : civils, politiques, économiques, sociaux et éducatifs. A l'inverse des textes précédents, la Convention est juridiquement contraignante pour les Etats qui l'ont ratifiée. En France, elle a même une valeur juridique supérieure aux lois. L'Etat, les collectivités territoriales, les institutions et toutes les personnes physiques sont dans l'obligation de respecter les droits des enfants énoncés. 

La Cide comprend quatre grands principes transversaux : la non-discrimination, le droit à la vie, à la survie et au développement, le droit de l'enfant de donner son opinion et la prise en considération de cet avis, et l'"intérêt supérieur de l'enfant", qui doit primer à chaque fois qu'une décision le concernant est prise. 

Est-ce la première fois que ce protocole est utilisé ?  

Outre sa portée juridique, la Cide pose le cadre d'une société où l'enfant est à la fois sujet de droits (à l'éducation, à la protection) et individu qui "exerce progressivement ses libertés". C'est pourquoi, au fil du temps, trois protocoles facultatifs – que les Etats signataires sont libres de ratifier ou non –, ont complété la Convention. Le premier oblige à la protection des enfants impliqués dans les conflits armés, le deuxième interdit la vente, la traite, la prostitution et la pédopornographie impliquant des enfants, le troisième ouvre la voie à la possibilité, pour les enfants, d'exercer un recours auprès d'une instance internationale en cas de violation de leurs droits qui ne serait pas résolue par les recours internes à chaque Etat.

Ce dernier protocole, ratifié en 2011 et en vigueur depuis 2014, doit en théorie renforcer l'effectivité de la Convention, offrant aux enfants un mécanisme de recours international en cas de violation de leurs droits non résolue en interne. Si un enfant estime qu'un de ses droits fondamentaux n'a pas été respecté, il peut donc déposer plainte devant un comité spécial, composé de 18 experts des droits de l'enfant indépendants.

Or, concernant le changement climatique, "chacun [des enfants] a vu ses droits violés et reniés. Nos avenirs sont en train d'être détruits", a justifié Alexandria Villasenor, militante écologiste américaine qui compte parmi les 16 signataires de la plainte

Pourquoi ces cinq pays sont-ils visés ? 

Tous les Etats ne peuvent pas être soumis à ce protocole juridique. Il faut d'abord que les pays soient signataires de la Cide : ce premier critère exclut automatiquement les Etats-Unis. Ensuite, pour pouvoir déposer une plainte contre un pays, il faut qu'il ait ratifié le protocole optionnel de 2011. Or, sur l'ensemble des pays reconnus par l'ONU, seuls 45 l'ont fait. Dans ces 45, on ne retrouve ni l'Inde, ni la Chine, ni la Russie, qui comptent, avec l'UE, parmi les plus gros pollueurs du monde. 

Le choix s'est donc porté sur les pays influents au sein du G20. Ont donc été épinglés la France, l'Allemagne, l'Argentine, le Brésil et la Turquie. "Ces pays sont parmi les plus polluants et accélèrent le réchauffement climatique. Aucun de ces cinq Etats ne fait ce qu'il faudrait pour contenir le réchauffement entre 1,5 et 2 degrés Celsius. Il est toutefois évident que l'ensemble des pays doit travailler ensemble sur ce problème", indique le site dédié à la plainte. 

Par ailleurs, plusieurs conditions doivent être remplies pour que la plainte soit recevable. L'enfant – ou ses représentants – doit avoir porté une première plainte devant une juridiction nationale, ce qui a été fait dans les cinq pays concernés. Si elle n'aboutit pas, il peut alors se tourner vers le comité spécial, dans un délai d'un an après la procédure nationale. La plainte ne peut être anonyme, ni infondée, ni constituer un abus de droit et doit être formulée par écrit.

Sur quoi peut aboutir cette action en justice ? 

Une fois ces conditions réunies, une procédure d'enquête est lancée par le comité. Celui-ci envoie sur place des observateurs, chargés de vérifier les irrégularités dénoncées dans la plainte. Il s'agit d'une procédure confidentielle. 

Sauf que pour mettre en place cette procédure, l'Etat visé par la plainte doit donner son consentement à l'ouverture de l'enquête. Et une fois cette enquête terminée, le comité livre ses recommandations à l'Etat visé par la plainte. Elles ne sont pas contraignantes, mais les pays signataires de la Convention se sont engagés à les prendre en compte. Michael Hausfeld, du cabinet d'avocats éponyme, a indiqué auprès de l'AFP qu'il espérait que ces recommandations soient faites dans les douze prochains mois. 

Emmanuel Macron a réagi depuis New York à cette nouvelle action contre la France, un an après "l'affaire du siècle"Quatre associations avaient décidé d'attaquer l'Etat français en justice pour qu'il respecte ses engagements climatiques. "Toutes les mobilisations de notre jeunesse ou des moins jeunes sont utiles. Mais il faut qu'elles se concentrent maintenant sur ceux qui sont le plus loin, ceux qui essaient de bloquer. Je n'ai pas le sentiment que le gouvernement français ou le gouvernement allemand, aujourd'hui, sont en train de bloquer", a indiqué le chef de l'Etat au micro d'Europe 1. Il en a appelé à "une jeunesse qui nous aide à faire pression sur ceux qui bloquent, en se mobilisant, et qui aussi participe à des actions très concrètes". Il a ensuite argué que les "positions très radicales, c'est de nature à antagoniser nos sociétés", sans toutefois nommer Greta Thunberg. 

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