Naufrage du "Grande America" : quatre questions sur la nappe de fioul qui menace les côtes françaises
Deux semaines après le naufrage du navire italien "Grande America" dans le golfe de Gascogne à 330 km des côtes françaises, que devient la nappe d'hydrocarbures ?
La France va-t-elle finir par être touchée par la nappe de fioul ? Quinze jours après le naufrage du porte-conteneurs Grande America, mardi 12 mars, les opérations de lutte antipollution se poursuivent. Ce navire de commerce italien a sombré dans le golfe de Gascogne, à 330 km au large de La Rochelle, avec à son bord 365 conteneurs – dont 45 contenant des matières dangereuses – et 2 200 tonnes de fioul.
Dans un communiqué de presse publié le 17 mars, le comité de dérive de la préfecture maritime – constitué d'experts en météorologie, en océanographie, et spécialisés dans la lutte contre la pollution maritime – a établi que "les côtes françaises ne seraient pas touchées [par la pollution] durant la semaine à venir". Mais, alors que ce délai est écoulé, les conditions météorologiques pourraient changer la donne.
1Où se trouve actuellement la nappe de fioul ?
Les autorités françaises doivent gérer non pas un, mais deux problèmes. "On a deux nappes de pollution, précise à franceinfo le porte-parole du préfet maritime de l'Atlantique, le capitaine de frégate Riaz Akhoune. L'une est à la verticale de l'épave, à environ 300 km des côtes françaises, et l'autre à la perpendiculaire, qu'on évalue à 260 km des côtes françaises, qui a tendance à dériver vers le sud." D'autant que, comme le précise France Bleu, les vagues ont tendance à fractionner les hydrocarbures échappés de la cuve du cargo italien.
[#GrandeAmerica] Point de situation au 24/03 sur les opérations de lutte anti-pollution dans le golfe de Gascogne : https://t.co/kG3nJ7gBPM @SGMer @MarineNationale @Min_Ecologie pic.twitter.com/qicc62rsnF
— Premar Atlantique (@premaratlant) 24 mars 2019
Au moment de son naufrage, le navire transportait 1 050 tonnes de matières répertoriées par le Code maritime international des matières dangereuses : 85 tonnes d'hydrogénosulfure de sodium, utilisé notamment dans l'industrie du cuir, 62 tonnes de résine, 16 tonnes de substitut de térébenthine (White Spirit), 720 tonnes d'acide chlorhydrique, 25 tonnes de fongicides ou 9 tonnes d'aérosol. Parmi les matières considérées comme non dangereuses, on dénombrait 5 conteneurs de lubrifiants, 2 tonnes de pneus, 18 tonnes d'engrais ou encore 24 conteneurs d'acier. Sur les 2 100 véhicules qui se trouvaient sur le cargo figuraient 190 poids lourds, 22 bus et 64 engins de chantier.
A l'endroit où se trouve désormais l'épave, "une irisation de surface parsemée d'amas de fioul lourd est toujours visible", rapporte la préfecture maritime.
2Les côtes françaises vont-elles être touchées ?
Dès les premiers jours du naufrage, la préfecture maritime avait émis le 14 mars une pré-alerte à la pollution car le comité de dérive craignait que les côtes de Charente-Maritime et de Gironde ne soient touchées. Lundi 25 mars, Riaz Akhoune a livré une analyse différente. "A 72 heures, on a une très forte probabilité que [la pollution] ne touche pas les côtes françaises, a assuré le capitaine de frégate, précisant qu'un comité de dérive au sein de la préfecture faisait "tous les jours une évaluation des zones de pollution".
Il y a également "une bonne probabilité" que la pollution ne touche pas les côtes "à 8, 9 jours". En revanche, "l'arrivée de boulettes de pollution" dans les jours qui suivent n'est pas à exclure, prévient le porte-parole du préfet maritime. "C'est une pollution qu'on s'efforce de traiter en mer pour éviter au maximum qu'elle atteigne les côtes françaises ou celles d'autres pays", ajoute-t-il.
D'où l'importance de ce dispositif antipollution "car tout ce qu'on ramasse en mer, ce sera autant en moins à ramasser sur nos côtes". Une tonne de polluants récupérés en mer, c'est "une dizaine de tonnes de déchets en moins à récupérer", explique Riaz Akhoune. En effet, dans l'eau, le pétrole gonfle, se morcelle et se mélange avec du sable, des cailloux, ce qui "multiplie par 10" la quantité de déchets polluants à traiter une fois sur les côtes.
3Les moyens mis en place sont-ils suffisants ?
Un important dispositif franco-espagnol et européen a été déployé sur les deux zones de lutte antipollution. Neuf navires ont ainsi été mobilisés. "Vous avez des navires affrétés par l'agence européenne, par les Espagnols et ceux de la Marine nationale", énumère le capitaine de frégate.
Ces remorqueurs pompent le fioul dispersé en déployant des barrages. Selon le porte-parole, plusieurs centaines de tonnes d'eau polluée et de fioul lourd ont déjà été récupérées. Par ailleurs, un premier navire, le BSAM Rhône, est attendu au port de La Rochelle, mardi 26 mars dans la soirée. Cette escale permettra au remorqueur d'y débarquer tous les déchets d'hydrocarbures ramassés en mer, ainsi que "le matériel usagé" ayant servi à recueillir ces polluants. Et tout cela sous la responsabilité d'une entreprise mandatée par l'armateur, Séché Urgences Interventions, qui procédera au traitement des déchets.
Jusqu'à présent, le dispositif semble adapté "à la situation que nous rencontrons en mer", estime Riaz Akhoune. D'autant plus que le beau temps, ces derniers jours, a aidé au bon déroulement des opérations antipollution.
Mais depuis dimanche, "les conditions météorologiques sur zone se sont dégradées. Ce qui rend compliqué d'une part les opérations aériennes et d'autre part les conditions d'intervention sur zone", ajoute le capitaine de frégate. Une forte houle agite la mer avec des creux parfois supérieurs à 3 mètres. Ces conditions météo "défavorables" devraient "perdurer durant les 72 prochaines heures", a déclaré la préfecture maritime dans un communiqué, lundi 25 mars.
Du côté du Cedre, centre international spécialisé en pollutions accidentelles des eaux, on estime que "le travail conjoint des différents navires sur zone" est "efficace".
4Quelles sont les conséquences du naufrage ?
Actuellement, seuls deux oiseaux mazoutés à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et Messanges (Landes) ont été découverts. Le résultat des analyses a montré "que le polluant provient du fioul du navire Grande America", ont annoncé les préfectures des Landes et des Pyrénées-Atlantiques dans un communiqué publié samedi 23 mars. Mis à part cela, "on n'a pas encore constaté d'arrivée de pollution sur les côtes françaises", explique le capitaine Riaz Akhoune.
Toutefois, des boulettes de pollution risquent d'échouer prochainement sur les plages. "On fait le maximum pour pouvoir arrêter cette pollution en mer", promet-il. En fin de semaine prochaine, un navire spécialisé, l'Island Pride, affrété par l'armateur du Grande America, Grimaldi Groupe, va procéder à l'inspection de l'épave. Ce bateau déploiera un robot télécommandé pour filmer l'épave à 4 600 m de profondeur. "A partir de là, on verra bien dans quel état est l'épave et on pourra constater s'il y a encore des fuites résiduelles", ajoute le capitaine.
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