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Emmanuel Macron avait-il promis la fin du glyphosate pour 2020, comme l’affirme Yannick Jadot ?

Le député européen EELV a également affirmé, jeudi sur franceinfo, que l'utilisation d'un des herbicides les plus vendus au monde avait augmenté en France.

Article rédigé par Joanna Yakin
Radio France
Publié Mis à jour
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Emmanuel Macron, le 24 juin 2020, à Paris. (LUDOVIC MARIN / POOL)

"Souvenez-vous ! Il y a presque trois ans jour pour jour, le président de la République disait : 'Nous allons interdire le glyphosate. Dans trois ans, il n'y [en] aura plus'," a déclaré Yannick Jadot, jeudi 25 juin sur franceinfo. Le député Europe-Ecologie-Les Verts a également affirmé que l’on a "augmenté l’utilisation du glyphosate dans notre pays".

Emmanuel Macron a bien fait cette promesse. En revanche, il est plus difficile d'estimer si les ventes de glyphosate ont augmenté. La cellule Vrai du Faux vous explique.

Une promesse faite le 27 novembre 2017

Le président de la République a bel et bien promis l'interdiction du glyphosate dans un délai de trois ans. Dans un message publié sur Twitter, le 27 novembre 2017, Emmanuel Macron dit avoir "demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans".

Ce message est posté par Emmanuel Macron dans un contexte bien précis. Ce jour-là, la France vient de perdre une bataille à Bruxelles. Les Etats membres de l’Union européenne ont voté le renouvellement de l’autorisation du glyphosate pour cinq ans, auquel la France était opposée. Le message d’Emmanuel Macron était donc clair : la France allait interdire seule le glyphosate au plus tard d’ici la fin de l’année 2020.

Une promesse enterrée progressivement

Par la suite, le président de la République a édulcoré son message à plusieurs reprises. Le 25 janvier 2018, Emmanuel Macron a précisé ses intentions dans son discours des vœux à l’agriculture : "Nous devons accélérer la transition pour sortir du glyphosate." Il a ensuite ajouté qu'il ne "laisserait jamais une filière, un agriculteur, sans solution concrète" avant de déclarer : "Je ne suis pas là pour dire 'à telle date on arrête' comme un couperet et il n’y a pas de solution." Le 25 février, le président s'est également rendu au Salon de l'agriculture et a commencé à évoquer précisément des exceptions lors d'un échange filmé avec un agriculteur. "Sur le sujet du glyphosate, on le sait, il y a 10, 20% qui n'ont pas de solution, ceux-là on leur demande pas de finir en trois ans", expliquait alors le président.

L'ambiguïté est renforcée par des positions divergentes au sein même du gouvernement. À l’époque, le ministre de l’Ecologie, Nicolas Hulot, a plaidé pour une inscription dans la loi de cette échéance des trois ans, mais le ministre de l’Agriculture s'y est opposé. "Il n’est pas nécessaire que ce soit dans la loi dès lors que nous prenons des engagements", a argumenté Stéphane Travert, le 25 mai 2018 sur franceinfo. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 28 au 29 mai 2018 l’Assemblée nationale a rejeté des amendements visant à inscrire la sortie du glyphosate en 2021 dans la loi agriculture et alimentation. Cet amendement était d’ailleurs porté par Matthieu Orphelin, député LREM proche de Nicolas Hulot.

C'est Emmanuel Macron qui enterre finalement sa promesse dans un débat-citoyen organisé à Bourg-de-Péage en janvier 2019. "Est-ce que l'on peut dire qu'il n'y aura plus du tout de glyphosate dans trois ans, impossible. Je vais pas vous mentir, c'est pas vrai", lance alors le président enterrant définitivement sa promesse de 2017.

Vente record de glyphosate en 2018, baisse en 2019

Le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, a révélé vendredi 26 juin sur franceinfo les derniers chiffres de ventes de glyphosate. "Entre 2019 et 2018, la baisse des produits phytosanitaires et du glyphosate c'est moins 35%", a affirmé le ministreLe ministère précise ces chiffres en expliquant qu'en 2019 "on a réduit par rapport à 2018 : de -35% les quantités totales de glyphosate ; -40% sur tous les produits phytosanitaires ; -50% sur les produits les plus dangereux (CMR)". "Certaines mauvaises langues pourraient dire que les chiffres ne pouvaient que diminuer suite à l'augmentation de 2019 (+25%)", avance le ministère "mais les chiffres sont également en baisse par rapport à 2017 et la tendance globale est à la baisse : -8% en moyenne triennale sur le glyphosate", argumente-t-il.

Yannick Jadot, invité jeudi 25 juin sur franceinfo ne pouvait avoir connaissance de ces dernières données. Les derniers chiffres rendus publics par le Commissariat général au développement durable (rattaché au ministère de la Transition écologique et solidaire) s’arrêtent en 2018 et lui donnaient en partie raison. Ils montrent que les ventes de glyphosate ont effectivement progressé en France de 2009 à 2018. D'après ces chiffres, l’année 2018 constitue bien à elle seule un record avec 9 723 tonnes de glyphosate vendues cette année-là. Ce record s'était d’autant plus fait remarquer qu'une légère baisse des ventes de glyphosate était enclenchée depuis 2015.

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