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Néonicotinoïdes : comment le gouvernement se retrouve à devoir faire marche arrière

Le gouvernement renonce à la troisième campagne de néonicotinoïdes pour les betteraves à sucre. Le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a annoncé lundi. Il se plie à la décision de la Cour de justice européenne qui a condamné cet usage la semaine dernière dans une affaire qui concernait la Belgique.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un champ de betteraves atteintes de jaunisse dans l'Oise (photo d'illustration). (DOMINIQUE TOUCHART / MAXPPP)

Malgré une interdiction européenne, la France avait accordé des dérogations pour continuer à utiliser des néonicotinoïdes dans les cultures de betterave à sucre touchées par les pucerons. Mais elle renonce finalement à poursuivre alors qu'un projet de décret était soumis à consultation. Les producteurs de betteraves à sucre ne pourront donc plus utiliser de néonicotinoïdes.

>> La France renonce aux néonicotinoïdes, insecticides utilisés pour les semences de betterave, déclare le ministre de l'Agriculture

Dans les faits, c’est un peu le dossier des changements de pieds cette affaire des néonicotinoïdes. Elle démarre en 2018 : la France communique sur le fait qu’elle est précurseur dans la protection des abeilles. Elle vient d’interdire les néonicotinoïdes. Elle est alignée avec la position européenne pour éliminer cet insecticide considéré comme un tueur de pollinisateurs. Mais deux ans plus tard, les champs de betterave à sucre sont attaqués par des pucerons porteurs du virus de la jaunisse. La production est sérieusement touchée. Le gouvernement décide de revenir sur la politique de protection de la biodiversité. Il fait voter la réintroduction des néonicotinoïdes par dérogation : leur usage est alors interdit à l’échelle de l’Europe.    

Que va-t-il se passer pour les agriculteurs ? 

Depuis, les betteraviers ont pu mener deux campagnes, et la troisième était en préparation. La consultation publique devait se terminer ce mardi 24 janvier 2023, mais la Cour européenne de justice a pris le gouvernement de vitesse. Alors que la cour avait à trancher une situation en Belgique, celle-ci estime que si certaines dérogations peuvent être accordées, elles ne sont pas légales avec le type de semence utilisées en France, c’est-à-dire une semence directement traitée avec l’insecticide.

Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, a reconnu "un coup difficile pour notre stratégie". Mais l’État compte dédommager les producteurs. Le ministre de l’Agriculture a annoncé un dispositif pour couvrir le risque de perte en attendant de trouver des alternatives. Un plan de 20 millions d’euros a été mis sur pied, il y a plus de deux ans. Mais les producteurs de betteraves considèrent qu’il n’est toujours pas porteur de solutions.   

La campagne de semis pour les betteraves va désormais débuter courant mars. Si la fédération des planteurs parle d’un "drame", les opposants aux néonicotinoïdes estiment, eux, que les conditions, cette année, ne justifiaient pas une nouvelle dérogation. Ils avaient ainsi menacé d’aller devant les tribunaux si le gouvernement ne respectait pas la décision de la cour européenne. Jean-Marc Bonmatin, chimiste et toxicologue, chercheur au CNRS avait exprimé début janvier sur franceinfo son incompréhension à la poursuite de l'utilisation des néonicotinoïdes, alors qu'"on a tout ce qu'il faut pour faire différemment".

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