: Vidéo Métabolites de pesticides : une menace sur l'eau du robinet qui déborde les autorités sanitaires
L'eau du robinet est-elle (vraiment) potable ? Au cœur d'un document que consacre "Complément d'enquête" à cette inquiétante question, des substances appelées métabolites. Un peu partout en France, ces molécules issues de la dégradation des pesticides y sont détectées au-delà de la limite de qualité. Comment gérer cette pollution qui pourrait concerner des millions de personnes ? Les autorités sanitaires semblent dépassées, comme le montre cet extrait de "Complément d'enquête".
La France serait-elle débordée par ses pesticides – même ceux dont l'emploi est désormais interdit ? Après avoir été épandus sur les champs, ils se sont infiltrés dans nos sous-sols. Au fil des années, leur dégradation produit de nouvelles molécules, des métabolites. Ces métabolites peuvent contaminer les ressources en eau de nombreuses communes, et même se retrouver dans celle du robinet. Mais faute d'études scientifiques suffisantes, leurs éventuels effets sur la santé sont mal connus.
Un principe de précaution pas toujours appliqué
Que dit la réglementation en la matière ? En cas de doute sur un métabolite, l'ANSES, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, le classe comme "pertinent". Quand un métabolite pertinent dépasse la limite de qualité, fixée à 0,1 microgramme par litre, l'eau est déclarée "non conforme". Mais pour que sa consommation soit interdite, il faut qu'un deuxième seuil soit atteint : la "Valeur sanitaire maximale", ou Vmax. Or pour de nombreuses molécules, il n'est pas possible de la déterminer, par manque de connaissances scientifiques. Dans un tel cas, une eau contenant plus de 0,1 microgramme de métabolite par litre peut être interdite à la consommation. Mais ce principe de précaution est loin d'être toujours appliqué, comme l'a découvert "Complément d'enquête"...
En 2021, 3 307 communes, soit près de 1 sur 10, ont connu au moins une fois un dépassement de la limite de qualité pour les métabolites sans Vmax.
C'est la conclusion à laquelle sont arrivés les journalistes en compilant les résultats de centaines de milliers de contrôles sanitaires de l'eau effectués en 2021. Ils les ont ensuite classés par département, par molécule, et par dépassement constaté.
Du chloridazone desphényl (un métabolite dérivé d'un herbicide utilisé dans la culture de la betterave et interdit depuis 2020) a par exemple été détecté à Merlieux-et-Fouquerolles à 12,46 microgramme par litre, bien au-dessus de la norme. Dans cette commune des Hauts-de-France, si le principe de précaution était strictement respecté, il devrait être interdit de boire l'eau du robinet… Pourtant, sur les panneaux municipaux qui affichent, comme le prévoit la loi, les résultats des contrôles sanitaires, l'eau d'alimentation est déclarée "conforme aux exigences de qualité en vigueur pour l'ensemble des paramètres contrôlés", donc consommable...
Record national à Merlieux-et-Fouquerolles (Hauts-de-France)
Mais quid des pesticides, dont il n'est pas fait mention ? Ils ont bien été testés eux aussi le 13 avril 2021, mais le document qui présente ces résultats n'est, lui, pas visible sur le panneau d’affichage à l’extérieur de la mairie… Ils font notamment apparaître une présence de chloridazone desphényl quantifiée à 12,46 microgramme par litre. Soit 124 fois plus que la limite de qualité fixée à 0,1 microgramme par litre. C'est le record de France…
La consommation de l'eau n'étant pas interdite par les autorités sanitaires, le maire (aujourd'hui décédé) n'aurait pas jugé nécessaire d'en informer la population – ni même ses conseillers municipaux, selon leurs dires. Le maire est responsable de la distribution de l'eau du robinet, mais ce n'est pas lui qui décide d'autoriser ou non sa consommation ; c'est la préfecture. Pourquoi celle de l'Aisne n'a-t-elle pas appliqué le principe de précaution recommandé par la Direction générale de la santé ? A ce moment du tournage, la préfecture a refusé les demandes d'interview de "Complément d'enquête", mais a fait une réponse écrite aux journalistes. Elle souligne que ce métabolite, le chloridazone desphényl n'a été "classé pertinent que faute de données suffisantes, et non en présence d'un risque sanitaire avéré". Et assure avoir mis en place un programme de surveillance avec contrôles renforcés…
Extrait de "L'eau du robinet est-elle (vraiment) potable ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 22 septembre 2022.
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