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Vidéo Pollution dans l'eau du robinet : les autorités sanitaires se sont-elles arrangées avec le principe de précaution ?

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Durée de la vidéo : 4 min
Pesticides dans l'eau du robinet : comment les autorités sanitaires se seraient arrangées avec le principe de précaution (Complément d'enquête / France 2)
Article rédigé par France 2
France Télévisions

Pouvons-nous boire l'eau du robinet en toute sécurité ? Selon les propres estimations de la Direction générale de la santé, si le principe de précaution avait été strictement respecté, près de 10 millions de Français auraient dû en être privés... Dans cet extrait, "Complément d'enquête" révèle comment des autorités sanitaires débordées ont imaginé de nouvelles normes, moins restrictives, pour éviter de devoir interdire sa consommation.

L'eau qui sort du robinet devrait-elle être interdite à la consommation dans une partie des Hauts-de-France ? Dans une centaine de communes réparties sur les cinq départements de la région, les analyses montrent la présence de résidus de pesticides à des taux anormalement élevés. Bien avant que l’Agence régionale de santé n'annonce (mi-septembre 2022) leur mise sous surveillance, Didier Malé en avait fait son combat principal. Ce défenseur de l'environnement traque les communes de l'Oise où la présence de ces résidus, des métabolites de chloridazone, dans l'eau du robinet dépasse un seuil appelé “limite de qualité”.   

Ces métabolites sont dérivés du chloridazone, un herbicide utilisé dans la culture de la betterave jusqu'à son interdiction en 2020. Comme les autres pesticides, une fois épandu, il s'infiltre dans les sols. Avec le temps, il se dégrade en molécules appelées métabolites (ici, le chloridazone desphényl) susceptibles de polluer les nappes phréatiques puis l’eau du robinet. Au-delà de la "limite de qualité", fixée à 0,1 microgramme par litre, l'eau est déclarée "non conforme"... et (dans les cas où un second seuil fixé par les autorités sanitaires, la Vmax, ne peut pas être déterminé) le principe de précaution voudrait qu'elle soit interdite à la consommation. Mais ce n'est pas forcément ce qui se passe. Notamment pour le chloridazone desphényl. D’après les résultats (publics) des analyses, dans cette commune de l'Oise, il est quantifié à 3,62 microgramme par litre, c’est-à-dire 36 fois la valeur de référence. Et l'eau du robinet n'y est pas interdite à la consommation... 

"Politique de l'autruche" ? 

Didier Malé a mis la main sur un courrier signé de la préfecture de l'Oise et de l'Agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France. Courant 2021, il a été envoyé à toutes les communes et à tous les syndicats de distribution d'eau où des dépassements ont été mesurés. C’est tout simplement une nouvelle limite qui y est définie par l’ARS : une "Valeur de gestion provisoire" arrêtée à 44,4 microgramme par litre, largement au-dessus des dépassements constatés lors des contrôles, permettant ainsi de continuer à boire l'eau. Selon Didier Malé, le but de ce courrier serait d'introduire ces valeurs "pour pouvoir continuer à consommer l'eau, malgré les dépassements". Une façon de "gérer la crise", selon lui, avec la "politique de l'autruche".  

"On a la moitié des forages et des réseaux qui sont contaminés. Vous imaginez que si on applique stricto sensu la réglementation, on a à peu près la moitié de la population qui n'a plus d'eau potable. C'est du jamais vu !" 

Didier Malé, président du ROSO (Regroupement des organismes de sauvegarde de l'Oise)

à "Complément d'enquête" 

Les Hauts-de-France ne sont pas la seule région concernée par ces dépassements en métabolites, et les autorités ont souvent semblé débordées. Dans un courrier de décembre 2021, le directeur général de la Santé Jérôme Salomon redoutait que le principe de précaution n’aboutisse à une restriction de l’usage de l’eau du robinet, et ce en l’absence d’une menace sanitaire réelle. Un an auparavant, il recommandait pourtant une application stricte du même principe de précaution… Mais entre-temps, ses services ont estimé à 10 millions de Français le nombre de ceux qui pourraient être concernés par une interdiction de consommer l’eau du robinet... Est-ce la raison de ce changement de position ?  

Extrait de "L'eau du robinet est-elle (vraiment) potable ?", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 22 septembre 2022.

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