: Reportage Près de Pau, habitants et défenseurs de l'environnement se mobilisent contre un projet d'usines de biocarburants
Le projet secoue les défenseurs de l'environnement dans le Sud-Ouest. Une start-up française ambitionne de construire trois usines dans le bassin de Lacq, près de Pau, pour produire des biocarburants dont des dizaines de milliers de tonnes de biokérosène pour les avions. L'investissement se chiffre à deux milliards d'euros mais la fabrication nécessite des quantités astronomiques de bois, c'est-à-dire de bois. Les opposants à ce projet gigantesque, qui craignent pour les forêts de la région, se mobilisent depuis plusieurs semaines. Franceinfo s'est rendu au début du mois de mai à Garlin, dans les Pyrénées-Atlantiques, lors d'une des nombreuses réunions publiques organisées par les associations environnementales.
La petite salle est pleine à craquer ce soir-là. Une cinquantaine de personnes sont venues écouter les représentants du collectif "Touche pas à ma forêt pour le climat", 60 associations fédérées contre le projet d'usines à Lacq. Parmi eux Jacques Descargues, un ancien patron de l'Office national des forêts qui enchaîne les réunions publiques depuis plusieurs semaines. "Je suis désolé pour vous, ce que je vais vous dire n’est pas gai. C'est beaucoup d'inquiétude", prévient-il, en alertant notamment sur les quantités de bois nécessaires pour faire tourner l'usine de biokérosène.
"500 000 mètres cubes par an, c'est colossal. Si on prend une comparaison, au Pays basque c'est la totalité des 20 000 hectares de la forêt d'Iraty qui serait absorbée pour alimenter l'usine en 15 ans", illustre Jacques Descargues.
"C'est la destruction de forêts de montagne qui sont extrêmement importantes sur la régulation de l'eau, sur la biodiversité, sur le réchauffement, etc... Donc c'est vraiment aberrant."
Jacques Descargues, ancien patron de l'Office des forêts et opposant au projetà franceinfo
Le constat est sévère, d'autant plus que la forêt souffre déjà et ne pourra pas, selon lui, fournir le bois nécessaire. "La forêt n'est plus capable de s'adapter au réchauffement climatique", déplore l'ancien patron de l'Office national des forêts.
Le discours est suivi attentivement dans la salle, certains prennent même des notes mais tous sont inquiets. "Faire du carburant pour faire voler des avions, c'est anachronique et pas du tout moderne", juge un homme. "On est prêt à se mobiliser s'il le faut, dans la mesure de nos moyens", assure une femme. "Il faudra qu'on soit derrière et qu'on intervienne, bien sûr", appuie une autre habitante.
La start-up à l'origine du projet dit "ne pas raser la forêt"
Mais pour Benoit Decours, cofondateur d'Elise Energy, la start-up à l'origine du projet d'usines, les inquiétudes des habitants sont injustifiées. "Évidemment on ne rase pas la forêt. On vise un approvisionnement en trois tiers : un tiers de biomasse forestière, un tiers de biomasse agricole, les sarments de vigne par exemple, et puis un tiers de déchets de bois, comme les meubles que vous mettez au rebut", jure-t-il.
Benoit Decours défend même un projet industriel "écologique" avec la production, à terme, de 82 000 tonnes de biokérosène par an pour aider à décarboner l'aviation. La start-up espère lancer le chantier d'ici la fin de l'année prochaine, pour une mise en service fin 2028 au mieux.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.