Risque de disparition des oursins : début de la saison de la pêche sous haute vigilance en Méditérannée
Dans la poissonnerie de Pascale, à Carry-le-Rouet, on célèbre l'oursin chaque hiver. Mais cette année, il n’y a pas encore d’oursins sur les étals parce qu’ici, on ne vend pas l’oursin espagnol de Galice pêché en Atlantique. On préfère attendre le cousin local, bien meilleur selon la patronne : "Il est sucré, fort en goût, alors que le Galice est fade. Ça n'a rien à voir ! Pour les commandes de Noël, les gens me demandent, mais je leur dis non : les oursins, s'ils ne sont pas beaux, on les laisse tranquilles ! Il faut s'adapter." La saison de cette pêche traditionnelle emblématique des côtes méditerranéennes s’ouvre cette semaine et pour deux mois et demi dans les Bouches-Du-Rhône et le Var. Une saison raccourcie de moitié cette année dans le sud de la France et en Corse, car la population d’oursins se raréfie. Plusieurs études scientifiques alertent sur "un risque de disparition de l'oursin comestible". De quoi inquiéter les professionnels.
Trois fois moins d'oursins au mètre carré
A Carry-le-Rouet comme ailleurs, il faut donc, comme le dit Pascale, "s'adapter", et les clients devront prendre leur mal en patience. Dans les zones de pêche du secteur, on trouve trois fois moins d'oursins au mètre carré qu'avant. La diminution des oursins, observée depuis 2015, est liée à la baisse de la qualité du plancton, aux changements des vents, des courants, à la hausse de la température de l'eau. Marie Bravo-Monin est directrice du Parc marin de la Côte bleue : "On ne va pas mettre des glaçons dans l'eau, on ne va pas mettre des ventilateurs." Le seul moyen d'agir, selon elle, c'est de limiter la pêche : "On met des règles, si tout le monde les respecte, peut-être qu'on pourra voir cette ressource exploitée encore longtemps."
Alors oui, la saison de la pêche aux oursins a été raccourcie, mais ça ne suffit pas, dénonce William Tillet, patron des pêcheurs de Martigues, oursinier pendant plus de 30 ans. Il défend une approche artisanale. Pour lui, il faut plutôt imposer des quotas aux professionnels qui prélèveront sans limite pendant les oursinades, ce grand banquet d’hiver qui fait la réputation de Carry-le-Rouet : "Aujourd'hui, on est dans un cas de figure où on prend ce qu'il y a à prendre. On ramasse un maximum et puis après, on passe à autre chose. Il n'y a pas que l'oursinier qui prend des risques, il y a toute la chaîne alimentaire de poissons qui risque d'être impactée : on a beaucoup de dorades qui viennent parce qu'elles trouvent cette nourriture." Les dorades se nourrissent de bébés oursins, des bébés que William Tillet ne voit plus quand il soulève les pierres au fond de la mer.
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