Santé : êtes-vous exposé aux risques liés aux épandages de pesticides ?
Les agriculteurs manifestent, mardi 24 juin, à l'appel de la FNSEA, contre une réglementation de l'utilisation de produits phytosanitaires, dont plusieurs études prouvent la toxicité. Francetv info fait le point sur les populations exposées.
Les agriculteurs veulent adresser un "carton jaune" au gouvernement. La FNSEA, premier syndicat agricole, appelle à manifester, mardi 24 juin, contre un amendement sur l'interdiction des épandages de pesticides à moins de 200 mètres de certains lieux publics, notamment les crèches, les écoles et les hôpitaux. La FNSEA dénonce des "contraintes" supplémentaires. Cet amendement doit être discuté lors de l'examen de la loi d'avenir pour l'agriculture en commission parlementaire, la semaine prochaine.
Avec des ventes comprises entre 80 000 et 100 000 tonnes par an depuis une trentaine d’années, la France est l'un des premiers pays dans le monde pour l'utilisation de pesticides, rapporte une étude de l'Inserm de 2013. Les conséquences pour l'homme de ces épandages de produits sont une source d'inquiétude. Ils sont notamment soupçonnés d'augmenter les risques de développer un cancer.
Francetv info revient sur le risque auquel vous pouvez être exposé, suivant l'endroit où vous vivez.
Si vous habitez en milieu urbain
Les parcs, squares, bordures de trottoirs peuvent être traités avec des pesticides. Mais ces pratiques sont en train d'évoluer. La loi du 23 janvier 2014 prévoit l'interdiction totale des produits phytosanitaires, soit les pesticides, dans les espaces verts publics d'ici à 2020.
Ségolène Royal, la ministre de l'Environnement et du Développement durable, a accéléré ce calendrier le 23 mai. Elle incite "les communes et intercommunalités à anticiper d'ici deux ans leur conversion vers le 'zéro phyto, 100 % bio'", rapporte Le Monde. "Il y a un mouvement fort des zones urbaines vers le zéro pesticide, constate François Veillerette, porte-parole de l'ONG Générations futures, joint par francetv info. Des villes comme Nantes, Rennes, Lyon, Beauvais ont donné l'exemple." La menace est donc très faible pour les citadins.
Si vous habitez en zone rurale
Dans une région de grandes cultures. Selon le rapport de l'Inserm de 2013, "quatre cultures (céréales à paille, maïs, colza et vigne) utilisent près de 80 % des quantités de pesticides". Néanmoins, étant donné leurs étendues, les grandes cultures céréalières sont souvent éloignées des principales zones d'habitation, ce qui réduit le risque.
Dans une région viticole ou fruitière. Les dangers sont prégnants pour ces régions, car "les traitements sont très fréquents et la valorisation de la terre est telle, surtout pour le vignoble, que l'on trouve des vignes presque sous les fenêtres", souligne François Veillerette. Or "la vigne, qui représente moins de 3% de la surface agricole utile, consomme environ 20% des pesticides", détaille l'Inserm.
Les fruits sont également des consommateurs importants de produits phytosanitaires. "En Limousin, les vergers de pommes sont souvent situés au milieu des maisons", affirme le porte-parole de Générations futures. Dans les zones de vignobles et d'arbres fruitiers, les périodes les plus propices à l'exposition sont le printemps et le début de l'automne, où sont réalisés la plupart des épandages.
François Veillerette estime que "les plus fortes concentrations de produits phytosanitaires se retrouvent dans un rayon de 100 mètres, même si des études américaines ont montré qu'à plus d'un kilomètre, on constatait encore des traces de pesticides dans des habitations". Le projet d'amendement prévoit une distance de 200 mètres entre des lieux publics et l'épandage. Mais Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a rejeté, sur Europe 1, l'idée d'une telle distance entre les champs et les maisons privées : "Il n’a jamais été question d’interdire les pesticides à 200 mètres des habitations."
Si vous êtes agriculteurs ou professionnels du secteur
Le risque est connu et important. "Les agriculteurs commencent à se rendre compte qu'ils paient un lourd tribut", raconte Pierre-Michel Périnaud pour francetv info. Ce médecin généraliste à Limoges (Haute-Vienne) est à l'initiative d'un texte, signé par 1 200 praticiens, pour alerter contre les effets des produits phytosanitaires, relaie Le Monde (article payant). Certains professionnels tentent de se prémunir de ces dangers par l'achat de matériel de protection (masque, combinaison), mais cela "ne garantit pas une protection absolue", selon l'Inserm.
"Depuis vingt-cinq ans, on remarque une augmentation des maladies chroniques, comme certains cancers du sein, de la prostate, des troubles cognitifs et des troubles de la fertilité. Forcément, on se pose des questions et on se dit qu'en un temps si court, la génétique ne peut pas tout expliquer. Il y a eu une modification chimique de notre environnement et les pesticides en sont un élément", témoigne Pierre-Michel Périnaud.
Si vous êtes une femme enceinte ou si vous avez des enfants
Le risque est particulièrement élevé chez les femmes enceintes et les enfants. La présence de perturbateurs endocriniens dans certains pesticides inquiète les médecins et les associations. Selon l'Inserm, de nombreuses études attestent "d'une augmentation du risque de malformations congénitales chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liée aux usages domestiques de pesticides (malformations cardiaques, du tube neural, hypospadias)". L'Inserm poursuit : "Une diminution du poids de naissance, des atteintes neurodéveloppementales et une augmentation significative du risque de leucémie sont également rapportées."
"Dans le cas des perturbateurs endocriniens, ce n'est pas la dose qui importe, mais le moment de l'exposition. Les périodes de la grossesse à la petite enfance jusqu'aux phases de puberté de l'adolescence sont les plus sensibles", explique Pierre-Michel Périnaud.
François Veillerette, porte-parole de Générations futures, relaie les inquiétudes des riverains exposés à ces pesticides : "Quand commencent les épandages, chaque année on reçoit de très nombreux appels de personnes qui sont obligées de se calfeutrer chez elles, qui rentrent le linge." "Lorsqu'on habite à la campagne, ce n'est pas pour rester enfermé. Certains choisissent même de déménager", se désole-t-il. Les particuliers ont aujourd'hui peu de moyens pour faire face à ces risques, la solution semble donc être du côté des pouvoirs publics.
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