Trois choses à savoir sur l'altitude du Mont-Blanc, qui a perdu plus de trois mètres depuis 2010
La taille de la calotte de glace et de neige située au sommet varie en fonction des vents d'altitude et des précipitations.
Il a retrouvé son altitude historique. Le Mont-Blanc, plus haut sommet d'Europe occidentale, a été mesuré à la mi-septembre à 4 807,81 mètres, a annoncé une équipe de géomètres-experts, mercredi 29 septembre. Cela représente près d'un mètre en moins par rapport à la mesure réalisée en 2017, et plus de trois mètres par rapport à 2010, selon les scientifiques. Comment expliquer ce "rétrécissement" ? Franceinfo fait le point.
L'altitude du Mont-Blanc "oscille continuellement"
Cette altitude de 4 807,81 mètres a été relevée lors d'une mission de trois jours conduite par la chambre départementale des géomètres-experts de Haute-Savoie, mi-septembre. Depuis 2001, ses experts se rendent sur le toit de l'Europe tous les deux ans pour effectuer des relevés réguliers grâce à des capteurs liés à des satellites et "modéliser la calotte glaciaire". L'objectif est "de constituer et de nourrir une banque de données précises et fiables. Celles-ci pourront être exploitées par les experts et surtout transmises aux générations futures", ont expliqué mercredi deux géomètres-experts lors d'un point presse à Saint-Gervais-Les-Bains (Haute-Savoie).
Cette nouvelle mesure correspond finalement à "l'altitude qu'on retrouvait dans nos bouquins [de géographie] à l'école" et qui a été apprise par cœur par des générations d'écoliers français, ont encore plaisanté Jean des Garets et Denis Borel. Une mesure qui remontait elle-même à la fin du XIXe siècle.
Mais en réalité, "depuis la nuit des temps, l'altitude du Mont-Blanc oscille continuellement", ont-ils souligné. La dernière mesure rendue publique, en 2017, faisait état d'une altitude de 4 808,72 mètres, elle-même en baisse par rapport à celles des années précédentes. Celle de 2019, "exceptionnellement basse", à seulement 4 806,03 mètres, n'avait pas été rendue publique. Les géomètres avaient en effet préféré "attendre la mesure de 2021 pour davantage d'explications pédagogiques et scientifiques".
L'altitude la plus élevée (4 810,90 mètres) avait été relevée en 2010, mais était très proche de celle de 2001, selon des chiffres repris par BFMTV (4 810,40 mètres). Dans l'ensemble, les chiffres attestent d'une décrue de la hauteur du sommet d'une "moyenne" de 13 centimètres par an depuis 2001, relèvent les géomètres-experts.
Des variations liées aux précipitations et au vent
Si ces chiffres varient d'une fois sur l'autre, c'est parce que le sommet est "recouvert d'une couche de 'neiges éternelles' qui fonctionne comme une énorme congère". Cette calotte de glace et de neige mesure environ 15 mètres et "varie en fonction des vents d'altitude et des précipitations". "Plus les précipitations sont fortes et le vent faible, et plus la neige s'accumule en altitude", détaillait Sciences et Avenir en 2013.
Le sommet est ainsi plus haut à la fin de l'été car le massif est un "complexe dunaire" où le vent, plus violent en hiver, rabote davantage la neige qu'en été. "Peut-être le Mont-Blanc varie-t-il plus de taille au cours d'une même année que d'une année sur l'autre à la même période", soulignait d'ailleurs le géomètre-expert Philippe Borrel, interrogé par le magazine spécialisé.
De leur côté, les spécialistes effectuent la mesure en "enlevant la dernière couche de neige fraîche sur le sommet, à peu près 40 à 50 centimètres", pour "mesurer le point sommital de la glace", explique Jean des Garets à France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. L'expédition 2021 a bénéficié de conditions météorologiques très favorables, qui ont permis de rester trois heures au sommet et de "relever dans ses moindres recoins" la calotte sommitale. De quoi "atteindre un niveau de précision jamais réalisé jusqu'alors", se sont félicités les géomètres-experts.
Le sommet "rocheux" culmine, pour sa part, "à 4 792 mètres", soulignent les scientifiques. Il continue de s'élèver d'un à trois milimètres par an, "du fait du soulèvement tectonique continu du massif", selon LCI.
L'impact du dérèglement climatique est difficile à évaluer
Si les géomètres-experts ont établi une baisse moyenne de l'altitude du Mont-Blanc depuis 2001, Denis Borel estime qu'il ne faut pas "tirer de conclusion hâtive sur des mesures qui ont été réalisées uniquement depuis les années 2001 avec la précision qu'on vous montre aujourd'hui". "Nous mesurons, nous constatons (...). Nous sommes là en tant que sentinelles de l'environnement", a-t-il ajouté. Il revient désormais aux "climatologues, glaciologues et autres scientifiques d'exploiter toutes les données recueillies et d'avancer toutes les hypothèses pour expliquer ce phénomène".
Difficile, à ce stade, de lier ce "rétrécissement" à la crise climatique. "À cette altitude, le réchauffement de la planète n'a pas d'incidence sur la taille du sommet qui dépend uniquement des chutes de neige et du vent", assure Ludovic Ravanel, géomorphologue au CNRS, interrogé par Le Parisien. Il admet toutefois que la hausse des températures pourraient, à long terme, avoir un impact sur la fonte de la neige sommitale durant l'été.
Les scientifiques ont déjà établi que l'arc alpin est particulièrement affecté par la crise climatique. L'un de ses glaciers les plus emblématiques, la Mer de Glace, a reculé d'environ deux kilomètres depuis 1850. Le glacier, qui se trouve dans le massif du Mont-Blanc, a également perdu 120 mètres d'épaisseur au cours du dernier siècle.
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