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Volcan en Islande : "En France, il reste des réservoirs de magma encore actifs", décrypte un spécialiste

Alors qu'une éruption volcanique a débuté en Islande lundi 18 décembre, la France pourrait-elle connaître une situation similaire ? On a posé la question à Patrick Allard, directeur de recherche CNRS émérite, volcanologue à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP).
Article rédigé par franceinfo, Louis Mondot
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Publié Mis à jour
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Une éruption volcanique au nord de la ville de Grindavik, en Islande, le 18 décembre 2023. (ICELANDIC DEPARTMENT OF CIVIL PR / HANDOUT)

Une éruption volcanique a débuté lundi 18 décembre dans le sud-ouest du pays, près de la capitale, Reykjavik. Des zones de fissures étaient apparues mi-novembre près de la ville de Grindavik, dont les 4 000 habitants avaient été évacués par précaution. Contrairement à l'Islande, "la France n'est pas du tout sur une zone dorsale d'écartement de plaques tectoniques", estime Patrick Allard, directeur de recherche CNRS émérite, volcanologue à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP).

Pour autant, "les risques d'éruption sont moins pris en considération" qu'en Islande ou en Italie, notamment dans les Antilles françaises où deux volcans sont actifs.

franceinfo : Est-ce qu'on peut connaître en France une éruption comme en Islande ?

Patrick Allard : A priori, oui, c'est possible. Mais ce n'est pas le même contexte tectonique. L'Islande est située sur la fameuse dorsale médio-océanique et une chaîne volcanique qui fait 15 000 kilomètres de long, et environ 1 500 mètres de hauteur depuis le fond océanique, à partir de laquelle s'écartent les plaques tectoniques qui ont formé l'océan Atlantique, les plaques d'Amérique du Nord et d'Eurasie. La France n'est pas du tout sur une zone dorsale d'écartement de plaques, mais elle a été affectée dans le passé par des zones de fracturation de l'écorce terrestre, comme le fossé du Rhône ou le fossé du Rhin. Des volcans s'y sont formés, en particulier dans le Massif central, où on a eu un volcan plus grand que l'Etna en Sicile : le Plomb du Cantal. Il est maintenant complètement érodé.

La situation dans le Massif central est-elle comparable à ce qu'il se passe en Islande ?

Le volcanisme le plus récent qui ressemblerait un peu à celui d'Islande, c'est la chaîne des Puys en Auvergne, où la dernière activité date de 6 400 ans. À l'échelle humaine, ça paraît loin, mais à l'échelle géologique, c'est très récent ! Là où il reste des réservoirs de magma encore actifs, c'est surtout sous les monts Dore (Puy-de-Dôme). On voit que dans le passé de cette région, il peut y avoir des phases d'activité et des phases de pause de plusieurs milliers d'années. Le volcanisme dans le Massif central est dans une phase de sommeil voire d'extinction pour la chaîne des Puys, mais pourra reprendre dans quelques dizaines de milliers d'années.

Y a-t-il des risques d'éruption en France métropolitaine ?

Non, pas en France métropolitaine. Mais tout près de chez nous, en Allemagne, il y a un volcan bien actif qui est sur le fossé du Rhin : le Laacher see. Il a fait de grandes éruptions dans le passé et il est toujours alimenté par une source de chaleur et de gaz. Il y a des bulles de CO2 qui remontent à la surface dans un grand lac de cratère.

"Le volcan Laacher see pourra faire de nouvelles éruptions et posera un jour des problèmes à l'Europe entière."

Patrick Allard, volcanologue

à franceinfo

Les volcans, c'est comme des éléphants, ça a plutôt tendance à dormir et ça fait éruption de temps en temps. Un volcan peut dormir 700 ans comme le Pinatubo, aux Philippines, et puis se réveiller en 1991 pour faire une éruption cataclysmique.

On a aussi des volcans qu'on connaît bien, notamment en Outre-mer...

Oui, on a un volcan parmi les plus actifs au monde : le piton de la Fournaise, à La Réunion, qui fait deux ou trois éruptions par an en moyenne dans les dernières décennies. Celui-là génère alors de grandes coulées de laves avec des éruptions pas très explosives. Il a un comportement assez récurrent donc il est très prévisible. Toutes ses éruptions depuis 15 ans ont été prévues à l'avance. En revanche, ce n'est pas le cas des volcans des Antilles, comme la montagne Pelée en Martinique et la Soufrière en Guadeloupe. Les deux sont actifs, mais en sommeil actuellement. Ils ont un magma plus visqueux et riche en gaz. Ils font de grandes explosions ou des "nuées ardentes", ces espèces de nuages incandescents qui peuvent dévaler les pentes à plus de 200 km/h et tout brûler sur leur passage. La difficulté, c'est de bien prévoir l'évacuation des populations à temps.

Est-ce qu'on est assez préparés en cas d'éruption ?

On a des plans Orsec, de gestion de crise qui sont toujours en discussion entre nous, volcanologues, et les ministères de l'Intérieur et de la Transition écologique. Mais en France, les risques sont moins pris en considération qu'en Italie, ce qui se comprend, car les Italiens ont de grands volcans chez eux. En France, ils semblent assez lointains. Il y a des réunions régulières, notamment avec les préfets pour améliorer les plans d'évacuation en cas d'alerte.

Nos sociétés et nos autorités en général sont toujours réticentes à anticiper les risques.

Patrick Allard, volcanologue

à franceinfo

Pour les inondations, on est assez bien organisés, les autorités savent faire. Pour les éruptions volcaniques, les autorités sont parfaitement organisées à La Réunion. Mais aux Antilles, c'est plus compliqué, les volcans de la montagne Pelée et de la Soufrière n'ayant pas fait éruption depuis longtemps, il n'y a pas les moyens ou l'attention qu'il faudrait.

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