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Quatre raisons de vous intéresser aux élections générales en Espagne

Les Espagnols sont appelés aux urnes, dimanche, pour élire leur nouveau Parlement. Un scrutin indécis qui promet de nombreux changements dans la vie politique du pays.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Les chefs de Ciudadanos, Albert Rivera (gauche), du PSOE, Pedro Sanchez (centre) et de Podemos, Pablo Iglesias (droite), lors d'un débat à Boadilla del Monte (Espagne), le 30 novembre 2015. (JAVIER SORIANO / AFP)

Un scrutin imprévisible. Les 34,5 millions d'électeurs espagnols sont appelés aux urnes, dimanche 20 décembre, pour élire les 350 membres du Congrès des députés et 208 membres du Sénat. Mais les observateurs ont bien du mal à prédire les résultats du vote. "Il y a quatre ans, on connaissait le résultat un an à l'avance. Là, à deux jours du scrutin, un électeur sur quatre n'a rien décidé", s'étonne le directeur de l'institut de sondages Metroscopia, José Pablo Ferrándiz, vendredi 17 décembre. Or l'élection du Congrès est cruciale car ce sont les députés qui désignent le président du gouvernement.  

Alors que les Espagnols déposent leurs premiers bulletins dans les urnes, francetv info vous donne quatre raisons de vous intéresser à ces élections législatives, au-delà du suspense des résultats. 

1Parce que deux petits partis vont tenter de tout rafler

Les élections législatives du 20 décembre s'annoncent les plus ouvertes depuis le retour à la démocratie en Espagne, en 1975. Jusqu'ici, deux grandes formations alternaient à la tête du pays : le Parti populaire (PP), conservateur, et le Parti socialiste (PSOE).

Mais l'émergence de deux partis populistes, Ciudadanos et Podemos, a bouleversé le paysage politique espagnol. Les conservateurs et les socialistes ne bénéficient plus désormais que d'une maigre avance dans les sondages. Quelque 25% des électeurs étaient en outre encore indécis, mercredi 16 décembre, selon El Paìs (en espagnol).

Pour la candidate de Podemos Tania Sanchez, l'origine des deux partis émergents qui se dressent aujourd'hui face au PP et au PSOE est évidente. "Si le [mouvement des 'indignés'] a été un séisme, la naissance de Podemos et l’expansion de Ciudadanos en sont les répliques", explique-t-elle au Monde.

Podemos a été créé en 2014 par Pablo Iglesias. En quelques mois, le parti de la gauche alternative a réalisé une percée inattendue : après avoir obtenu les mairies de Madrid et Barcelone, en mai, Podemos arrive en quatrième position dans les sondages sur les élections législatives. Il faut dire que le parti séduit les Espagnols laissés exsangues par la crise et la politique d'austérité du gouvernement. "Nos objectifs sont toujours les mêmes : la démocratisation de l’Etat, le renforcement du secteur public, la redistribution des richesses et l’éradication de la pauvreté, détaille Pablo Bustinduy, un des candidats de Podemos, dans Le Monde. La différence est que nous sommes passés d’un programme politique à un programme de gouvernement."

Le parti régional catalan Ciudadanos s'est, lui, lancé dans la politique nationale fin 2013. En proposant un programme centriste, mêlant des mesures économiques libérales et des réformes sociales de gauche, la formation d'Albert Rivera a réussi en seulement deux ans à devenir la troisième force politique d'Espagne, rappelle Le Figaro

Comme Podemos, Ciudadanos espère aujourd'hui devenir un "faiseur de roi".  "Si Albert Rivera n'est pas Premier ministre, Ciudadanos ne participera au gouvernement de personne", promet Juan Carlos Girota, un des candidats du parti, à El Mundo (en espagnol).

2Parce que les vieux partis sont plombés par la corruption

Les Espagnols ont délaissé les partis traditionnels depuis le mouvement des "indignés", en 2011. En cause, la cure d'austérité mise en place par les gouvernements socialiste puis conservateur, pour tenter d'endiguer la crise économique et le taux de chômage dépassant les 25%. Les scandales de fraude et de corruption qui ont éclaboussé le PSOE, le patronat, les syndicats, les entreprises, les banques et jusqu'à la sœur cadette du roi Felipe VI ont eux aussi refroidi les Espagnols, rappelle Le Parisien.

"L'idée de la majorité absolue [au Parlement] a disparu, estime Xosé Luis Barreiro Rivas, professeur de sciences politiques à l'université de Saint-Jacques-de-Compostelle, interrogé par CNN (en espagnol). Nous aurons un Parlement plus influent, plus mobile, et il faudra faire en sorte qu'il soit également stable."

"C'est un changement comme nous n'en avons jamais connu parce que nous sortons d'une crise politique, économique et institutionnelle comme nous n'en avions jamais connu, avec des scandales de corruption depuis la monarchie jusqu'aux mairies de villages", abonde Pablo Simon, professeur de sciences politiques à l'université Carlos III de Madrid, cité par BFMTV. Un changement qui signe la fin du bipartisme espagnol.

3Parce qu'il faudra former des alliances impossibles

Aucun de ces quatre partis n'est en position d'obtenir les 176 sièges nécessaires pour gouverner seul. Selon le dernier sondage d'El Mundo (en espagnol), publié lundi 14 décembre, le PP resterait toutefois en tête et remporterait 27,2% des voix. En s'alliant avec Ciudadanos (19,6%), les conservateurs pourraient donc gouverner avec une majorité absolue.

Problème : Albert Rivera, le chef des centristes, a déjà annoncé qu'il refuserait toute coalition avec le PP ou le PSOE, rappelle Le Monde. S'il ne change pas d'avis à l'issue des élections, l'Espagne pourrait être gouvernée par une alliance minoritaire entre les socialistes (20,3%) et Podemos (18,4%).

"Avant les élections municipales et régionales de mai, le PP avait présenté la dispersion des votes comme un risque pour la stabilité institutionnelle et un chaos potentiel, explique Pablo Simon, professeur de sciences politiques à l'université Carlos III, au Monde. Mais les résultats ont démontré que les majorités simples obligent simplement les partis à s’entendre, ce que les Espagnols considèrent comme positif."

Il reste toutefois une dernière hypothèse explosive, évoquée par Le Monde. Si aucun des quatre partis ne parvient à s'accorder sur une coalition, le "blocage [pourrait provoquer] la tenue de nouvelles élections", estime le quotidien.

4Parce que l'indépendance de la Catalogne peut se jouer sur cette élection

Le Parlement de Catalogne a adopté, lundi 9 novembre, une résolution lançant le processus pour créer un "Etat catalan indépendant". Si le texte a été annulé par la Cour constitutionnelle espagnole, la question de l'indépendance de cette région n'est toujours pas résolue. "Une fois qu'un gouvernement sera formé en Espagne, il faudra sans aucun doute parler [pour trouver une solution]", a reconnu le Premier ministre, Mariano Rajoy, jeudi 17 décembre.

Le PP refuse formellement l'indépendance de la Catalogne et considère la souveraineté nationale comme "immuable", rappelle El País (en espagnol). Mais ce n'est pas le cas de tous les partis : les socialistes proposent de voter une réforme de la Constitution, afin de créer un Etat fédéral.

Pablo Iglesias, le leader de Podemos, va encore plus loin. Il a inscrit dans son programme l'organisation d'un référendum d'autodétermination en Catalogne. Résultat : le parti est en tête des sondages dans la région, avec 19,4% des voix, selon El Periódico (en espagnol).

"Certains peuvent considérer Podemos comme un vote stratégique pour faire pression pour un référendum [à l'échelle nationale], souligne Lluis Orriols, politologue à l'université Carlos III de Madrid, interrogé par l'AFP. Surtout ces 'indépendantistes' qui préféreraient une Espagne différente à une Catalogne indépendante." La coalition formée à l'issue des élections législatives aura donc un impact décisif sur l'avenir de la région de Barcelone.

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