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Espagne : pourquoi la Catalogne est à nouveau en ébullition

Moins d'un an après avoir participé à une consultation sur leur avenir, les Catalans sont appelés à élire leur nouveau Parlement régional dimanche. Un scrutin sous tension avec, en filigrane, la possible indépendance de la région.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des partisans de l'indépendance de la Catalogne manifestent dans les rues de Barcelone (Espagne), le 11 septembre 2015. (ALBERT GEA / REUTERS)

Après une consultation – symbolique – sur l'avenir de la région, les indépendantistes reprennent le combat en Catalogne. Les électeurs sont appelés aux urnes, dimanche 27 septembre, officiellement pour renouveler leur Parlement régional. Mais en réalité, l'enjeu du scrutin est bien l'éventuelle sécession de la région. Francetv info vous explique pourquoi cette élection ravive les tensions en Espagne.

Parce que le précédent scrutin n'avait aucune valeur

Le conflit avec Madrid ne date pas d'hier : le sentiment catalan remonte au XIXe siècle, explique Arte. Et depuis 2012, la Catalogne n'a de cesse de réclamer un référendum sur son avenir. Les Catalans ont d'ailleurs voté, pas plus tard qu'en novembre dernier, sur la question. Malgré l'opposition du gouvernement central, plus de 1,8 million d'habitants – soit 80,76% des suffrages exprimés – ont choisi de soutenir l'indépendance. De quoi alimenter la rupture entre Barcelone et Madrid, même si les partisans du maintien de la Catalogne en Espagne ont boycotté le scrutin.

Sauf que voilà, à deux reprises, le Tribunal constitutionnel espagnol a manifesté son opposition au référendum des indépendantistes catalans. Cette consultation n'avait donc aucune valeur légale et n'a eu aucune conséquence immédiate sur les relations entre la Catalogne et  l'Espagne. "Ce n'est ni un référendum, ni une consultation, ni rien qui y  ressemble", martelait à l'époque le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy.

Parce que les indépendantistes sont en tête des sondages

Cette fois-ci, les Catalans sont simplement invités à renouveler leur Parlement régional. Rien à voir, en théorie, avec un vote sur une éventuelle sécession vis-à-vis de l'Espagne, mais le scrutin devrait asseoir la légitimité des indépendantistes dans la région, à en croire les récents sondages. Selon une étude réalisée par El Pais (en espagnol), publiée samedi 19 septembre, ils devraient obtenir de 76 à 78 sièges, de quoi leur offrir une confortable majorité absolue dans un hémicycle de 135 élus. Lors du dernier scrutin, en 2012, les Catalans avaient déjà envoyé 74 élus indépendantistes – gauche et droite confondues – au Parlement, rappelle Le Monde.

A elle seule, la liste indépendantiste "Junts pel sí" ("Ensemble pour le
oui") obtiendrait 41,2% des suffrages. Elle rassemble au sein d'un même mouvement des personnalités opposées par le passé, mais aujourd'hui soudées autour du combat pour l'indépendance catalane, explique Courrier International : des conservateurs, des républicains de gauche, mais aussi de puissantes organisations de la société civile. "L’une des opérations politiques les plus complexes et les plus risquées" de l'histoire, résume le journal La Vanguardia (en espagnol), même si le caractère hétéroclite de cette liste n'est visiblement pas un handicap à son succès dans les urnes.

Parce que les indépendantistes veulent capitaliser sur le scrutin

Les indépendantistes n'hésitent pas à dramatiser la portée du scrutin : c'est "le vote de votre vie", expliquent-ils aux électeurs. "Politiquement, les élections constitueront un plébiscite pour la liberté et la souveraineté de la Catalogne", estimait, début août, Artur Mas, le président sortant de l'exécutif régional. Ce que rejette catégoriquement Madrid. Les Catalans sont simplement appelés à "élire leur Parlement régional, qui à son tour élira le nouveau président, et pas autre chose", selon la porte-parole du gouvernement espagnol.

 

La nostra força és la força de la gent #JuntsPelSí #elvotdelatevavida

Une photo publiée par Junts pel Sí (@juntspelsi) le 24 Sept. 2015 à 13h39 PDT

 

Pourtant, en cas de victoire dimanche, Artus Mas et ses alliés jugent qu'ils auront un mandat pour mener la région de l'autonomie vers l'indépendance, et cela en moins de deux ans. "Si nous avons la majorité des députés et des voix le 27 septembre, le référendum sera déjà fait", estime-t-il, interrogé par l'AFP. Selon lui, le processus serait donc enclenché. Il aboutirait à l'adoption de la Constitution du nouvel Etat catalan, alors soumise à référendum.

"Nous irions évidemment devant le Tribunal constitutionnel et point final, a déjà prévenu le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy. Ce qu'est l'Espagne, ce sont tous les Espagnols qui doivent le décider, et non quelques-uns." Quoi qu'il arrive, le bras de fer entre Barcelone et Madrid devrait donc se poursuivre, et même s'intensifier, si les indépendantistes parviennent à obtenir la majorité absolue.

Parce que la campagne a ravivé les tensions

Face aux risques de sécession de la région, créatrice d'un cinquième de la richesse nationale, les partisans d'une Catalogne espagnole jettent toutes leurs forces dans la campagne. Il n'y a qu'à lire les titres de quelques-unes des dépêches de l'AFP consacrées au scrutin pour se convaincre de l'intensité de la campagne. Les mises en garde s'enchaînent : "Espagne : l'opposition craint 'la ruine' si la Catalogne fait sécession", "En Espagne, les banques s'alarment à l'idée d'une Catalogne indépendante", "Une Catalogne indépendante devrait quitter l'UE, prévient la Commission", "Madrid dit aux Catalans de ne pas 'se jeter du pont'"... Sur internet, "la violence des insultes entre Espagnols et Catalans a atteint un niveau exceptionnel", constate la correspondante du Monde (article payant).

Le FC Barcelone a beau avoir choisi d'être "neutre", même la Liga espagnole est intervenue dans le débat : le célèbre club et les autres équipes de football catalanes ne pourront plus participer à la compétition espagnole en cas de sécession. "La loi du sport est très claire : les seuls compétiteurs non-espagnols qui puissent jouer dans le championnat espagnol sont les clubs andorrans", a expliqué son président, Javier Tebas. Les supporters sont prévenus.

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