Climat, Parlement européen, Brexit... Les cinq sujets qui fâchent entre la France et l'Allemagne
Angela Merkel et Emmanuel Macron ont fait part, mercredi, de leurs divergences et de leurs "confrontations". Franceinfo liste les dossiers qui coincent entre la chancelière allemande et le président français.
La lune de miel est terminée. Le couple franco-allemand traverse une période de turbulences, exacerbée à quelques jours des élections européennes. Au point qu'Angela Merkel et Emmanuel Macron n'hésitent plus à faire état de leurs divergences en public. La chancelière allemande a ainsi admis avoir des "confrontations" avec le président français, ajoutant qu'"il y a des différences de mentalité" entre eux, dans une interview publiée mercredi 15 mai par plusieurs quotidiens européens, dont le Süddeutsche Zeitung et Le Monde. Le chef d'Etat français avait aussi concédé, fin avril, avoir des désaccords avec l'Allemagne sur un certain nombre de sujets et revendiqué la nécessité d'affirmer "des positions françaises". Franceinfo fait le point sur les dossiers qui coincent entre les deux pays.
1Le siège du Parlement européen à Strasbourg
C'est la dauphine d'Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer, la nouvelle présidente du parti conservateur allemand CDU, qui a mis le feu aux poudres sur ce sujet. En mars, Annegret Kramp-Karrenbauer a plaidé pour que le siège du Parlement européen, actuellement situé à Strasbourg, soit transféré à Bruxelles.
La question des deux hémicycles du Parlement européen – l'un à Strasbourg, l'autre à Bruxelles – fait l'objet d'une polémique récurrente. Dans les faits, les actuels 751 eurodéputés ne viennent dans la capitale alsacienne que quatre jours par mois pour les sessions plénières, tandis que le reste du travail parlementaire a lieu à Bruxelles.
Cette proposition a eu de quoi agacer Paris. Dans un courrier au président de la région Grand-Est, Emmanuel Macron a assuré que le statut de Strasbourg comme capitale européenne était "intangible et non négociable".
2La présence européenne au Conseil de sécurité de l'ONU
Autre projet conflictuel : la création d'un siège européen au Conseil de sécurité de l'ONU – l'Allemagne ne faisant pas partie des membres permanents. "Je pense qu'il s'agit d'un très bon concept pour l'avenir", a déclaré la chancelière allemande à Berlin le 11 mars. Ce siège a vocation "à réunir les voix européennes au Conseil de sécurité de l'ONU", a fait valoir Angela Merkel.
Le même jour, Nathalie Loiseau, alors ministre des Affaires européennes et aujourd'hui tête de liste LREM aux élections européennes, a martelé devant une délégation de députés allemands présente à l'Assemblée nationale : "Non, nous ne partagerons pas notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, ni avec l'Allemagne, ni avec quiconque !"
Non, nous ne partagerons pas notre siège de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, ni avec l'Allemagne, ni avec quiconque ! Et non il n'est pas question d'abandonner le siège du Parlement européen à Strasbourg ! pic.twitter.com/YrXBsO1tIH
— Nathalie Loiseau (@NathalieLoiseau) 11 mars 2019
Depuis, la CDU a expliqué auprès de CheckNews ne pas souhaiter que le siège permanent de la France devienne celui de l'Union européenne : le modèle proposé est celui d'avoir "un siège pour la France, un pour le Royaume-Uni et un pour l'UE", a clarifié Nico Lange, un conseiller d'Annegret Kramp-Karrenbauer.
3Le report du Brexit
La France et l'Allemagne ont laissé paraître, pour la première fois, leurs divergences sur cet épineux dossier lors du Conseil européen exceptionnel du 10 avril. De nombreux dirigeants européens, dont l'Allemagne, soutenaient un report jusqu'à la fin de l'année ou mars 2020, un délai beaucoup trop long aux yeux de Paris. Emmanuel Macron s'est lui positionné en faveur d'une extension courte, jusqu'au 30 juin tout au plus.
Finalement, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont décidé de reporter le Brexit au 31 octobre, offrant à la Première ministre britannique Theresa May un délai plus long qu'elle ne le demandait pour résoudre l'impasse actuelle sur l'accord de retrait. Mais ces tensions dans la gestion du Brexit marquent "une étape supplémentaire dans le développement d'une certaine défiance dans les relations bilatérales", analyse le chercheur Rémi Bourgeot sur le site de l'Institut de relations internationales et stratégiques.
4Les relations commerciales avec les Etats-Unis
Déjà isolée sur la question du Brexit, la France a de nouveau fait cavalier seul quelques jours plus tard en votant, le 15 avril, contre l'ouverture de négociations entre l'Union européenne et les Etats-Unis pour éviter une guerre commerciale avec Washington. Emmanuel Macron a refusé de négocier un accord commercial avec un pays qui a décidé, en juin 2017, de quitter l'accord sur le climat. Mais l'opposition française a été sans effet, si ce n'est symbolique, car les décisions en matière commerciale se prennent dans l'UE à la majorité qualifiée, et celle-ci était déjà acquise.
5Les ventes d'armes à l'Arabie saoudite
Depuis l'assassinat en octobre 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, l'Allemagne a imposé un gel sur les exportations d'armes, y compris les ventes déjà approuvées, vers l'Arabie saoudite. Ce gel, déjà prolongé plusieurs fois, est en vigueur au moins jusqu'au 30 septembre. Cette décision a envenimé ces derniers mois les relations entre Berlin, Paris et Londres, Français et Britanniques faisant pression pour une levée du moratoire. Notamment parce que des systèmes d'armements franco-britanniques sont concernés par ce gel en raison de la présence de composants allemands.
Dans un article (en allemand) publié en mars sur le site de l'Institut fédéral des hautes études de sécurité allemand, l'ambassadrice de France en Allemagne, Anne-Marie Descôtes, n'a pas hésité à critiquer le caractère "imprévisible" de la politique allemande d'exportations d'armes. La ministre des Armées Florence Parly a aussi tâclé l'Allemagne, sans la citer, après les révélations de médias selon lesquelles l'industriel Rheinmetall continuerait à livrer des armes à Ryad via ses filiales en Italie et en Afrique du Sud. "J'entends certes dans certaines capitales les protestations de rigueur de vertus offusquées lorsqu'il s'agit des exportations françaises, mais j'observe que les mêmes responsables ignorent volontiers ce que font les filiales ou les joint ventures de leurs champions nationaux de l'armement", s'était-elle agacée lors d'une audition parlementaire.
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