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Dépouille de Priebke: l'Allemagne et les anciens criminels nazis

Comment l’Allemagne a-t-elle réagi à la mort, à l’âge de 100 ans, de l’ancien criminel SS Erich Priebke, le 11 octobre 2013 à Rome, et à la polémique sur ses funérailles? Celui-ci, qui n’a jamais renié ses idées, avait été condamné en 1996 pour le massacre de 335 civils tués en 1944 dans la capitale italienne. Le commentaire d’Arnaud Boutet, le correspondant de France 2 à Berlin.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
L'ancien capitaine SS Erich Priebke entouré par des carabiniers italiens au tribunal militaire de Rome le 1-8-1996. (Reuters - Paolo Cocco)
Comment les Allemands ont-ils réagi à l’annonce de la mort d’Erich Priebke ?
On n’a pas vu beaucoup de réactions. Dans la presse, il y a eu des articles racontant sa vie et rappelant qu’il avait du sang sur les mains. Mais il n’y a pas eu d’éditoriaux demandant aux Allemands de battre leur coulpe.

De leur côté, les autorités de Berlin ont fait valoir que Priebke étant un citoyen allemand, on ne pouvait pas lui interdire de se faire enterrer dans son pays. Mais elles n’en feront pas plus. Pour elles, il s’agit d’une affaire privée et elles n’interviendront pas. Dans le même temps, la famille, s’il en a une, ne s’est pas manifestée.
 
Sera-t-il finalement inhumé en Allemagne ?
Pour l’instant, personne ne sait où il le sera. Les Italiens sont très gênés. L’Eglise catholique refuse que Priebke soit enterré religieusement. L’Argentine, où il avait trouvé refuge, n’en veut pas.
 
Mais la communauté juive de Rome a proposé qu’il soit enterré dans sa ville natale à Hennigsdorf, dans le Land de Brandebourg, à une trentaine de kilomètres au nord de Berlin, dans l’ancienne RDA. Mais la commune refuse. A ses yeux, c’est impossible dans la mesure où s’il y est né, Erich Priebke n’y a pas vécu.

Elle craint surtout des troubles à l’ordre public et que des pèlerinages soient organisés sur son territoire. Comme cela a été le cas pour la tombe de Rudolf Hess, l’ancien bras droit d’Hitler, à Wunsiedel en Bavière. C’est un vrai problème en Brandebourg, région d’Allemagne de l’Est où les néo-nazis sont assez nombreux. En 2012, une cinquantaine d’entre eux avaient organisé une marche aux flambeaux à Hennigsdorf pour célébrer les 99 ans de l’ancien SS. La personnalité de ce dernier, qui n’a jamais renié ses convictions, plaît aux jusqu’au-boutistes.

Manifestation de néo-nazis brandissant une banderole sur laquelle on peut lire «Nous nous souvernons de Rudolf Hess !» à Wunsiedel (Bavière). L'ancien bras droit reposait dans cette localité avant que sa tombe ne soit détruite. (Reuters - STR New)

Donc, pour l’instant, on ne sait absolument pas où auront lieu les funérailles.

Comment les crimes nazis en général sont-ils perçus aujourd’hui par l’opinion allemande ? Est-ce toujours un tabou ?
Les Allemands se sentent de moins en moins concernés. Il faut dire qu’aujourd’hui, la plupart d’entre eux sont nés après la guerre et la génération qui l’a connue est en train de disparaître.
 
On pourrait penser qu’ils sont indifférents. Ce n’est pas du tout le cas. L’opinion allemande soutient les arrestations et les procès d’individus très âgés, comme John Demjanjuk, un ancien garde du camp de Sobibor (Pologne) mort en 2012. Pour la première fois, on ne poursuit plus seulement les auteurs de la programmation des crimes, mais aussi ceux qui y ont joué un rôle subalterne. Il s’agit de les entendre avant qu’ils meurent.
 
Autre fait nouveau : la justice s’autosaisit alors qu’avant, les juges traînaient des pieds. Il y a une volonté de rattraper le temps perdu : elle étudie ainsi une cinquantaine de cas. De son côté, le centre Simon Wiesenthal, qui pourchasse les anciens nazis, a lancé en juillet 2013 une campagne pour traquer les derniers criminels de cette époque. Son titre : «Spät, aber nicht zu spät» («C’est tard, mais pas trop tard»).

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