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La mort de Silvio Berlusconi marque "la fin d'une époque" de l'unité des droites italiennes, analyse un éditorialiste italien

La mort de l'ancien chef de gouvernement fait entrer la politique italienne dans "une phase totalement inconnue", a affirmé Massimo Nava sur franceinfo ce lundi.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Silvio Berlusconi, homme politique mais aussi homme de médias, comme ici en février 1992, lorsqu'il annonce reprendre la chaîne de télévision française "La cinq". (MICHEL GANGNE / AFP)

Avec la mort de Silvio Berlusconi à l'âge de 86 ans, c'est "la fin d'une époque, la fin d'un rêve sans réalisation" de l'unité des droites italiennes, analyse Massimo Nava, éditorialiste au Corriere Della Sera"Silvio Berlusconi a cultivé dès le début de sa carrière politique l'unité de la droite modérée. C'est un vide qui se crée aujourd'hui", estime celui qui officie dans les colonnes du quotidien italien qui a annoncé en premier la mort du Cavaliere (article en italien), lundi 12 juin.

"Aujourd'hui le leader de la droite, c'est Giorgia Meloni qui vient de l'extrême droite. On est dans le début d'une phase totalement inconnue", ajoute l'éditorialiste du journal italien. "Silvio Berlusconi était le grand manipulateur de la vie politique italienne, et c'est le grand patron de médias, ex-patron de football de l'AC Milan".

"Il était patron de parti surtout, jusqu'au dernier jour dans la maladie."

Massimo Nava

sur franceinfo

Celui qui a dirigé l'Italie pendant neuf ans est mort des suites d'une leucémie à l'hôpital San Raffaele de Milan, où il a séjourné plusieurs fois. Massimo Nava rappelle qu'encore tout récemment, "alors que le Cavaliere a passé 45 jours à l'hôpital, tous les leaders des partis sont allés le voir pour avoir des informations, pour gérer le parti. Parce que la grande erreur de Silvio Berlusconi est de ne pas avoir d'héritage politique".

 Le Cavaliere sans héritier

Aujourd'hui, la question se pose désormais de son héritage politique, confirme aussi sur franceinfo Christophe Bouillaud, professeur de sciences politiques à Sciences Po Grenoble. "Le secret de la longévité politique de Silvio Berlusconi est d'avoir tué politiquement tous les personnages qui dans le centre droit aurait pu lui faire de l'ombre". Ainsi, pour cet universitaire, le Cavaliere "n'a pas d'héritier politique".

"C'est bien le problème du centre droit" italien, ajoute le spécialiste de l'Italie Christophe Bouillaud. "À force d'être sous la direction d'un patriarche qui ne veut absolument pas céder la place, tous les remplaçants ont disparu, n'existent pas ou sont allés voir ailleurs". Exemple avec l'actuelle cheffe du gouvernement qui "à un certain moment de sa carrière, a été promue par Silvio Berlusconi, rappelle le professeur en sciences politiques. Mais Giorgia Meloni (...) a très bien compris dès le départ qu'il ne fallait absolument pas devenir la dauphine de ce personnage qui avait une tendance à tuer tous ses dauphins".

L'autre spécificité de Silvio Berlusconi était sa capacité à revenir régulièrement sur le devant de la scène politique italienne. Un constat qui s'explique par le fait que l'électorat de centre droit "n'avait confiance qu'en Silvio Berlusconi, qu'en le personnage qu'il était", explique Christophe Bouillaud. "Jamais aucun autre personnage n'a réussi à développer chez ses électeurs une loyauté similaire". Ainsi, analyse l'universitaire, "le secret de sa longévité c'est qu'en fait il était propriétaire en quelque sorte d'un paquet d'électeurs qui diminue au fil des années mais qui était son groupe d'électeurs à lui".

L'extrême droite peut "le remercier"

"L'extrême droite peut remercier chaleureusement l'action de Berlusconi", ajoute sur franceinfo Sandro Gozi, eurodéputé italien du groupe Renew. Pour le secrétaire général du Parti démocratique européen (PDE), "c'est lui qui a rendu possible la montée au pouvoir de l'extrême droite aujourd'hui en Italie, il a ouvert la porte à l'extrême droite post-fasciste"

Ceci étant, Sandro Gozi reconnaît au Cavaliere, une capacité de s'adresser à un électorat à qui la gauche a du mal à parler. "Silvio Berlusconi s'est présenté comme un Italien ordinaire, avec les qualités et aussi les faiblesses et les défauts de l'Italien ordinaire", analyse cet opposant politique à l'ancien leader du centre droit italien.

Et "au-delà de mes positions politiques, je crois que c'est quelqu'un qui a transformé l'Italie", admet Sandro Gozi. "Sans doute que c'était un homme qui a marqué une période importante de l'histoire du pays (...). Par sa détermination, il a réalisé des choses qui semblaient impossibles. Il avait un côté têtu qui lui a permis d'atteindre plusieurs objectifs", assure l'eurodéputé de Renew. Cependant, Sandro Gozi n'oublie pas que Silvio Berlusconi a marqué sa pratique du pouvoir par "des conflits d'intérêts et une bataille permanente avec la justice".

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