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Télévision : comment Silvio Berlusconi a bousculé le PAF avec le lancement de "la Cinq" en 1986

Crooner, homme politique, d'affaires, mais aussi de télévision... L'ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi est mort lundi à l'âge de 86 ans. Les Français l'avaient découvert au milieu des années 80 avec "la Cinq".
Article rédigé par Gérald Roux - édité par Cyrille Ardaud
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Silvio Berlusconi lors d'un discours, en février 1987. (DANIEL JANIN,- / AFP)

L'ancien Premier ministre et milliardaire italien Silvio Berlusconi est mort, lundi 12 juin à Milan, à l'âge de 86 ans. Le magnat des affaires est décédé des suites d'une leucémie à l'hôpital San Raffaele, où il avait été de nouveau admis vendredi après de multiples séjours. Il a profondément marqué le paysage politique de son pays. 

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Né en 1936 à Milan, il est tour à tour vendeur d'aspirateur, animateur de variété, chanteur sur des bateaux de croisière. Dans les années 1980, il devient propriétaire d'un empire télévisé en Italie, et même de la chaîne française "la Cinq". C'est à cette occasion que les Français le découvrent.

Une "télévision Beaujolais"

"La télévision à laquelle nous commençons à penser, ce n'est pas une télévision Coca-Cola, ce n'est pas une télévision spaghetti, ce sera une télévision Beaujolais... Et champagne le samedi !", explique Silvio Berlusconi lors d'une conférence de presse à Paris en novembre 1985, inspiré par le lancement réussi de Canal+, en 1984. Trois mois plus tard, fin février 1986, "la Cinq" - cousine de Canale Cinque, fleuron italien de Berlusconi, tendance populaire et paillettes - est lancée depuis les studios italiens de Silvio Berlusconi, avec une émission de variété saturée de strass, de danseuses en fourrure et de stars françaises et internationales. 

Et parmi ce défilé de célébrités, Johnny Hallyday qui affirme sur le plateau "après avoir vécu la grande aventure du rock'n'roll, je suis très heureux de participer, à la grande aventure de 'la Cinq'".

Berlusconi, proche du pouvoir en Italie

Avant de débarquer en France, Silvio Berlusconi s'est imposé dans son pays comme le leader de la télévision très commerciale. En Italie, on l'appelle "emittenza", un jeu de mots entre "éminence" et "émetteur". À l'époque, il est proche du président du Conseil italien, le socialiste Bettino Craxi qui souffle son nom à François Mitterand à la recherche d'un patron ami pour lancer une nouvelle chaîne dans l'Hexagone. Cette alliance contre-nature fait sauter au plafond Jack Lang ainsi que le réalisateur Bertrand Tavernier qui craint la diffusion débridée de films à succès, au détriment du cinéma en salle et de la création. "C'est comme si on avait voulu foutre en l'air tout ce qui a été entrepris par Jack Lang depuis quatre ans. Je trouve que c'est une belle réussite", dénonçait alors le cinéaste.

Mais l'aventure française se complique rapidement. Jacques Chirac, devenu Premier ministre en mars 1986, privatise TF1 et résilie la concession de la Cinq. 

"La Cinq" : une flopée de vedettes et de séries américaines

Silvio Berlusconi, lui, garde son sourire carnassier et trace la feuille de route de sa chaîne, jalonnée de strass et de stars. "Pour faire de la télévision, il faut avoir des stars qui sont dans le cœur du public", détaillera le magnat des médias lors d'une interview. Il sort son carnet de chèques et débauche les animateurs vedettes : Patrick Sabatier, Patrick Sébastien...

Au-delà des vedettes et des shows clinquants - on pense alors aux dessins animés cultes, les journaux de Jean-Claude Bourret et les danseuses sexy de Collaro -, "la Cinq", inaugure en France les multidiffusions de séries américaines déjà largement amorties. "Chérie fais-moi peur", "K2000", sans oublier les deux motards de "Chips"... Mais la chaîne version Berlusconi s'estompe dès 1987, quand arrive un nouvel actionnaire principal, le patron de presse Robert Hersant avec lequel l'italien devra cohabiter.

Mais l'audience de la Cinq, qui culmine à 13% en 1989, est trop faible pour rentabiliser une chaîne entièrement financée par la publicité et qui a beaucoup dépensé pour recruter des animateurs. Elle accumule alors les déficits et reçoit des amendes pour diffusion de programmes violents ou non-respect de quotas de diffusion. Les actionnaires se divisent et Robert Hersant jette l'éponge en 1990. Malgré le changement d'actionnaires, les pertes se creusent et la liquidation judiciaire de la chaîne, qui employait 900 personnes, est prononcée en 1992 au vu d'un passif déclaré qui approche quatre milliards de francs (soit 60 millions d'euros).

Elle cesse d'émettre le 12 avril 1992 : ce jour-là, c'est le journaliste, Jean-Claude Bourret, qui prononce le compte à rebours final en direct, au milieu du personnel. La retransmission coupe et est remplacée par cette inscription : "La Cinq vous prie de l'excuser pour cette interruption définitive de l'image et du son". Un moment culte de la télévision française, durant lequel Silvio Berlusconi n'est pas présent.

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