Dans les collines de Roumanie, un prêtre lutte contre les gaz de schiste
«L'église ne se mêle pas de politique, mais s'il y a danger pour la santé ou la vie d'un seul de mes semblables, ma mision m'oblige à intervenir», confie le prêtre issu de Barlad, dans l'est de la Roumanie. Cet homme de 50 ans a passé plus de la moitié de sa vie à «servir» dans une région rurale et défavorisée.
Avec sa soutane noire, il est de toutes les manifestations contre le géant américain Chevron. D'autres prêtres ont rejoint des milliers d'opposants, dans un pays où l'Eglise bénéficie d'une cote de confiance élevée. «Nous avons peur pour l'avenir de nos enfants. Nous ne sommes pas d'accord avec ces gaz qui détruisent la nature», confie Eugénia Paduraru, une villageoise louant l'engagement d'un «homme extraordinaire, réélement proche des gens».
L'inquiétude du prêtre et des habitants est de voir leurs collines couvertes de forages pour extraire ce gaz, dans une ruée vers l'énergie identique à celle qui avait emporté des campagnes entières aux Etats-Unis.
La méthode d'extraction des gaz de schiste, la fracturation hydraulique est très controversée. Autorisée dans certains Etats américains, mais interdite en France, elle est jugée dangereuse pour l'environnement par des scientifiques. Cette méthode consiste à injecter à très haute pression de l'eau mêlée à du sable et des produits chimiques pour libérer le gaz de la roche. D'où les risques de contamination des nappes phréatiques.
Or, la question de l'eau est cruciale à Bardad. La fracturation nécessite plus de 10.000m3 par puits. Mais «la région souffre de sécheresse», explique la père Laiu. L'Eté, les villageois font parfois plus de 4 kilomètres pour chercher de l'eau. Or, les eaux usées toxiques peuvent contenir des substances radioactives et leur traitement est problématique en région agricole. «Qui voudra acheter du blé?» si des millions de litres d'eau toxique circulent s'interroge le prêtre qui pratique en amateur l'apiculture.
Le père Laiu accuse la compagnie Chevron et les politiques d'«ignorer la communauté». Certains se sentent trahis par les politiques. Quand la coalition de centre gauche du Premier ministre Victor Ponta était encore dans l'opposition, ses membres, dont le maire et le député de Barlad, manifestaient contre les concessions accordées à Chevron.
Mais les temps changent. Arrivé au pouvoir, Victor Ponta a imposé un moratoire sur les gaz de schiste jusque fin 2012. Mais depuis, son gouvernement défend cette source d'énergie.
«Si le projet se fait, ce sera contre notre volonté. Or, un Etat de droit doit tenir compte de l'opinion des citoyens», rétorque le prêtre. Avant d'ajouter: «Il y a des années, j'ai perdu une fille de 4 ans d'une tumeur. Quand j'ai demandé la cause au médecin, il m'a répondu: "Mon père, Dieu seul le sait, mais nous sommes trop près de Tchernobyl." Je n'ai pas le droit d'être indifférent à l'environnement. La vie vaut plus qu'un paquet d'argent agité sous nos yeux.»
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