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Des vaches à hublot pour lutter contre l’effet de serre

A première vue, on croit à un canular tant l’image est surréaliste. Et pourtant cela existe bien et depuis longtemps même. Au nom de la science toute puissante, on n’hésite pas à percer une ouverture permanente dans l’estomac des vaches.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Saisie d'écran du reportage UER diffusé le 6 février 2014. (FTV)

Rarement nous mettons en garde sur le contenu des images. Mais cette fois, il faut reconnaître qu’elles sont tellement stupéfiantes qu’il convient de se préparer à leur visionage. On doit le reportage à la télévision suisse (TSR) et, à l’Office fédéral de l’agriculture, l’autorisation de tournage.

Curieusement du reste, les autorités suisses ne semblent pas voir de problème dans l'affaire. La vache équipée d'un hublot sert à la recherche, et ainsi améliore la qualité de vie des vaches dans les étables. Un postulat qui est loin d’être partagé par tous, et notamment en France. Mais commençons par le commencement.
 
La vache est un ruminant qui possède quatre estomacs. Afin de suivre sa digestion et de voir la fermentation des végétaux qu’elle ingère, on ouvre son estomac. Une ouverture à vie. Les animaux sont équipés d’une canule, fermée par un clapet, qui permet d’intervenir dans la panse. Une technique élaborée depuis le milieu du XIXe siècle, et en vogue depuis trente ans.

Améliorer les rendements
En Suisse donc, à l’Agroscope de Grangeneuve à Fribourg, les chercheurs travaillent sur 14 vaches à hublot. L’intérêt de la recherche est clairement énoncé sur le site de l’établissement. La production laitière est un des piliers de l’agriculture suisse. Le travail ici «permet de conserver la santé des vaches laitières et la productivité du système». Plus loin, on apprend l’intérêt plus spécifique de posséder un cheptel de vaches à hublot. Il s’agit d’«évaluer et mettre en œuvre des recommandations relatives à l'approvisionnement en hydrates de carbone et à l'apport énergétique chez la vache laitière…»

Les Suisses, mais aussi les Canadiens, travaillent avec un tel cheptel. Ainsi, le Centre de recherche et de développement sur le bovin laitier de Sherbrooke au Québec n’hésite pas à présenter ses travaux sur des vaches fistulées. Ici aussi on évoque l’amélioration de la productivité, mais pas uniquement. La recherche porte également sur les moyens de réduire les gaz à effet de serre liés à la production animale. Le postulat est simple : améliorer la digestion de l’animal réduit les flatulences. Bref, on travaille pour le bien-être de l'homme.
 


Et les vaches dans tout ça ?
On en oublierait presque que ces hublots sont posés sur des êtres vivants, tant cela semble banal aux yeux des chercheurs. Serions-nous trop sensibles alors ?  La TSR laisse entendre tout de même que ces animaux sont sujets à controverse. Un député suisse, éleveur de son état, s’étrangle à la vue de ces animaux.

Ailleurs dans le monde, et notamment en France, la population s’émeut. Du reste, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) n’en fait pas une publicité effrénée.

L’INRA, par la voix de Jean-Baptiste Coulon, directeur du centre de Clermont-Ferrand, reconnaît posséder un cheptel d’une vingtaine d’animaux. Selon lui, l’animal ne souffre pas. Il a été opéré par des professionnels, et chaque acte d’opération doit obtenir l’aval d’un comité d’éthique. De la même façon, les expérimentations sont également contrôlées. L’animal doit être élevé comme n’importe quelle vache laitière, donner du lait et donc des petits... Cerise sur le gâteau : «Les troubles sanitaires observés sont légèrement moins nombreux chez les vaches porteuses de canules et leur longévité est plus grande que celle des animaux d’élevage du même troupeau.»
 
Mais le plus curieux reste à venir. L’INRA nous apprend qu’il y a une alternative à la vache à hublot. La modélisation mathématique et l’utilisation de panses artificielles ont donné de très bons résultats. Mais, il y a un mais, l’utilisation d’animaux canulés reste nécessaire, en tout cas dans le court terme.

Bref, ces bêtes œuvrent pour la bonne cause : la recherche. On nous promet qu’elles ne souffrent pas et qu’il n’est pas fait un usage abusif de ces pratiques. Il est évident que la diffusion de ces images est bien gênantes. L'opinion publique bien ignorante de ces procédés pourrait s'en émouvoir...

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