: Reportage "Ma voiture a été vandalisée" : en Géorgie, les ONG redoutent les résultats des prochaines élections législatives
Des élections législatives cruciales se tiennent samedi 26 octobre en Géorgie. Ce petit État du Caucase aspire à rejoindre l'Union européenne, mais vote sous l'œil de son puissant voisin russe. Des vastes manifestations avaient eu lieu à Tbilissi en avril et mai, nuit et jour. Par dizaines de milliers, les Géorgiens sont descendus dans les rues pour crier leur rejet de "la loi russe". Mais le mouvement s'est éteint à l'été et la loi a été adoptée.
Mais ces manifestants n'ont pas abandonné, assure Tamara, du Mouvement Shame (La honte), au premier rang des manifestants. "La seule raison pour laquelle on s'est arrêté, c'était stratégique. C'était pour se concentrer sur les élections. Ils ont voté la loi, mais c'est pour peu de temps, ça va durer six mois. La société est contre le Rêve géorgien [le parti au pouvoir]. Tout le monde. Cette loi sera retirée en octobre. C'était ce que l'on se disait tous", dit-elle.
Des campagnes de dénigrements sur les membres des ONG
Après quelques débats en son sein, Shame a choisi de ne pas se plier à la loi comme la plupart des autres ONG. Transparency International, qui lutte contre la corruption et fédère des groupes d'observateurs pour surveiller le scrutin, est particulièrement dans le viseur du pouvoir. Mais cela n'émeut guère sa directrice Eka Gigauri. Cette loi sur les agents de l'étranger est dénommée "loi russe" par ses détracteurs, tant elle est inspirée par la même loi adoptée par Moscou, qui a mis un bâillon sur la société civile et les médias indépendants en Russie.
C'est avec un grand sourire que Eka Giguari nous accueille dans son bureau où le visage du maître du Kremlin est collé au sol. "Chaque fois que j'entre dans mon bureau, je marche sur la tête de Poutine", dit-elle en riant. Le message est clair, Eka Gigauri ne cédera pas. De toute façon, ajoute-t-elle, la campagne d'intimidation dure depuis des mois.
"La campagne de dénigrement continue contre moi, les membres de ma famille, mon organisation. Ce sont des appels menaçants, ces affiches avec mon portrait dans les rues, à l'entrée du métro… Ma voiture a été vandalisée, décrit-elle. Devant ma maison, il y avait des affiches disant que je suis une traîtresse qui a vendu sa patrie, qui hait tout ce qui est national et traditionnel, qui fait de la propagande LGBT. Ils nous désignent par nos noms et disent que nous serons détruits."
La loi, pense-t-elle, entrera réellement en vigueur après les élections. Amendes, gel des avoirs, arrestations… Tout est possible. Giorgi Badridze ne pliera pas lui non plus. Il dirige la Fondation Rondeli, le plus ancien think tank d'études stratégiques du pays. "Nous refusons bien sûr de nous enregistrer comme agents de l'étranger, et nous cesserons probablement d'exister si ce gouvernement reste au pouvoir", explique-t-il. J'ai une histoire personnelle à ce sujet. En 1937, mon arrière-grand-père est mort sous la torture du NKVD, l'ancêtre du KGB, parce qu'il refusait de signer cette confession stupide disant qu'il était agent de quelque puissance étrangère."
"Vous imaginez que je puisse m'enregistrer comme agent de l'étranger pour quelques subventions ? Cela n'arrivera jamais."
Giorgi Badridze, directeur de la Fondation Rondelià franceinfo
Giorgi Badridze parle d'une voix calme, mais une chose est sûre : jamais les ONG n'ont opéré dans un tel climat d'intimidation en Géorgie.
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