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Handicap: trois Français au service des citoyens
Ils livrent bataille sur tous les fronts, à grands coups d’ascenseurs, de quads ou de rampes d’accès. Ils sont 3 en situation de handicap, 3 qui refusent d’être le handicapé de service. «Les bonnes intentions, ça va», semblent dire ces 3 hommes qui se sont donnés un accès aussi libre que courageux au pouvoir. Préfet, maire, conseiller municipal, Géopolis les a rencontrés. Portraits croisés.
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Ce professeur des écoles a toujours aimé la politique sans jamais vouloir être encarté. Hervé Barsse aime à dire «qu’il n’a toujours pas trouvé le moyen de mettre le sol à hauteur d’homme». Il a fait de cette boutade une maxime en politique. Du coup, sur le programme de sa liste sans étiquette, Hervé Barsse était désigné comme le représentant «concerné par le handicap qui devait veiller à penser en amont l’accessibilité de tous sur l’ensemble des projets d’aménagement urbain portés par la municipalité». Il a été élu conseiller aux élections municipales de 2014 à Nevers.
«Depuis que j’ai acheté un quad, je peux aller partout...», lâche fièrement Bernard Zassot. Certains habitants de Cruviers-Lascours étaient pourtant inquiets à l’annonce de sa candidature aux municipales de mars 2014. Même si la municipalité ne compte que 700 âmes, un maire en fauteuil roulant, saurait-il faire face aux difficultés de sa charge ? Un mois et demi après l’élection, le bureau «historique» du nouveau maire est passé du 1er étage au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Ville. «C’est un bureau provisoire financé en urgence par le Conseil Général du Gard», précise-t-il. Mais c’est mieux que demander de l’aide à Angela, sa femme, ou à un de ses amis pour monter le grand escalier de la mairie. Ce qu’il s’était pourtant résolu à faire en cas de victoire.
Jean-Christophe Parisot, 47 ans, est le descendant du «Chevalier sans peur et sans reproche», le chevalier Bayard. Depuis 1er janvier 2014, il est le premier préfet en situation de handicap en France. L’homme est en charge de la lutte contre les exclusions. Ses préconisations ne sont pas restées lettres mortes. Jean-Christophe Parisot est fier des systèmes de covoiturage mis en place dans certaines municipalités. Ou encore, ce qui est très important pour lui, dit-il, ces programmes de formation au Droit commun qui ont été mis en place par certaines mutuelles. Une enquête dont il est l’auteur a en effet établi que la fraude sociale était due moins à la volonté de tricher, qu’à une méconnaissance des droits. On le voit, ce préfet-là se bat sur tous les fronts de l’exclusion: de la lutte contre toutes les discriminations à l'isolement des personnes âgées. Le handicap n’est que l’un des aspects de son engagement. Jean-Christophe Parisot tient par-dessus tout à être au service de tous ses concitoyens. Une préoccupation d’ailleurs partagée par tous ses collègues placés dans la même situation.
Banaliser mais faire prendre en compte...
Ainsi, Hervé Barsse aime à rappeler que le handicap n’est pas une différence mais une composante de l’humain. «Aujourd’hui personne ne se retourne sur un porteur de lunettes. Dans 5000 ans, espérons que cela soit identique pour toute forme de handicap.» Certes, parmi ses fonctions de conseiller municipal, il y a l’expertise du handicap. Mais c’est un peu contraint et forcé, avoue-t-il. Monsieur le conseiller municipal Barsse ne se cantonne pas à ce rôle, et de loin. «Je suis aussi membre des commissions Jeunesse-Formation, Cadre de vie et Sports», tient-il à rappeler. Là, aucun lien direct avec son handicap. Pour autant, désormais ses collègues conseillers municipaux vérifient toujours si le lieu d’une réunion prévue avec lui est accessible. «Ça peut paraître un détail, mais pour moi c’est aussi une réussite», lâche-t-il. De la même manière, Monsieur Barsse était fier que la Secrétaire d'Etat aux handicapés, Ségolène Neuville, prennent l'ascenseur avec lui, lors de sa visite d'un nouveau musée dans «sa» ville le 11 juillet.
Telle est donc la double tâche de l’homme politique en situation de handicap : tout faire pour banaliser ses difficultés mais aussi tout faire pour convaincre les autres de prendre en compte les difficultés de toute personne handicapée. Bref, une sorte de paradoxe éminemment politique. Ainsi, Monsieur le maire Bernard Zassot espère aller plus loin dans l’évolution des mœurs municipales. Même si ses collègues conseillers municipaux acceptent maintenant que les séances du conseil se tiennent dans le hall de la mairie, il souhaite que les travaux à venir améliorent le cadre de ces séances. «On va faire descendre la mairie au rez-de-chaussée !», annonce-t-il. Autrement dit, un pôle administratif 100% accessible rassemblera bientôt en bas mairie et bureau de poste. Pour réaliser tout cela, le maire prévoit de s’appuyer sur un financement municipal, bien-sûr, mais aussi sur des subventions du Département ou/et de la Région.
Une fois nommé, Jean-Christophe Parisot a été également confronté à ce que l’on pourrait appeler «certaines complications». Début 2012, le préfet hors-cadre a dû mettre aux normes d’accessibilité la préfecture de l’Hérault. Grâce à des ascenseurs et une rampe d’accès, il a pu installer son propre bureau. Et comme à chaque fois, l’homme politique s’est aussi tourné vers les autres. Jean-Christophe Parisot évoque alors les ateliers «différents mais pour tous». Leur cible : les collégiens de 5e. Et le préfet d’expliquer : «Cette génération, avant d’entrer dans la vie d’adulte, doit être mise en situation sur des fauteuils roulants pour prendre conscience des obstacles vécus quotidiennement par les personnes en situation de handicap.»
Parallèlement à cet exercice, l’apprentissage de la langue des signes est aussi au programme. Une infirmière-élève et un handicapé animent ces ateliers, mais aussi des athlètes paralympiques qui viennent présenter leurs parcours exemplaires aux collégiens. Ambitieux, Jean-Christophe Parisot ajoute : «Il s’agit aussi à travers les jeunes de sensibiliser leurs parents. Par exemple, face au choix d’un stationnement sur une place handicapés.» Ces ateliers ont déjà été organisés dans l’Hérault et bientôt en PACA, dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse. Mais vont bientôt s’étendre à toute la France. «C’est prévu», assure-t-il.
Impliqués dans l'action publique
A l’épreuve des faits, ces messieurs – conseiller municipal, maire ou préfet – se révèlent donc autonomes et au service de leur collectivité. Cet accès au pouvoir ne fait plus d’eux les victimes de la myopathie ou d’accidents qui les ont rendus tétraplégiques. Cet accès leur permet de se définir dans l’action, publique qui plus est. Alors bien sûr, ils se montrent critiques sur l’application par étapes de la loi sur l’accessibilité. Hervé Barsse aimerait par exemple qu’elle commence par être appliquée dans des lieux publics bien précis de sa ville. En premier lieu, instaurer un co-voiturage pour les handicapés de la ville afin qu’ils puissent se déplacer plus facilement sur la commune. Puis faire en sorte que la DRH de la mairie accepte de recruter au moins un handicapé au sein des accueils au public... comme lui a su embaucher un sourd et muet comme chauffeur.
Dans son village, Bernard Zassot ne fait pas autre chose. Il existait un club de tennis à Cruviers-Lacours avant son élection. Mais à présent, un club de tennis de table du village a été créé. Pour monsieur le maire, «ce sport permet de jouer d’égal à égal avec un valide».
Et le préfet Parisot de résumer la situation : «Sur le papier, en 2005, la loi disait qu’en 2015, tous les lieux publics devaient être accessibles en fauteuil roulant», note-t-il. «Je regrette qu’elle ait été mal rédigée sans jamais avoir impliqué les personnes en situation de handicap.» Au lieu de vouloir la faire appliquer partout, selon lui, il aurait fallu définir des zones prioritaires en centre-ville par exemple. Jean-Christophe Parisot espère que les municipalités agiront avec bon sens... Sans peur et sans reproche, serait-on tenté d’ajouter.
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