Qu'y a-t-il exactement dans le traité budgétaire européen ?
Les députés commencent à examiner aujourd'hui le traité budgétaire européen en vue d'une ratification. FTVi vous donne les clés pour décrypter ce texte aussi obscur que fondamental.
TRAITE EUROPEEN - Il empoisonne la majorité et divise l'opinion. Le traité budgétaire européen, débattu à partir du mardi 2 octobre à l'Assemblée nationale, instaure notamment une "règle d'or" pour ramener les finances publiques à l'équilibre. Le texte complet est consultable ici (PDF). Mais si vous n'avez ni le temps, ni l'envie de vous y plonger, FTVi vous donne les clés pour le comprendre.
Pourquoi ce traité ?
Pour rétablir la confiance. Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) est une réponse à la crise des dettes publiques qui touche la zone euro. C'est la Banque centrale européenne et surtout l'Allemagne, lassée de venir en aide à des pays ayant des difficultés à maîtriser leur budget, qui ont poussé l'Union européenne à adopter ces règles contraignantes. La Grèce en 2010, puis l'Irlande, le Portugal et plus récemment l'Espagne et l'Italie se sont retrouvés dans l'incapacité soudaine de financer leur dette sur le marché obligataire. Une crise de confiance des marchés qui a obligé l'Europe à déclencher des plans de soutien. Ce traité doit donc permettre de rétablir la confiance des prêteurs, mais aussi la confiance entre les pays qui financent majoritairement les fonds de soutien par solidarité, comme l'Allemagne et la France, et ceux qui en bénéficient.
Parce que sans lui, il n'y a pas de sauvetage. Aucun Etat ne peut prétendre bénéficier de l'appui du Mécanisme européen de stabilité (MES) s'il n'a pas ratifié ce traité. Cet outil, financé par les membres de la zone euro, permet de lever des fonds sur les marchés pour venir en aide aux Etats en difficulté. Il peut aussi acheter des titres de dette à des Etats, permettant ainsi de faire baisser les taux d'intérêt. Il prévoit également de prêter de l'argent pour recapitaliser les établissements financiers en difficulté.
Le MES devrait être pleinement en vigueur à la fin du mois d'octobre. Il est alimenté par les pays membres, en fonction de leur richesse. Son capital disponible d'ici à 2014 devrait être de 80 milliards d'euros. Il pourra prêter jusqu'à 620 milliards.
Ce qu'il prévoit
Une règle d'or. C'est le dispositif qui concentre les débats. Les pays s'engagent à avoir des budgets équilibrés ou en excédent, avec un déficit structurel (hors conjoncture) qui ne doit pas dépasser les 0,5% du PIB. Les pays qui affichent une dette globale modérée, c'est-à-dire nettement en-dessous de 60% du PIB, auront droit à un déficit structurel toléré de 1%. Chaque Etat devra lui-même prévoir qu'un mécanisme de correction soit déclenché automatiquement en cas de dérapage important par rapport à cet objectif.
En France, un Haut Conseil des finances publiques va ainsi être créé. Présidée par Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes, et composée de huit membres (quatre nommés par le Parlement et quatre issus de la Cour des comptes), cette nouvelle instance aura, entre autres, pour mission d'émettre un avis sur les prévisions de croissance du gouvernement. Elle dira également si le projet de loi de finances est conforme ou non à la trajectoire de retour à l'équilibre. Même si son rôle sera déterminant, l'avis de ce Haut Conseil ne sera que consultatif.
Des sanctions. La Cour de justice européenne vérifiera la mise en place de la règle d'or. Elle pourra être saisie par un ou plusieurs Etats et infliger une amende allant jusqu'à 0,1% du PIB du pays fautif. La limite tolérée pour les déficits publics annuels reste à 3% du PIB, mais ce dérapage doit être temporaire.
Austérité ou non ?
• Les arguments des opposants
Le traité impose la rigueur. C'était le principal argument dans les rangs des milliers de manifestants qui ont défilé dimanche 30 septembre à Paris à l'appel notamment de Jean-Luc Mélenchon. Selon eux, avec ce traité, la France ne pourra plus, même en période de croissance et d'excédent budgétaire, se permettre d'inverser la tendance et de laisser de nouveau filer ses déficits pour financer l'éducation, la culture, ou encore de grands chantiers. "Aucun pays ne s'est jamais donné une règle permanente d'équilibre des finances publiques. Seule l'Europe se lance dans cette invraisemblable aventure !" expliquait à FTVi Benjamin Coriat, professeur d'économie à l'université Paris-XIII.
La règle d'or implique une perte de souveraineté. Les détracteurs du traité estiment également que les Etats n'auront désormais plus de marges de manœuvre. Dès lors que l'équilibre des finances publiques est inscrit dans des dispositions organiques, c'est-à-dire avec une valeur supérieure aux lois ordinaires, "cela ne limite-t-il pas la possibilité des parlementaires d'influer sur les politiques budgétaires, au risque de vider le vote des électeurs de son sens ?" s'interroge ainsi Le Monde.
• Les arguments des partisans
La règle d'or n'entraîne pas l'austérité systématique. Car elle différencie le déficit structurel du déficit conjoncturel. Résultat : en cas de crise exceptionnelle, les Etats pourront déroger à leur trajectoire de redressement des finances publiques et autoriser le déficit conjoncturel à augmenter, comme le détaillait à FTVi Eric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Autre argument : en échange de la non-renégociation du pacte budgétaire, François Hollande a obtenu un pacte pour la croissance qui doit permettre de mobiliser quelque 120 milliards d'euros sur trois ans.
L'avenir de l'Union européenne est en jeu. Bernard Cazeneuve, le ministre des Affaires européennes, "noniste" en 2005 et devenu chantre du traité budgétaire européen, appelle ainsi les élus de gauche réticents "à ne pas compromettre la réussite d’une politique qui commence à organiser la solidarité en Europe", et dont le pacte budgétaire européen fait selon lui partie, comme il l'a expliqué à BFM Business. Ajoutant qu'un blocage pourrait condamner "les peuples européens à l’austérité à perte de vue".
Cette ratification du traité représente aussi un test pour le gouvernement. François Hollande et Jean-Marc Ayrault doivent en effet faire face à une contestation jusque dans les rangs de la majorité. Des élus écologistes ou membres de l'aile gauche du Parti socialiste ont déjà annoncé leur intention de s'abstenir ou de voter contre. Ils sont certes très minoritaires, mais cela obligera le gouvernement à compter sur les voix de la droite au Sénat, où la gauche n'a qu'une faible majorité.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.