Italie : Matteo Renzi, 39 ans, est nommé chef du gouvernement
Le maire de Florence est devenu président du Conseil italien. Portrait du plus jeune chef de gouvernement en Europe.
C'est le plus jeune chef de gouvernement en Europe. Le patron du Parti démocrate (centre-gauche) Matteo Renzi, 39 ans, a été officiellement chargé de former le nouveau gouvernement italien, lundi 17 février. Il a été reçu à la présidence de la République par le chef de l'Etat Giorgio Napolitano, quatre jours après l'annonce de la démission de son prédécesseur, Enrico Letta.
Mercredi 12, les cadres du Parti démocrate avaient désavoué leur ancien mentor, lui reprochant d'avoir manqué le train des réformes économiques et de traîner en route. Matteo Renzi réclamait un nouveau gouvernement et sa motion l'a largement emportée, par 136 voix contre 16. Quasiment inconnu en 2012, il est le nouvel homme fort de l'Italie.
Son style : l'atout jeunesse à vélo
Juste avant son discours décisif, jeudi 13 février, Matteo Renzi reçoit un texto. Une chaîne de télévision lui demande de patienter un peu avant de commencer, "à cause de la publicité". Il sourit et s'exécute. Le maire de Florence maîtrise à merveille sa communication. Bon tribun, vif, il agrémente parfois ses tirades d'une plaisanterie ou deux. Et même une phrase du poète américain Robert Frost, prononcée dans le film Le Cercle des poètes disparus.
Jeune, séduisant, il fait parfois la une des magazines. En décembre, il accorde un entretien à Vanity Fair (en italien) pour évoquer son avenir. "A 38 ans, tu es prêt pour tout. Mais en Italie, on pense qu'un homme de mon âge est encore jeune. L'âge n'est pas un problème." Au passage, il égratigne les aînés : "Tous les hommes politiques doivent quitter leur poste un jour", dit-il. A l'époque, les Italiens pensaient qu'il évoquait Silvio Berlusconi. On sait maintenant qu'il visait aussi Enrico Letta. Stratège, jeune et ambitieux. Matteo Renzi a fait sa première télé en 1994, à l'occasion d'un jeu télé. Avec ses faux airs de Clark Kent, il remporte 48 millions de livres (environ 25 000 euros), en direct dans "La Roue de la fortune". Elle n'a jamais cessé de tourner depuis.
Matteo Renzi se réclame du réformiste de Tony Blair. Comme Barack Obama, Matteo Renzi retrousse souvent les manches de ses chemises. Mais quand certains poussent trop loin la comparaison, ses adversaires ironisent, à l'image de Sergio Marchionne, administrateur délégué de Fiat. "Renzi se prend pour Obama mais il n'est que le maire d'une ville pauvre."
Son parcours : la mairie de Florence avant l'envol
Né le 11 janvier 1975 à Florence, ce diplômé en droit, ancien chef scout catholique, commence à militer à 19 ans sur les traces de son père, élu local chrétien-démocrate. Il travaille pour la société de services marketing CHIL. L'affaire appartient à la famille et réalise une bonne part de son chiffre d'affaires grâce au journal centriste de Florence, La Nazione. Un appui précieux, qui lui permet de devenir le plus jeune président de la province, de 2004 à 2009. Au passage, il prend le temps d'écrire un livre intitulé Entre De Gasperi et U2.
Puis vient l'élection municipale à Florence (Italie). Son premier grand coup. Il remporte la primaire du centre-gauche en 2009, contre le candidat désigné du parti. Puis il conquiert la mairie en juin 2010, après une campagne marquée par ses coups de pédale. Il continue depuis de faire du vélo, même lors d'un entretien en 2012, dans le centre historique de Florence.
Quand il a besoin d'argent pour sa ville, l'année de son élection, il va directement frapper à la porte de Silvio Berlusconi, et déjeune avec lui à la villa d'Arcole. Un renvoi d'ascenseur, car la semaine précédente, le Cavaliere lui avait demandé secours pour traiter les déchets à Naples. Au téléphone, les deux hommes se tutoient aussitôt, précise La Repubblica (en italien). Le ton est cordial. Le Cavaliere lui lâche même : "Tu me ressembles. Comme moi, tu es en dehors du système".
Matteo Renzi ne subit qu'un revers, en décembre 2012, lorsqu'il est battu par Pier Luigi Bersani pour le poste de secrétaire du Parti démocrate. Mais il prend vite sa revanche l'année suivante, avec un score sans appel de 68% des voix. Forcément, cette ascension rapide fait grincer des dents. "Un carriériste sans scrupules" et "menteur invétéré", juge vendredi Beppe Grillo, le leader populiste du Mouvement 5 étoiles.
Sa politique : pragmatique et social-démocrate
Matteo Renzi appartient à une "génération post-idéologique", écrit Philippe Ridet, correspondant du Monde en Italie. A vrai dire, son programme est encore imprécis. Il compte poursuivre les réformes par de nouvelles baisses de la dépense publique, réduire la dette publique grâce à des privatisations, revoir le train de vie de l'Etat... Bref, une politique d'austérité semblable à d'autres partenaires européens.
"Il promet tout et son contraire car il veut plaire à tout le monde", estime Philippe Moreau Defarges, spécialiste de la politique italienne, contacté par francetv info. "Il souhaite libéraliser l'économie tout en rassurant les Italiens en proposant, par exemple, un système de chèques universels pour aider les catégories précaires."
Pour beaucoup d'observateurs, son programme est calibré sur ses ambitions. "Même un aveugle verrait que le but de Renzi est de chambouler le paysage politique des prochains mois, voire des prochaines années", écrit un éditorialiste de La Repubblica dès novembre 2011, repris par Courrier international. L'ancien président du Conseil, Massimo D'Alema, est encore plus rageur. D'après lui, Matteo Renzi est "inapte et incompétent pour gouverner".
Ses chances de réussite : incertaines
A court terme, cette nomination rassure les milieux d'affaires. La bourse de Milan a fait preuve d'optimisme, avec une hausse de 1,7%, vendredi midi. Certains industriels lui accordent leur confiance, certes, mais la partie est loin d'être gagnée dans un contexte économique dégradé, où le taux de chômage atteint 12,7%.
Pour sa part, le Corriere della Sera estime que cette nomination "ne doit pas se réduire à des effets spéciaux". Et l'hebdomadaire L'Espresso est encore plus prudent, évoquant le "saut mortel (...) d'un boy-scout devenu cannibale". Craignant une nouvelle crise gouvernementale, l'opinion est tout aussi prudente. Quelques jours avant l'annonce, seules 14% des personnes interrogées étaient favorables à la nomination de Matteo Renzi à la place d'Enrico Letta.
Etoile filante ou carrière à la Berlusconi ? "Il faut être très prudent. Matteo Renzi peut être sorti de la scène politique dans six mois ou un an, explique Philippe Moreau Defarges à francetv info. Il a beaucoup joué sur sa jeunesse, mais le jeune lion parviendra-t-il à tuer les vieux crocodiles ? Rien n'est moins sûr."
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