L'Union européenne bannit la pêche en eaux profondes au-delà de 800 mètres
Après des années de bataille entre lobbys industriels et ONG écologistes, la loi contre la pêche en eaux profondes est finalement passée.
Le temps du chalutage profond est révolu (ou presque). L'Union européenne a annoncé, jeudi 30 juin, l'interdiction de la pêche à plus de 800 mètres de profondeur, sur la base d'un accord trouvé entre Etats membres, Commission et Parlement européen après des années de négociations. Cette législation assez rigoureuse sera mise en place dès janvier 2017.
Le commissaire européen chargé du secteur, le Maltais Karmenu Vella, s'est félicité d'un "compromis équilibré qui protègera notre environnement et nos ressources halieutiques dans les eaux profondes tout en mettant un terme à l'incertitude à laquelle étaient confrontés les pêcheurs". "C’est une très bonne décision, presque une pêche miraculeuse", a plaisanté de son côté Ségolène Royal à l'issu du vote. La ministre de l'Environnement en a profité pour annoncer son souhait d'anticiper l'entrée en vigueur de la législation en France pour septembre.
Contrôles renforcés
Alors, que prévoit cet accord ? Il bannit le chalutage de fond à plus de 800 m dans les eaux européennes. Cette profondeur est ramenée à 400 m dans les zones dites "d'environnement marin vulnérable". Dans les eaux autorisées, la pêche en profondeur ne pourra être pratiquée que si la zone a déjà été exploitée par le passé entre 2009 et 2011. Dès que les poissons profonds représenteront 8% des prises des chalutiers, ou bien dès qu’ils en captureront 100 kg, les chalutiers dépendront de la nouvelle réglementation.
Les contrôles seront renforcés, tout comme les sanctions en cas d'infraction. Et ce sont les pêcheurs qui seront mis à contribution pour collecter les informations que l’UE a incluses dans l’accord. Ils devront notamment accueillir des observateurs sur leur pont : 20% des bateaux devront embarquer un observateur lors de leurs campagnes.
Risque pour les écosystèmes
L'accord intervient près de quatre ans après la publication des premières propositions de Bruxelles sur ce type de pêche, au poids assez faible dans l'UE, mais très sensible pour l'environnement. La pêche en eaux profondes ne représente qu'environ 1% des débarquements de l'Atlantique Nord, mais elle constitue "le plus grand risque de destruction des écosystèmes marins vulnérables et irremplaçables", soulignait la Commission européenne en juillet 2012, lorsqu'elle a mis sur la table ses propositions.
En raclant les fonds marins où vivent coraux et éponges, elle entraîne des niveaux élevés (20% à 40%) de captures non désirées et affecte des stocks vulnérables, qui ne peuvent supporter qu'une faible pression de pêche car ils mettent des années à arriver à maturité pour se reproduire. "De façon générale, les pêcheries profondes ne sont pas durables", concluait alors la Commission.
Pas d'interdiction totale
"La Commission européenne proposait initialement l’interdiction pure et simple de la pêche en eaux profondes, rappelle au Monde Isabelle Thomas, élue européenne socialiste. Les professionnels devraient finalement être satisfaits de cet accord qui permet de maintenir l’activité tout en instaurant une réglementation rigoureuse et protectrice des fonds marins."
En quatre ans, l'idée initiale d'interdire totalement les chaluts de fond a en effet été abandonnée, fermement combattue par la France et l'Espagne, dont les grands chalutiers nomades sont les plus ciblés : avec le Portugal, les trois pays remontent 90% des prises en eaux profondes.
"Une grande avancée"
L'interdiction de la pêche en eaux profondes a fait l'objet d'une intense mobilisation citoyenne, avec plus d'un million de signatures recueillies en sa faveur par l'association française de protection des océans Bloom. Elle a été saluée jeudi par la Deep Sea Conservation Coalition, regroupant plus de 70 ONG engagées dans la protection des fonds marins.
"On n’a pas obtenu tout ce que nous voulions, mais c’est quand même une grande avancée pour les fonds marins", s’est réjoui Yannick Jadot, député européen écologiste, au Monde. Car la technique est très destructrice, comme le rappelle en dessin (et avec humour) l'illustratrice Pénélope Bagieu sur son blog : elle participe à l'exctinction de coraux parfois millénaires et d'espèces comme le requin d'eau profonde.
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