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Brexit et risque de "no-deal" : Boris Johnson s'est enfermé dans "une logique politique, nationaliste et populiste"

Les négociations sur un accord commercial post-Brexit ont repris ce dimanche sans grand espoir d'aboutir d'ici le 31 décembre. Le gouvernement britannique a déjà annoncé qu'il ne poursuivrait pas les discussions l'année prochaine en cas d'échec.

Article rédigé par franceinfo
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Boris Johnson, le Premier ministre britannique, le 2 décembre 2020. (JESSICA TAYLOR / AFP)

"Si chacun ne veut pas bouger sur ses lignes rouges, il faut conclure à l'échec des négociations et donc à un véritable no-deal au 31 décembre 2020", estime lundi 7 décembre sur franceinfo Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po, spécialiste des questions européennes et internationales, alors que l'Union européenne et le Royaume-Uni ont repris les négociations ce dimanche sur un accord commercial post-Brexit. En cas d'éche, le gouvernement britannique a exclu de prolonger ces discussions l'année prochaine. Boris Johnson s'est enfermé dans "une logique politique, nationaliste et populiste", estime Patrick Martin-Genier.

franceinfo : Faut dédramatiser ? Est-ce qu'un no-deal serait si grave ?

Patrick Martin-Genier : Je crois que tout le monde est arrivé au bout d'une ligne où on ne peut plus négocier. Michel Barnier [le négociateur en chef de l'Union européenne pour le Brexit] l'a très bien dit ce matin, à la fois devant les députés et les ambassadeurs. On se laisse une marge de manœuvre jusqu'à mercredi, soit la veille du Conseil européen des chefs d'État et de gouvernements. Mais à un moment donné, si chacun ne veut pas bouger sur ses lignes rouges, il faut conclure à l'échec des négociations et donc à un véritable no-deal au 31 décembre 2020.

Aujourd'hui, ce qui se passe est grave. Pour les économies, ce sera terrible.

Patrick Martin-Genier, enseignant à Sciences Po

à franceinfo

 Lorsqu'on dit qu'il ne faut pas dramatiser cette affaire, c'est quand même des milliers d'emplois qui sont en cause, non seulement en Europe mais surtout au Royaume-Uni, qui fait plus de 50% de son commerce extérieur avec l'Union européenne. Et je ne vous parle même pas de l'Irlande du Nord, où des milliers de chefs d'entreprises, sont en train de dire, nous ne pourrons pas continuer dans ces circonstances, si on met des frontières entre l'Angleterre et l'Irlande du Nord par exemple.

Pourquoi le Royaume-Uni n'écoute-t-il pas ces arguments ?

Parce qu'il est enfermé dans une logique nationaliste et populiste. Boris Johnson a été élu haut la main au mois de décembre 2019 en promettant aux Britanniques de partir de l'Union européenne quoi qu'il arrive. Il est dans une logique politique, nationaliste et populiste. Il est prisonnier, en quelque sorte, des Brexiteurs, ceux qui veulent une sortie pure et dure de l'Union européenne, et il tient à son électorat. Par conséquent, il n'évolue pas pour l'instant, sauf si, au dernier moment, il devait trahir les Brexiteurs et conclure un accord, mais qui serait une sorte de recul politique. Pour l'instant, il n'est pas prêt à cela.

Si c'est bien un no-deal qui ressort de tout ça, qu'est ce qui se passe concrètement le 1er janvier ?

Très concrètement, on va quand même pouvoir continuer à aller à Londres dans un premier temps. Mais vous savez que là-bas, on est en train de parler de visas, une politique d'immigration nouvelle. Même si des Français, des Allemands ou des Belges veulent aller travailler au Royaume-Uni, ce sera sur la base d'un visa avec un quota de points comme le système australien. En revanche, pour les entreprises ce sera bien plus difficile, car il faudra rétablir les frontières. Ce sont des frontières physiques, des frontières fiscales. Toutes les matières qui rentrent dans l'Union européenne devront être contrôlées aux frontières. Et c'est à cela que se prépare le gouvernement britannique en créant des méga parking dans le Kent, qui est la région frontalière, pour permettre à des camions de patienter avant de pouvoir passer la frontière. Cela pourrait prendre plusieurs jours et faire des dégâts très importants, notamment pour le bétail qui est censé passer dans l'Union européenne. Donc, il y aura des obstacles tarifaires, des obstacles douaniers très importants qui auront un gros impact sur tous les acteurs économiques.

Il y aura aussi des conséquences sur l'économie française ?

Oui, parce que lorsque vous regardez la pêche, ce sera une grosse difficulté. Aujourd'hui sur la pêche, on est en train de dire qu'il y a un compromis en cours de discussion. Et aujourd'hui le problème c'est la redistribution des quotas.

Imaginez tous les milliers de pêcheurs qui sont en Bretagne, dans le Nord-Pas-de-Calais, sur la Manche, qui dépendent énormément des captures de pêche dans les eaux britanniques.

Patrick Martin-Genier

à franceinfo

S'il n'y a pas d'accord, cela va être une véritable bataille. Cela risque de mettre sur la paille, des centaines et des centaines de familles de pêcheurs dans ces régions.

Est-il est envisageable que le Royaume-Uni passe des accords bilatéraux avec les autres pays de l'Union européenne?

A terme, c'est peut être possible. Mais cela ne se fait pas en quelques mois. Il faudra des années pour conclure des accords bilatéraux. On parle d'accords bilatéraux avec le Japon, la Chine, les États-Unis. Je rappellerais qu'aux États-Unis, la nouvelle administration Joe Biden a dit qu'il ne pouvait signer de traités de libre échange tant que sa situation économique ne sera pas rétablie. Il faut aussi se souvenir que Joe Biden a des origines irlandaises. Il a fait savoir à Boris Johnson qu'il ne conclurait pas d'accord avec le Royaume-Uni, si les accords du Vendredi saint, c'est à dire l'absence de frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord n'étaient pas respectés.

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